Je rappellerai tout d'abord le cadre de ma mission et préciserai le profil des ménages concernés. La France enregistre 11,7 millions de locataires, et le parc social compte 4,7 millions de logements. Dans le parc privé, 2 millions de baux sont gérés par des intermédiaires, et 5 millions directement par les propriétaires bailleurs - j'insiste sur cette dernière catégorie, qui est assez rarement représentée.
La procédure d'expulsion est extrêmement longue, violente, avec l'arrivée d'un huissier à domicile, l'assignation au tribunal, l'audience, le commandement de quitter les lieux et le recours éventuel à la force publique pour l'expulsion. Ces différentes étapes s'échelonnent en réalité au moins sur vingt-quatre mois.
Ces procédures judiciaires ont diminué depuis quelques années : en 2019, on a recensé 153 000 décisions, dont 16 700 ont été assorties du recours à la force publique - ce chiffre a été multiplié par trois en trente ans.
Compte tenu de la très forte inquiétude des bailleurs lors du confinement, a été mis en place l'Observatoire des impayés, qui s'est réuni par deux fois. Il n'a pas constaté à ce stade de forte augmentation des impayés, mais il a tout de même noté une hausse des retards de paiement. Nous sommes très inquiets pour la suite, car les amortisseurs ont été nombreux : État, bailleurs sociaux, etc. Dans les mois et les années à venir, les impayés risquent de toucher des ménages que l'on ne connaît pas : auto-entrepreneurs, restaurateurs, commerçants, qui n'ont pas l'habitude de demander de l'aide, par fierté ou par réflexe. Nous avons la responsabilité d'aller les voir le plus tôt possible, via des associations comme le Secours populaire ou les Restos du coeur - fin 2020, 40 % de nouveaux ménages s'adressaient à des associations pour obtenir de la nourriture.
Il y a consensus, il est temps de passer à l'action. Il va falloir s'adresser aux centres communaux d'action sociale (CCAS), qui font un travail remarquable, mais n'ont pas pour habitude de se tourner vers ces ménages. Il convient de frapper à leur porte, d'échanger avec eux, de créer un climat de confiance, car le non-recours à ces aides est malheureusement monnaie courante.
Sur la trêve hivernale, j'ai formulé des préconisations assez précises dans mon rapport. Il faudra absolument échelonner les futures expulsions pour des raisons humanistes et de logistique. Les services déconcentrés de l'État, les acteurs sociaux ne pourront pas gérer 30 000 expulsions sans un risque majeur de remise à la rue. Il faut réaliser un travail de dentelle à destination de ces ménages, y compris les propriétaires privés. J'ai souhaité que l'on puisse accélérer les indemnisations et les rendre automatiques. Malheureusement, en France, peu de propriétaires les demandent. Je souhaite aussi que ce budget, géré par le ministère de l'intérieur, soit confié au ministère du logement.