Intervention de Emmanuelle Cosse

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 9 mars 2021 à 15h30
Impayés de loyers et de charges et prévention des expulsions — Audition de Mme Emmanuelle Cosse présidente de l'union sociale pour l'habitat M. Nicolas Démoulin député de l'hérault ancien parlementaire en mission auprès de la ministre de la transition écologique et de la ministre chargée du logement mmes nathalie sarrabezolles présidente et roselyne conan directrice générale de l'agence nationale pour l'information sur le logement et M. Jean-Marc Torrollion président de la fédération nationale de l'immobilier

Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH) :

Chaque expulsion pour cause d'impayés est un drame, même si elle est parfois nécessaire. La lenteur des procédures judiciaires ne profite à personne.

Dans le parc social, c'est rarement lors des premiers retards de loyers que l'on établit un contact avec les locataires, mais plutôt lors de l'envoi des commandements de payer. On insiste auprès des bailleurs pour qu'ils essaient de renouer le contact plus en amont. Je dis souvent qu'il faut commencer à discuter dès 10 euros d'impayés.

Toutefois, de manière générale, quand nos locataires commencent à ne plus payer leur loyer, alors qu'ils se sont souvent battus pour avoir un HLM, c'est vraiment que ça va mal. Certains continuent d'honorer leur loyer alors qu'ils se fournissent auprès des banques alimentaires.

Globalement, la population des HLM s'appauvrit d'année en année, et cela nous inquiète beaucoup. Les nouveaux entrants sont toujours plus pauvres que les locataires qu'ils remplacent.

L'ascenseur social par le travail ne fonctionne plus. Aujourd'hui, même nos locataires actifs, souvent à temps partiel, n'y arrivent plus.

En outre, nos obligations de relogement des publics prioritaires nous conduisent à accueillir beaucoup de personnes fragiles, qui n'ont aucun autre revenu que les minima sociaux et les allocations familiales.

Les listes d'attente pour un logement HLM comprennent toujours 2,1 millions de demandeurs, dont 700 000 en attente d'une mutation au sein du parc. De mémoire, 70 % d'entre eux sont sous le plafond des PLAI, à savoir les logements les moins chers. Je ne pourrai pas vous dire précisément aujourd'hui si nous avons une évolution de la demande et de nouveaux profils, mais je compte procéder à cette analyse pour le prochain congrès HLM de septembre.

Si un ménage est expulsé pour cause d'impayés, il ne pourra pas se reloger en HLM. C'est pourquoi il faut vraiment prévenir ces situations. Je m'interroge aussi beaucoup actuellement sur les impayés dans les résidences étudiantes : on n'en parle pas beaucoup, mais a priori ces étudiants n'auront pas le droit d'y retourner l'année prochaine.

Les expulsions pour troubles à l'ordre public, certes très sensibles, et qui peuvent poser d'énormes problèmes au niveau d'une résidence, ne sont pas si fréquentes. En 2018, nous avons eu 220 expulsions pour des troubles de jouissance. En comparaison, nous avons environ 800 000 ménages qui rencontrent chaque année des problèmes d'impayés, ce qui se solde par environ 8 000 expulsions prononcées et exécutées chaque année. On voit donc aussi que la plupart des situations d'impayés se règlent avant d'en arriver à l'expulsion.

En 2018, 20 000 concours de la force publique avaient été sollicités, 12 000 accordés et 7 600 in fine exécutés. Les demandes de concours ne représentent que 0,5 % des locataires.

Je ne sais pas trop où en sont les travaux sur le RUA, mais nous avons toujours été opposés à l'intégration des allocations logement en son sein. En effet, l'APL n'est pas un revenu de substitution comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou d'autres allocations, mais une aide à la solvabilisation des ménages face à un marché locatif trop onéreux.

Quelles seraient par ailleurs les conséquences financières de cette intégration sur la trajectoire des APL ? Nous n'avons jamais eu communication des travaux économiques sur le sujet. Depuis quatre ans, nous avons des dissensions assez fortes avec le Gouvernement sur les APL, qui sont moins solvabilisatrices que par le passé. C'est pourtant l'allocation la plus redistributrice. Nous ne souhaitons pas non plus traiter trois publics : ceux qui n'ont pas l'APL, ceux qui ont l'APL sans le RUA et ceux qui ont une allocation logement intégrée au RUA.

Je ne sais pas aujourd'hui si la situation économique des personnes touchant les APL s'est aggravée. Nous avons tous lu des articles sur le sujet, mais nous n'avons pas de données plus précises pour l'instant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion