Certes, le 19 décembre dernier, à l’occasion de la conférence sociale destinée à fixer l’agenda des réformes de 2008, le Président de la République déclarait assez justement ceci : « Le temps du dialogue social est un temps long, mais un temps utile, car il permet la maturation des réformes et favorise le consensus. » Cependant, il précisait aussi aux partenaires sociaux que, s’ils ne parvenaient pas rapidement à un accord, le Gouvernement entreprendrait une concertation rapide avant d’élaborer un projet de loi.
Quant au Premier ministre, il fixait laconiquement l’échéancier : la réforme du marché du travail serait votée avant l’été. Somme toute, une fois de plus, l’exécutif réaffirme que l’application de l’article L. 101–1 du code du travail demeure inféodée à ses desiderata.
Rien d’étonnant à cela puisque les partenaires sociaux, comme les parlementaires, ont, au cours du dernier semestre de 2007, mesuré combien étaient relatifs cette volonté de dialogue social renouvelé et équilibré ainsi que ce désir de faire « des acteurs sociaux, aux cotés de l’État, le moteur du progrès social ».
De fait, les centrales syndicales signataires ont visiblement choisi de porter un coup d’arrêt à une évolution sur laquelle elles n’auraient plus eu prise. M. le rapporteur parle de « compromis », mais il en va ainsi de tout accord. Il n’en demeure pas moins que qualifier cet accord de défensif n’est pas un abus de langage : c’est une stricte traduction de la réalité. Les syndicats, dans cette affaire, ont évité le pire, notamment le contrat unique, projet cher au candidat Sarkozy.
Cet accord est majoritaire. À cet égard, nous respectons le travail accompli par les partenaires sociaux, sans pour autant remettre en cause notre rôle de législateur, en l’occurrence : veiller au respect de l’intérêt général et garantir un équilibre entre le puissant et le faible.
Cette négociation devait, selon le Président de la République, « offrir aux entreprises, comme aux salariés, à la fois des sécurités nouvelles et plus de mobilités ». Il s’agissait donc de parvenir à un savant équilibre afin de donner corps à une « flexicurité à la française », soit un savant dosage entre une plus grande flexibilité du marché du travail et une réelle sécurisation du parcours professionnel.
Nous notons, comme M. le rapporteur, que les dispositions de l’accord relatives à la sécurisation du parcours professionnel ne sont pas retranscrites dans le projet de loi et sont renvoyées aux éventuelles négociations futures. Nous le regrettons très vivement.
Concernant la flexibilité, si chère au MEDEF et à sa présidente, elle se concrétise notamment par l’article 2, qui allonge les périodes d’essai pour l’ensemble des salariés en contrat à durée indéterminée et autorise, sous le couvert d’un accord de branche, leur renouvellement.
L’article 5, qui instaure la rupture à l’amiable, dite « séparation conventionnelle », entre le salarié et l’employeur, donne une base légale aux ruptures d’un commun accord, jusqu’à présent souvent présentées comme des licenciements pour motif personnel et donnant lieu à des indemnités négociées de gré à gré.
Enfin, l’article 6 instaure une nouvelle forme de contrat de travail, « le contrat de travail à durée déterminée [pour] la réalisation d’un objet défini », qui, réservé aux cadres et aux ingénieurs – notons que des amendements ayant pour objet d’en étendre le champ ont été déposés – peut être considéré sous l’angle de la fin de contrat exclusive de licenciement.
Sans entrer dans le détail, nous pouvons observer que l’article 2 codifie et allonge la période d’essai. Si, comme le rappelle M. le rapporteur, « actuellement, le code du travail n’encadre pas la période d’essai », la durée de celle-ci étant définie par les accords de branche ou d’entreprise, comment ne pas voir dans cet allongement, qui peut atteindre huit mois et paraît peu justifiable, notamment au regard de l’année exigée pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement, le signe d’une volonté patronale de revanche après l’échec du CNE ?
Comment doit-on interpréter le fait que les accords prévoyant une durée plus longue que les nouveaux plafonds resteront de mise alors que ceux qui prévoient des périodes plus courtes devront, après le 30 juin 2009, intégrer la nouvelle hiérarchie ?
En outre, si la période de stage effectuée au sein d’un cursus pédagogique est intégrée, pour moitié de sa durée, à la période d’essai, il ne s’agit que d’une transposition a minima des dispositions qui sont souvent appliquées par les entreprises à l’issu d’un stage long.
L’article 5, qui renvoie à l’article 12 de l’accord, est symptomatique de la volonté du patronat de sortir le contrat de travail du corpus législatif pour le confier uniquement à l’accord.
Il est question de donner un cadre légal à la rupture de gré à gré, laquelle n’est ni un licenciement ni une démission et ne nécessite aucun motif réel et sérieux pour être licite. Or l’article 11 de l’ANI réaffirme « l’obligation de motiver les licenciements ». Dans ce contexte, le MEDEF, notamment, a reformulé son exigence via la mise en place de la « séparabilité », terme cher à Mme Parisot.