C’est un bon sens partagé que celui de M. Gontard et de ses collègues, car nous nourrissons des inquiétudes assez profondes sur l’utilisation de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale.
Hier, M. le ministre n’a pas apprécié que j’aille puiser mes remarques dans le Livre blanc de la sécurité intérieure. Excusez-moi d’y revenir, monsieur le ministre, mais quand on lit dans ce Livre blanc que l’on veut « mobiliser les technologies biométriques dans le respect des valeurs et des normes de l’État de droit », c’est une bonne chose ! Or on trouve, plus bas, un point 4.7 intitulé : « Expérimenter la reconnaissance du visage dans l’espace public ». Nous sommes donc en droit de nous poser des questions, parce que nous comprenons que, si on le peut, on le fera !
Le cadre législatif qui nous est proposé n’est pas suffisamment protecteur des libertés individuelles et n’apporte pas assez de garanties. Je le redis, Loïc Hervé a effectué un travail remarquable sur les garanties encadrant certains dispositifs. Malgré tout, il est prématuré de s’engager dans la voie de la reconnaissance faciale.
Le ministre nous a assuré hier qu’il n’y aurait pas de reconnaissance faciale, car nous butons parfois sur des questions de performance technologique des instruments. Je suis quand même très inquiet et je ne suis pas le seul : dans le débat public, de nombreuses personnes s’alarment des dérives potentielles. La reconnaissance faciale est déjà mise en place dans d’autres pays. Pourquoi n’y viendrions-nous pas également, comme certaines grandes démocraties – du moins qui se vivent comme telles –, à l’autre bout de la planète, où la population vit avec le système du « crédit social » et sous la surveillance et le contrôle de 250 millions de caméras ? Soyons vigilants sur ces sujets.
Nous demandons donc la mise en place d’un moratoire de deux ans pour éviter que l’on s’engage trop vite et trop mal dans la reconnaissance faciale.