Nous voterons bien évidemment contre cet article, et ce pour de nombreuses raisons.
Tout d’abord, dans sa forme, il est porteur de tous les défauts du texte : deux versions, une procédure accélérée, une proposition de loi qui veut se faire aussi grosse qu’un projet de loi, une commission exotique à l’Assemblée nationale qui n’attend même pas la navette parlementaire pour nous laisser le temps de travailler et la confusion, voire la redondance, avec l’article 18 du projet de loi confortant le respect des valeurs de la République, quasiment concomitant à celui-ci.
Cet article 24, « inutile et dangereux », « écrit avec les pieds », selon notre rapporteur et quelques autres, a été récrit par la commission. Est-ce suffisant ? Notre réponse est « non ». Cet article, toujours inutile, reste imprécis. Le délit de provocation à l’identification ne nous paraît pas satisfaisant, et peu applicable. On nous a dit de prendre en considération la tuerie de Magnanville. Or l’effectivité opérationnelle de cet article n’aurait malheureusement pas empêché un certain nombre de drames. Prendre un tel prétexte sans apporter de réponse efficace à ce type de situations est dangereux.
S’agissant de la presse, la loi de 1881 n’a pas été modifiée, et c’est heureux. Les droits d’informer et d’être informé sont préservés. Toutefois, ce texte contribue à entretenir un climat empêchant les journalistes de travailler dans de bonnes conditions, ce qui nous paraît également dangereux. Ainsi, 200 journalistes ont été empêchés, par les forces de l’ordre, de travailler au cours de ces deux dernières années, sans mentionner les gardes à vue et un phénomène d’autocensure.
Par ailleurs, et ce point est déterminant, cet article 24 est le symptôme d’un échec concernant l’état des rapports entre la police et la population. À cet égard, permettez-moi de citer les propos d’un gendarme : « Quand on en est là, c’est qu’on a échoué dans notre mission de prévention et notre insertion dans la population. »
C’est un échec pour ce qui concerne la conduite des opérations de maintien de l’ordre : comme l’illustrent la nasse, le « nous ne sommes pas dans le même camp, madame », c’est une doctrine qui vise l’escalade et non pas la désescalade.
Sans effets de tribune, sans emphase, nous aurions aimé un texte plus solide, mieux construit juridiquement, et une réflexion plus aboutie sur la question des images. Pour paraphraser un défenseur des libertés publiques, avec les drones et les articles 21, 24 et 25, on ne sait pas ce qu’on gagne en termes de sécurité ; en revanche, on voit très clairement tout ce qu’on perd en termes de liberté.