Concernant le principe de non-régression, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très classique : on ne peut pas considérer qu'un droit ne peut jamais être remis en cause. En revanche, l'évolution législative ne doit pas priver de garanties légales les principes qui figurent dans la charte de l'environnement. Il ne s'agit pas d'un principe de non-régression, mais d'un principe qui empêche le retrait de toute protection. Descendre en dessous d'un certain seuil conduirait à priver de garanties légales des exigences constitutionnelles.
La question fondamentale, à mes yeux, est la suivante : souhaite-t-on rompre avec la formule de l'article 6 de la Charte de l'environnement, selon laquelle le développement durable comprend la protection de l'environnement, le développement économique et le progrès social ? Si l'on reste dans l'épure de cet article 6, la jurisprudence sera classique, il s'agira de vérifier que le législateur et l'autorité administrative auront bien équilibré ces trois éléments. Si l'on raisonne autrement et que l'on considère, comme le ministre de la justice, que l'on est tenu à une obligation de résultat, la situation sera tout à fait différente.
J'ignore quelle réponse sera apportée. En revanche, je suis certain du nombre considérable de contentieux que les nouvelles dispositions constitutionnelles entraîneraient. Sur cette base, en effet, la création d'un rond-point ou l'artificialisation des sols pourront faire l'objet d'un contentieux. Ce manque de cohérence entre, d'une part, la formule qui serait ajoutée à la Constitution et, d'autre part, celle de l'article 6 de la Charte de l'environnement est, si je puis dire, un nid à contentieux.
Prenons l'exemple de l'artificialisation des sols. La question de la biodiversité doit-elle l'emporter sur le développement de l'habitat ? Le souci est-il de créer un équilibre entre les deux ou de faire prévaloir l'un sur l'autre ? Cette question, si elle n'est pas traitée, sera renvoyée au juge administratif et posera des problèmes.
La place de la protection de l'environnement est éminente dans la Constitution : outre la Charte de l'environnement elle-même, le préambule énonce que le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits et devoirs définis dans la Charte. L'article 1er prolonge le préambule, et la récurrence de la référence à l'environnement n'est pas indispensable.
Mon analyse sur le glissement sémantique souligné par M. le rapporteur pour avis est la suivante : dans « agir pour », on entend l'obligation d'action ; avec « favoriser », se pose le problème de l'équilibre, mais une obligation ne prévaut pas nécessairement sur les autres ; quant au terme « garantir », tout dépend si l'on y entend une obligation de résultat... Encore une fois, instituer une obligation de garantie me semble non seulement dangereux, mais irréaliste. Je ne vois pas comment seuls le législateur ou le gouvernement français pourraient à eux seuls préserver la biodiversité. En employant la formule « participer à la garantie de », le résultat aurait été aussi satisfaisant sur le plan des principes et plus réaliste.