Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 25 mars 2021 à 14h30
Droit au respect de la dignité en détention — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie au Sénat le mardi 23 mars dernier est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi, déposée par M. le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention. L’accord ne fut, il est vrai, pas difficile à obtenir, tant les positions de nos deux assemblées étaient proches, l’Assemblée nationale ayant préservé les grands équilibres du texte et maintenu les apports du Sénat.

La proposition de loi, je le rappelle, vise à introduire dans notre code de procédure pénale une nouvelle voie de recours garantissant à chaque détenu la possibilité de faire constater des conditions indignes de détention, afin qu’il y soit mis fin. Le détenu aura la possibilité de déposer une requête, examinée soit par le juge des libertés et de la détention, si la personne est placée en détention provisoire, soit par le juge de l’application des peines, s’il s’agit d’un condamné. Il appartiendra au juge de se prononcer sur la recevabilité de la requête, puis, s’il estime la requête fondée, de prendre une décision pour mettre fin aux conditions indignes de détention, après avoir accordé un délai à l’administration pénitentiaire pour y remédier par ses propres moyens.

Le texte ouvre une nouvelle voie de recours sans créer un droit automatique à la remise en liberté, ce à quoi nous étions attentifs. Différentes mesures pourront être étudiées par l’administration pénitentiaire, puis par le magistrat, y compris le transfèrement dans un établissement moins occupé, sans que cette mesure ait vocation à être systématique.

Sur mon initiative, le Sénat a notamment veillé à ce que le juge d’instruction, qui peut avoir connaissance d’éléments importants pour la prise de décision, soit mieux associé à la procédure. Le juge des libertés et de la détention devra ainsi le tenir informé s’il estime qu’une requête est recevable et pourra le consulter avant de prendre sa décision.

À son tour, l’Assemblée nationale a apporté d’intéressants compléments au texte, sur l’initiative de la rapporteure de sa commission des lois, Caroline Abadie. Je note en particulier la disposition selon laquelle seraient déclarées irrecevables des requêtes successives présentées par un même détenu en l’absence d’élément nouveau. Cette précision devrait contribuer à éviter un usage abusif de la procédure, lequel aurait pu dégrader les conditions d’activité des juges des libertés et de la détention et des juges de l’application des peines, ainsi que nous en avions exprimé l’inquiétude lors de nos débats. Il est également opportun d’avoir enserré l’appel dans des délais, cette mesure étant cohérente avec la manière dont ont été conçues les autres étapes de la procédure. Lorsqu’un détenu souffre de conditions indignes de détention, il convient qu’une décision soit prise rapidement, en première instance comme en appel.

Je sais que certains ont pu regretter que la proposition de loi ait été examinée selon un calendrier très resserré. Sur un texte qui touche aux droits fondamentaux, il convenait cependant d’avancer rapidement. Au reste, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel nous avait donné jusqu’au 1er mars pour introduire dans notre législation ce nouveau droit de recours effectif. Cette date butoir ne pourra être tenue, mais l’initiative de François-Noël Buffet nous aura au moins permis de répondre à cette exigence constitutionnelle dans un délai aussi rapproché que possible.

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