Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 25 mars 2021 à 14h30
Droit au respect de la dignité en détention — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à la suite de plusieurs décisions récentes de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel nous a enjoint implicitement – en abrogeant l’alinéa 2 de l’article 144-1 du code de procédure pénale – à mettre notre droit en conformité, au 1er mars 2021, avec l’exigence de création d’une voie de recours effective contre des conditions de détention indignes. Après un essai infructueux du Gouvernement, en décembre dernier, d’insérer un amendement à cet effet lors de l’examen du projet de loi relatif au Parquet européen, le président de la commission des lois du Sénat a déposé, en février 2021, une proposition de loi s’en inspirant. Un mois et demi plus tard, Sénat et Assemblée nationale parvenaient sans peine à un accord sur ce texte lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 23 mars dernier.

La proposition de loi de notre collègue François-Noël Buffet organise donc ce recours au juge judiciaire pour tous les détenus – qu’ils se trouvent en détention provisoire ou qu’ils soient condamnés – demandant à ce qu’il soit mis fin aux conditions de détention qui seraient contraires à la dignité humaine. L’article 803-8 nouveau, inséré dans le code de procédure pénale, permettra ainsi au juge de demander à l’administration pénitentiaire de vérifier la situation d’un détenu ayant apporté un commencement de preuve avec des allégations circonstanciées, personnelles et actuelles, et d’apporter ses observations.

Si le magistrat juge cette requête fondée, il fera savoir à l’administration les conditions de détention qu’il estime indignes et lui demandera d’y mettre fin en moins d’un mois. Si l’administration ne s’exécute pas, le juge pourra alors ordonner une mise en liberté, s’il s’agit d’un prévenu, un aménagement de peine pour un condamné ou le transfèrement de la personne – cette dernière possibilité devra bien évidemment tenir compte de la vie privée et familiale du requérant.

L’Assemblée nationale a respecté le dispositif présenté par le Sénat en précisant néanmoins les délais successifs applicables à chaque étape de la procédure, y compris en appel, en soumettant la présentation de requêtes successives par un même détenu à l’existence d’éléments nouveaux afin d’éviter l’engorgement des tribunaux et en obligeant l’administration pénitentiaire à informer le juge des mesures prises.

Nous en sommes tous conscients, la création de cette voie de recours indispensable ne saurait, à elle seule, redresser la situation que connaissent les établissements pénitentiaires de métropole et d’outre-mer de notre pays depuis de très nombreuses années. C’est la politique de déflation carcérale, menée par le Gouvernement et matérialisée par l’augmentation des crédits consacrés à la rénovation du parc pénitentiaire et au recrutement de personnel, par la construction de nouvelles places de prison et par la multiplication, chaque fois que cela est possible, des alternatives à l’enfermement, qui pourra en venir à bout.

Encourageant le Gouvernement à poursuivre et à amplifier son action en ce sens, le groupe RDPI votera les conclusions de la commission mixte paritaire.

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