Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 30 septembre 2010 à 9h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Article 11

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Avec cet article 11, nous abordons la question de la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Il est en effet ici proposé de reporter de cinq ans le délai de mise en œuvre par les exploitants du plan de constitution des actifs dédiés au démantèlement des installations nucléaires.

Est donc également ici en jeu la sûreté nucléaire, et c’est à ce titre que je souhaite vous faire part, madame la secrétaire d’État, des inquiétudes suscitées par la décision du Gouvernement de diminuer les moyens accordés à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, et de créer une redevance qui lui serait versée directement par les exploitants nucléaires.

L’IRSN est un établissement public à caractère industriel ou commercial qui exerce quatre grandes missions : une mission d’appui aux pouvoirs publics dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du contrôle des matières nucléaires, sujet qui nous occupe avec cet article 11 ; une mission de surveillance radiologique de l’environnement et de la population ; une mission d’expertise, d’étude, de mesure et de recherche effectuée à la demande d’organismes français ou étrangers ; enfin, une mission de recherche afin que l’expertise repose sur les meilleures connaissances scientifiques.

Le rôle de l’IRSN est donc très important et il se trouve confronté à une charge de travail croissante qui nécessiterait plus de moyens humains et financiers. Or c’est exactement le contraire qui est prévu !

En effet, le contrat d’objectifs 2010-2013 passé entre l’État et l’IRSN prévoit une diminution de 30 millions d’euros de la subvention de l’État, qui passerait de 243 millions à 213 millions d’euros. Cette baisse des moyens – on peut s’en étonner et même s’en inquiéter quand le Gouvernement entend développer l’énergie nucléaire en France – va toucher directement le budget de l’expertise en sûreté nucléaire : celui-ci sera presque réduit de moitié, puisque les 30 millions d’euros en question seront en totalité ponctionnés sur le budget de l’expertise, qui est actuellement d’environ 80 millions d’euros.

Pour compenser une partie de ce désengagement, le Gouvernement a prévu la création, par décret, d’une redevance payée par les industriels du nucléaire lorsque ceux-ci présentent des dossiers que l’IRSN doit analyser pour rendre son avis à l’Autorité de sûreté nucléaire. Cette décision, prise dans la plus grande précipitation et au seul motif d’afficher une baisse des dépenses publiques, suscite la plus vive inquiétude des personnels de l’IRSN. Comment pourrait-il en être autrement ?

Cette redevance est, en effet, en contradiction avec l’un des principes fondateurs de l’IRSN, créé notamment pour rendre l’expertise indépendante de tout exploitant. Or, avec l’instauration d’une telle relation entre l’IRSN et les exploitants, on peut craindre à terme l’existence de pressions sur le travail de cet institut et une dérive du système dans la mesure où l’on fait entrer l’expertise en sûreté nucléaire dans le domaine marchand. D’ailleurs, l’Autorité de sûreté nucléaire a rendu un avis négatif sur le projet de redevance.

Pour le Gouvernement, on voit bien sûr tout l’intérêt « budgétaire » d’une telle décision. Il semble d’ailleurs que ce soit là la seule raison qui ait motivé cette décision. En effet, si, dans le précédent contrat d’objectifs, il était prévu de rechercher de nouveaux modes de financement et si, en conséquence, l’idée de créer une redevance avait été envisagée – parmi d’autres, comme celle de créer l’équivalent d’une nouvelle taxe sur les installations nucléaires de base –, il s’agissait alors de trouver un financement supplémentaire pour l’expertise, afin de réduire les délais de traitement des dossiers déposés par les exploitants. Cette idée était dans l’air, mais sans avoir été complètement développée et encore moins finalisée. Or Bercy, dans sa traque aveugle des dépenses publiques, a « sauté » sur l’idée pour la dénaturer.

Résultat : pour l’IRSN, c’est l’effet inverse de ce qui avait été envisagé qui se produit. Au lieu d’une augmentation de ses moyens, elle voit son budget d’expertise amputé de 30 millions d’euros, avec une compensation seulement partielle, et grâce à une redevance !

Quid de l’efficacité de l’IRSN avec un budget moindre et non pérenne, couplé au risque de la perte de son indépendance ?

Comble de l’histoire, il est aujourd’hui demandé aux services de l’IRSN d’estimer et de mettre au point eux-mêmes, dans l’urgence et la précipitation – avec un délai de trois mois –, les barèmes qui régiront cette redevance. Une double peine, en somme !

Devant un tel degré de précipitation et d’inconséquence, vous comprendrez l’inquiétude légitime suscitée par cette décision. Aussi, dans un souci de transparence et de parfaite information de notre assemblée, je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir me communiquer votre projet de décret, ainsi que l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire qui vous a été remis sur ce projet de redevance.

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