Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 1er avril 2021 à 10h30
Réforme du courtage — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, enfin une bonne nouvelle : la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à structurer les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement a été conclusive !

Cette proposition de loi vise à structurer les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement en s’inspirant du modèle de corégulation en vigueur pour les conseillers en investissements financiers.

Concrètement, elle prévoit la mise en place d’un système d’adhésion obligatoire à des associations professionnelles agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui seront principalement chargées d’accompagner ces professionnels, de fournir un service de médiation et de vérifier certaines conditions d’accès et d’exercice de leur activité.

Lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 10 mars dernier, j’ai eu l’occasion de rappeler clairement ma conviction selon laquelle ce dispositif ne permettrait malheureusement pas de révolutionner la régulation de ce secteur, principalement pour deux raisons.

D’une part, il n’apporte pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services. Je rappelle que nous avons connu un certain nombre de scandales dans l’assurance construction, avec des assureurs insolvables ou des courtiers indélicats, qui n’étaient pas, il est vrai, de droit français et qui exerçaient dans le cadre de la libre prestation de services. Ce problème persistera si cette proposition de loi était adoptée.

D’autre part, ce dispositif ne mettra pas fin aux pratiques commerciales déloyales parfois observées dans ce secteur, compte tenu du fait que les associations professionnelles ne seront pas habilitées à exercer un pouvoir de contrôle sur leurs adhérents dans ces domaines.

Ces deux limites ne sont pas dues à la volonté du législateur. Elles s’expliquent par les contraintes du droit de l’Union européenne.

En dépit de ces deux regrets, cette proposition de loi constitue un premier pas, certes insuffisant, mais bienvenu.

En effet, le dispositif est complémentaire des missions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui, compte tenu de la diversité et de l’atomicité du secteur, ne peut pas contrôler l’ensemble des acteurs, soit plusieurs dizaines de milliers d’intermédiaires. Le système proposé permettra de mieux accompagner ces intermédiaires, de vérifier que les conditions d’exercice sont remplies, ou encore d’offrir un service de médiation. Ces missions seront très utiles pour un secteur qui connaît une forte rotation et dans lequel la plupart des acteurs sont des entrepreneurs individuels ou des TPE.

Malgré nos divergences initiales avec nos collègues de l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a trouvé un compromis. Celui-ci conserve trois apports significatifs du Sénat, en plus de modifications rédactionnelles.

Premier apport : la possibilité pour toute association de notifier à l’ACPR et aux autres associations sa décision de refus d’adhésion. Cette possibilité lui permettra de les alerter dans le cas où un intermédiaire contreviendrait, de manière particulièrement grave, aux conditions d’adhésion.

Deuxième apport : la possibilité offerte aux associations de formuler des recommandations à leurs membres en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d’intérêts, dans la limite de ce que permet le droit de l’Union européenne. Cette disposition est essentielle pour donner plus de consistance au rôle des associations professionnelles.

Troisième apport : les dispositions visant à mieux encadrer le démarchage téléphonique en matière de distribution de produits d’assurance. Ce dispositif, adopté au Sénat sur l’initiative du Gouvernement et modifié par un sous-amendement, permet une meilleure protection du consommateur, compte tenu des nombreux abus constatés pour certains produits assurantiels – je pense notamment à des contrats d’assurance complémentaire santé ou obsèques – particulièrement complexes et opaques pour les souscripteurs. Nous lutterons ainsi contre un démarchage non sollicité. La rédaction retenue permet cependant aux assureurs qui sont déjà en contact avec un client de poursuivre une relation téléphonique.

En revanche, le texte que nous vous proposons ne retient pas la disposition adoptée par le Sénat consistant à transférer à l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias), plutôt qu’aux associations professionnelles, le contrôle du respect des conditions d’honorabilité des salariés.

Nous avions privilégié ce mécanisme pour des raisons de fiabilité, l’Orias disposant d’un accès informatisé et donc sécurisé au casier judiciaire des dirigeants. Après un échange avec les acteurs concernés, il nous a semblé préférable d’écarter cette piste à l’heure actuelle. Celle-ci doit encore être approfondie par l’Orias pour être opérationnelle et gagnerait à être étendue à l’ensemble des intermédiaires immatriculés, ce qui excède le champ de la présente proposition de loi.

J’attire votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’un accès plus fiable aux données du casier judiciaire. Sur internet, je pourrais vous en faire la démonstration, il est possible de se procurer un faux extrait en quelques secondes. L’accès direct par un organisme au casier judiciaire est sans doute le meilleur moyen d’assurer la fiabilité des informations et d’éviter la circulation de faux extraits.

S’agissant du démarchage téléphonique, le texte de compromis prévoit plusieurs ajustements par rapport à la version adoptée par le Sénat en première lecture. Cette nouvelle mouture permet de rapprocher davantage le dispositif de l’avis du Comité consultatif du secteur financier publié en novembre 2019 sur le sujet. Je vous rappelle que l’objectif n’est pas d’interdire le démarchage téléphonique des produits assurantiels, mais de créer un cadre législatif sécurisant pour le consommateur.

Par conséquent, outre des modifications rédactionnelles, le texte prévoit des aménagements sur deux points.

Premièrement, il introduit une distinction entre les appels sollicités et non sollicités. Ainsi, il est prévu que les dispositions encadrant le démarchage téléphonique, notamment l’obligation d’enregistrer les communications, ne s’appliquent pas dès lors que l’adhérent éventuel a sollicité l’appel ou a consenti à être appelé. Nous visons le démarchage abusif, c’est-à-dire non sollicité. Il faut en revanche pouvoir être rappelé lors d’une demande d’information sur un produit par internet, ce qui n’était pas prévu dans le texte initial.

Deuxièmement, les dispositions ne s’appliquent pas non plus lorsque le souscripteur éventuel est lié au distributeur par un contrat en cours. Par exemple, votre assureur automobile peut éventuellement vous proposer, dans le cadre de cette relation, une assurance santé. Cette situation diffère d’un démarchage non sollicité, abusif, de la part d’un interlocuteur inconnu. Il reviendra au distributeur de tenir à la disposition des autorités de contrôle les justificatifs permettant de vérifier le respect de ce cadre.

Ce texte ne bouleversera pas la face du monde, mais il représente une avancée face à une profession très atomisée et permettra de mieux la réguler. Nous déplorons que les abus interviennent essentiellement dans le cadre de la libre prestation de services, parfois avec des conséquences dramatiques, mais ce sujet déborde le texte qui nous occupe ce matin. Je tiens enfin à remercier notre collègue députée Valéria Faure-Muntian, auteure et rapporteure de ce texte, pour nos échanges constructifs ayant permis d’aboutir à cette commission mixte paritaire conclusive.

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