Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les principales observations de la commission des affaires sociales en remplacement de notre rapporteur Alain Milon, qui ne peut être présent du fait du bouleversement de l’ordre du jour de cet après-midi.
Nous entamons l’examen en nouvelle lecture d’une proposition de loi sans ligne directrice forte, texte dont nous avions pour beaucoup sur ces travées regretté le manque d’ambition et le caractère décousu.
Alors que notre système de santé est soumis à une pression inédite, le texte, à ce moment de nos discussions, laisse un goût d’inachevé : sans vraiment tirer les enseignements de la crise, il peine à répondre aux vives attentes exprimées lors du Ségur de la santé comme aux promesses de son intitulé – faire confiance et simplifier.
En raison d’un trop grand nombre de divergences entre l’approche du Sénat et celle de l’Assemblée nationale, à l’origine de cette initiative, la commission mixte paritaire réunie le 2 mars dernier n’est pas parvenue à établir un texte commun.
La poursuite de la navette a confirmé certains apports de la Haute Assemblée : l’élargissement de la vaccination aux biologistes, la prescription d’aides techniques par les ergothérapeutes, la désignation d’une sage-femme référente dans le parcours de grossesse ou celle de référents handicap dans les hôpitaux.
Nous avons aussi convergé pour rejeter le bénévolat individuel dans le contexte sensible des établissements de santé ou pour autoriser les professionnels hospitaliers des établissements de santé privés à intérêt collectif (Espic) à maintenir des dépassements d’honoraires sans menacer l’accès aux soins.
De même, sur la gouvernance hospitalière, les députés ont retenu la clarification opérée par le Sénat entre la fonction de chef de service et celle de chef de pôle, ainsi que la mesure favorisant une meilleure association de la commission des soins infirmiers à la conception du projet d’établissement.
Cependant, si nous saluons ces convergences ponctuelles, trop de dispositions formant le cœur de ce texte nous opposent, sans que la navette ait permis à ce stade de faire émerger des sujets de compromis.
Plus qu’à des désaccords de fond, madame la ministre, c’est à la publication voilà seulement quinze jours de deux des onze ordonnances promises par la loi Santé sur les GHT et sur l’attractivité des carrières hospitalières que nous devons le rejet systématique, et quelque peu contraint, par l’Assemblée nationale des dispositions que nous avions introduites en première lecture. C’est là une curieuse façon de légiférer, qui fait d’un projet d’ordonnance encore en gestation le censeur politique a priori de nos amendements sur des dispositions connexes.
Tel a donc été le sort de nos articles, qui prévoyaient un maillage plus pertinent et mieux intégré de l’offre de soins, en rendant notamment obligatoire l’élaboration du projet territorial de santé, afin que la structuration de l’offre suive une trajectoire réellement ascendante.
De la même façon, et malgré la volonté revendiquée dans le texte initial de traduire par voie législative les recommandations issues des concertations du Ségur de la santé, la demande exprimée par les personnels paramédicaux d’une participation accrue à la direction de l’établissement et d’une plus grande représentativité du président de la commission des soins infirmiers, que nous avions satisfaite en première lecture, n’a pas été acceptée par l’Assemblée nationale.
Nous avons en revanche été davantage surpris que l’Assemblée nationale, en ressuscitant l’article 8 bis, que nous avions préalablement supprimé, charge la commission des affaires sociales du Sénat de désigner, à partir de critères non définis, la sénatrice ou le sénateur qui aura qualité pour siéger au conseil de surveillance de l’établissement principal des établissements publics de santé. Cette disposition nous semble inapplicable en l’état et, sur la forme, assez discourtoise. Nous aurons à cœur de la supprimer dès que possible.
Enfin, madame la ministre, je veux rappeler solennellement devant vous notre position au sujet de la lutte contre l’intérim médical. Animés de la même intention que vous, nous avions néanmoins tenté de vous alerter sur les faux espoirs que suscite l’idée, juridiquement bancale, d’un contrôle de légalité de la dépense d’intérim par le comptable public opéré à l’issue de l’engagement de cette dernière.
Le circuit de la dépense publique, qui oblige ses ordonnateurs à l’égard des prestataires qu’ils sollicitent, ne permet pas que le contrôle d’opportunité de la dépense intervienne au moment de son paiement. Les intérimaires ayant signé, le plus souvent avec des directeurs d’hôpitaux contraints, des conventions de prestations parfaitement légales contesteraient ce défaut de paiement devant les tribunaux administratifs et remporteraient leur contentieux.
L’Assemblée nationale a considéré que le recours aux instruments budgétaires ordinaires de l’hôpital, dont on déplore souvent l’excès de détails, n’était pour l’occasion pas assez précis pour détecter en amont un recours abusif à l’intérim. Notre commission l’a contredite : elle a bel et bien proposé de faire figurer ces dépenses individuelles facturées par intérimaire au compte financier de l’établissement, pour que l’ARS empêche une dépense irrégulière, dès le stade de l’engagement, et neutralise le risque de contentieux ultérieur. L’avenir seul dira si nos craintes étaient justifiées et si la solution que vous proposez est opérante.
Permettez-moi, mes chers collègues, de conclure ce propos par un sujet qui, bien que ne figurant pas explicitement dans la proposition de loi, ne peut être passé sous silence, alors que nous débattons de l’avenir de l’hôpital public. Je veux évoquer les craintes nombreuses et légitimes qu’expriment en ce moment, à l’approche des épreuves de sélection pour l’entrée en deuxième année, les étudiants en santé de première année, qui achèvent cette première étape de leur parcours en faisant face, pour un nombre de places identique, aux anciens étudiants de la Paces de l’an dernier admis au redoublement.
Le prédécesseur de l’actuel ministre de la santé avait fort bien anticipé ce problème, en promettant lors du vote de la loi Santé que, pour cette seule année, un pourcentage supplémentaire d’étudiants admis en deuxième année soit spécifiquement dédié à la gestion de ces redoublants, afin de ne pas créer d’inégalités au détriment des étudiants primants.
Les chiffres progressivement arrêtés par les différentes universités, dont la transparence s’est malheureusement dégradée depuis la mise en place du numerus apertus, confirment que cet engagement ne sera malheureusement pas respecté. De très nombreux parlementaires ont tenté de saisir de cette question, et par tous les moyens, votre collègue Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, laquelle n’a pour l’heure fourni que des réponses évasives à la représentation nationale. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous partager sur ce sujet des éléments susceptibles de nous rassurer.
Pour l’heure, alors que le Sénat se prononce en nouvelle lecture sur ce texte, la commission des affaires sociales a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable et vous demandera, mes chers collègues, de l’adopter.