Parfois, la vie locale ne permet pas de résoudre les problèmes d’organisation d’une compétence – le ministre Lurel et le sénateur Théophile savent que je dis cela avec beaucoup de respect et de prudence, car il faut défendre les élus locaux et la démocratie représentative. On a pu assister en Guadeloupe à des phénomènes d’« élu-bashing » – en mauvais français – consistant à pointer du doigt les élus locaux et à les rendre responsables de tout. Ce serait bien trop facile ! Pour autant, il faut trouver le point d’équilibre.
L’État est-il présent en matière d’ingénierie ? Oui, il l’est depuis longtemps : en 2020, 4 000 fuites ont été réparées, pour 6 millions d’euros – derrière ces chiffres concrets, on trouve des foyers, des familles… Voilà l’action de l’État, en bonne intelligence. Des choses ont été faites sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande et continuent d’être faites aujourd’hui. On constate une continuité de l’État dans sa volonté de régler cette affaire. Pour le coup, il ne faut pas jouer Paris contre Pointe-à-Pitre ou Pointe-à-Pitre contre Paris, cela ne ferait pas avancer le dossier.
Ce n’est pas qu’une affaire d’argent ; c’est aussi une question d’organisation du service public. Vous l’avez souligné, madame la rapporteure, et c’est aussi tout le sens de la proposition de loi de M. Théophile : dans un milieu archipélagique, et surtout insulaire – on s’est intéressé ici à la Guadeloupe, sans Marie-Galante –, il y a forcément besoin de solidarité entre production, acheminement, distribution et interconnexion des réseaux. Cela peut aussi interroger d’autres services publics, interdépendants entre eux.
Pour avancer, il nous fallait un acteur unique. Dès lors, deux possibilités s’offraient : soit un consensus local s’établissait et tout le monde se rassemblait au sein des commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) – le fonctionnement en Guadeloupe est le même que dans l’Hexagone – ; soit nous n’arrivions pas à rassembler l’ensemble des intercommunalités, et notamment celle qui joue un rôle central dans l’organisation du service public d’eau potable en Guadeloupe, et il fallait alors se tourner vers le législateur.
J’ai parfois été un peu chagriné d’entendre que l’intervention du législateur revenait à remettre en cause la démocratie locale. Au contraire, quand le Sénat intervient, c’est pour organiser la vie locale. Peut-être suis-je juge et partie, mais la Haute Assemblée est légitime à légiférer dans ce sens en tant que chambre des élus locaux. Nous avons accompli quelque chose qui va dans le bon sens.
Le rôle de la gouvernance a été souligné dans beaucoup des amendements déposés au Sénat, lors de l’examen de ce texte. Les élus décident, certes – et c’est leur rôle –, mais les usagers du service public ont aussi besoin d’être entendus. Il fallait trouver un équilibre pour permettre aux usagers d’être entendus sans empiéter sur les prérogatives des élus. Le dispositif trouvé en commission mixte paritaire est parvenu à cet équilibre, ce qui nous permet de faire quelque chose d’assez nouveau en donnant la parole à tout le monde.
L’ingénierie est un sujet majeur. Certains de mes propos ont pu être caricaturés ou détournés – c’est peut-être le début de la campagne électorale sur le terrain qui veut cela… Nous devons nous mobiliser, avec les forces du territoire, avec les équipes sur place, pour répondre aux besoins de formation et pour se renforcer en ingénierie là où c’est nécessaire, ponctuellement ou durablement. Nous devrons nous accorder sur ces chantiers.
Je voudrais redire ici les engagements du Gouvernement, et donc de l’État, en ce qui concerne la dette et les ressources humaines : aucun agent du syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (Siaeag) ne devra être abandonné. Une solution sur mesure devra être trouvée sur cette question comme sur celle de la dette, EPCI par EPCI. Le ministre Lurel était revenu sur ce sujet lors de ses différentes interventions. Il s’agit bien évidemment d’un sujet majeur.
Une fois ce texte adopté au Sénat et à l’Assemblée nationale, le Président de la République promulguera rapidement cette loi pour une installation de ce syndicat unique dès septembre prochain. Une initiative locale intéressante, qui montre la mobilisation des élus locaux, existe aujourd’hui. Mais ce syndicat ne pourra fonctionner que si l’ensemble des intercommunalités se rassemblent. C’est le sens de cette proposition de loi.
Avec ce texte, la députée Benin et le sénateur Théophile, ainsi que l’ensemble des parlementaires qui ont travaillé sur cette question, nous ont donné l’occasion de faire un sérieux bond en avant dans l’organisation du service public de l’eau potable en Guadeloupe.
Merci au Sénat, au Parlement, d’avoir su prendre ses responsabilités. Je sais que les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens nous attendaient collectivement sur ce sujet.