Intervention de Odette Terrade

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Vote sur l'ensemble

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’énergie est au cœur d’enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Elle constitue un bien vital pour les populations et, à ce titre, elle ne peut être considérée comme une simple marchandise. Elle est une ressource nécessaire et indispensable, à l’instar de l’eau.

La question de la pénurie des sources d’énergie de la planète n’est pas réglée, pas plus que celle du droit d’accès pour tous au chauffage et à l’éclairage : deux milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à l’électricité et 80 % de l’énergie produite à l’échelle du globe est consommée par 20 % de la population mondiale.

Dans notre pays, la question de la précarité énergétique se pose avec force puisque 8 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

De plus, la production énergétique a des incidences sur l’environnement. Il est donc de la responsabilité des gouvernements de mettre en œuvre des politiques cohérentes et à grande échelle afin de lutter contre le réchauffement climatique et l’émission de gaz à effet de serre.

La voie suivie en Europe et en France par la droite, au nom de la primauté des règles du marché, conduit à banaliser le secteur énergétique, à le réduire à un secteur commercial comme un autre, et ce au détriment de la sûreté de toutes les installations produisant de l’électricité, pas seulement des centrales nucléaires.

Cette politique fondée sur les flux commerciaux et les profits à court terme met en danger l’indépendance énergétique de l’Europe.

Le projet de loi NOME est de la même veine. Avec ce texte, le Gouvernement intervient en faveur des opérateurs privés, au détriment de l’intérêt général. En effet, la concurrence ne fonctionne tout simplement pas. Les prix relativement bas proposés par EDF au titre des tarifs réglementés – qui sont le fruit des investissements passés –, le savoir-faire des salariés de l’entreprise, et sans doute d’autres raisons, ont conduit nos concitoyens à ne pas quitter l’opérateur historique.

Face à la concurrence, les gens ont pesé le pour et le contre. Ils ont fait le choix évident de l’entreprise publique. Quoi que vous en disiez, et parce qu’il ne serait pas populaire d’avouer le contraire, la conséquence principale de cette loi sera de tirer tous les tarifs électriques vers le haut, mais pas pour permettre les investissements nécessaires à l’entretien du réseau, à la construction de nouveaux moyens de production, à l’entretien de l’existant ou au financement de la recherche pour l’avenir.

La fin des tarifs réglementés pour les consommateurs non domestiques et la fin du TARTAM vont avoir des conséquences dramatiques sur l’activité industrielle et économique de notre pays. Les tarifs réglementés pour les particuliers vont être remis en cause par le système proposé.

Or, les conséquences sociales de la crise qui frappe des millions de familles conduisent à l’explosion des coupures d’électricité pour impayés et à la montée vertigineuse de la précarité énergétique.

L’article 2 du projet de loi, qui vise à assurer la sécurité d’approvisionnement à travers un marché des capacités d’effacement et des moyens de production, ne nous convainc absolument pas.

L’usager, même industriel, n’est pas en mesure de peser en tant que client sur les politiques menées, lesquelles sont structurantes pour le pays et pour l’environnement.

Il est indispensable de créer une filière énergétique des énergies renouvelables et de mettre en cohérence les différentes filières en tenant compte de leur particularité. D’où l’importance dans le secteur énergétique d’une entreprise publique intégrée !

Je dirai également deux mots sur la clause de destination actée dans le projet de loi et qui, à n’en pas douter, justifiera à l’avenir une nouvelle loi de libéralisation, voire de privatisation, car elle contrevient au droit communautaire.

Cette disposition permettra aux fournisseurs de revendre n’importe où l’électricité nucléaire achetée à bon prix à EDF, à la seule condition de payer la différence entre le prix d’achat et le prix du marché. Évidemment, en s’alignant sur le prix moyen du marché et en choisissant judicieusement la période, l’opération commerciale sera très lucrative ! Ensuite, notre pays devra augmenter ses importations pour fournir les Français, usagers ou industriels.

En matière de nucléaire, les reports de la constitution d’actifs dédiés au démembrement sont intolérables. La question du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets nucléaires doit être la priorité du Gouvernement.

Enfin, nous l’avons clairement dit, il est impératif que la filière nucléaire soit entièrement maîtrisée par le secteur public. Nous vous avons exposé la situation préoccupante pour les salariés de l’explosion de la sous-traitance dans le secteur nucléaire. D’ailleurs, l’avenir nous inquiète lorsque nous entendons le secrétaire d’État M. Benoist Apparu ou M. le rapporteur déclarer qu’ils ne voient pas de raison de ne pas autoriser un opérateur privé à exploiter une centrale nucléaire !

Faut-il rappeler que l’acceptabilité du nucléaire en France reposait en grande partie sur le fait que l’opérateur et le propriétaire de la centrale, responsable de la sûreté devant la loi, étaient publics ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche voteront contre ce texte, qui met en œuvre une politique énergétique purement commerciale. Une telle politique oublie, et c’est grave, les aspects industriels, sociaux et les besoins en termes de recherche. Or ils devraient guider l’action du Gouvernement, au nom de l’intérêt général.

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