Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 mars 2021 à 14h00
Questions sociales et santé — Stratégie vaccinale de l'union européenne : communication - certificat vert européen : proposition de résolution européenne et avis politique

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

Aujourd'hui, nous allons tout d'abord vous présenter une communication sur la stratégie mise en oeuvre par l'Union européenne pour développer, acquérir et déployer des vaccins contre la covid-19. Puis, nous vous proposerons d'adopter une proposition de résolution et un avis politique sur le « certificat vert numérique », Thierry Breton refusant le terme de passeport, que la Commission européenne souhaite créer.

L'Union européenne a souvent été mise en cause et désignée comme responsable des nombreuses difficultés que nous rencontrons aujourd'hui avec la vaccination. Comme nous suivons ces questions depuis un certain temps, il nous apparaissait dès lors nécessaire d'établir les faits tels qu'ils sont pour permettre à chacun de se positionner face à l'euroscepticisme ambiant, qui nous heurte. La rigueur scientifique et l'honnêteté intellectuelle sont requises pour pouvoir ensuite se faire librement une opinion.

Tout d'abord, on constate une vraie implication de l'Union européenne : elle a investi 350 millions d'euros dans la recherche et garanti à hauteur de 400 millions d'euros des prêts accordés par la Banque européenne d'investissement. Les sociétés BioNTech et CureVac ont bénéficié de ces prêts. L'Union européenne a donc bien soutenu la recherche et ce, dès le mois de février 2020. Toutefois, il faut reconnaître que les budgets alloués restent modestes si on les compare à ceux observés aux États-Unis, où Moderna a reçu à lui seul un milliard de dollars de subventions pour la recherche. J'ai interrogé hier Thierry Breton sur ce point.

Ensuite, l'Union, comme les États-Unis ou Israël, a eu recours à des contrats d'achats anticipés. En échange du droit d'acheter un nombre défini de doses de vaccins dans un délai donné et à un prix donné, l'acheteur verse une avance aux entreprises pharmaceutiques, destinée à couvrir une partie des coûts initiaux liés au développement et à la production de masse du vaccin. Les contrats signés par la Commission prévoient bien qu'elle pourra réaliser des audits sur pièce et sur place pour vérifier comment sont utilisées les avances versées. Ces contrats sont conclus avant que les vaccins ne soient finalisés et il existe donc un risque que ces avances soient perdues si le vaccin développé n'est pas sûr et efficace. Dans le cas contraire, si leur mise sur le marché est autorisée, ces avances sont déduites du prix de vente.

Sur ce sujet, il est important de souligner que l'action de l'Union a permis d'éviter une concurrence entre États membres pour l'acquisition de vaccins et que la responsabilité de l'Union se limite à la passation des marchés.

Recourir à des contrats d'achats anticipés négociés par la Commission européenne se justifie pleinement au nom de la solidarité entre États membres : l'objectif est que tous les États membres aient accès au vaccin. On compare régulièrement les politiques de l'Union européenne et des États-Unis en ce qui concerne l'achat de vaccins : imaginons une telle comparaison, mais entre État membre et État membre... Rappelons qu'en mai dernier, le directeur général de Sanofi estimait devoir réserver prioritairement aux États-Unis l'accès à un éventuel vaccin, au motif que les États-Unis partageaient davantage les risques liés à la recherche et au développement avec les entreprises pharmaceutiques. À la suite de cette déclaration, et pour garantir l'accès aux vaccins le plus rapidement possible, quatre États membres - l'Allemagne, la France, l'Italie et les Pays-Bas - réunis dans « l'Alliance européenne pour des vaccins inclusifs » ont annoncé, le 13 juin 2020, avoir signé un accord avec l'entreprise AstraZeneca pour garantir la fourniture à l'Union de 300 millions de doses d'un éventuel futur vaccin contre le coronavirus. Soucieuse de maximiser la solidarité et l'équité entre les États membres, la Commission a alors publié, le 17 juin 2020, une communication présentant la stratégie de l'Union pour assurer un approvisionnement suffisant des États membres en vaccins au moyen de contrats d'achat anticipé conclus avec des producteurs de vaccins. Dès lors, le contrat avec AstraZeneca fut signé par la Commission comme tous les autres contrats.

Celle-ci mobilisa 2,7 milliards d'euros via l'instrument d'aide d'urgence, dont les fonds sont prélevés sur le budget de l'Union pour conclure des contrats d'achats anticipés avec cinq autres entreprises pharmaceutiques : BioNTech-Pfizer, Moderna, Sanofi-GSK, CureVac et Johnson&Johnson. L'objectif pour la Commission était de maximiser la solidarité et l'équité entre les États membres. Il est prévu que les doses commandées soient attribuées aux États membres au prorata de leur population. Un débat est en cours à ce sujet, notamment pour favoriser les États les plus touchés. La vaccination a pu débuter dans l'ensemble des États membres au même moment, entre le 27 et le 29 décembre 2020. Si chaque État membre avait négocié séparément, il n'est pas certain que chacun aurait pu acquérir des doses de vaccin.

Cette avancée importante a été obtenue alors que c'était une première pour l'Union européenne qui, rappelons-le, ne dispose pas de compétences en matière de santé. Notons aussi que, dans le cadre des contrats d'achats anticipés, les compétences des États membres ont été respectées. Certes, ceux-ci se sont engagés à ne pas lancer leurs propres procédures d'achats anticipés de vaccins en négociant avec des entreprises déjà en négociation avec la Commission. Toutefois, ils restent libres de contracter ou non via la Commission : lorsque la Commission souhaite signer un contrat avec une entreprise pharmaceutique, celui-ci est notifié aux États membres qui disposent de cinq jours pour éventuellement indiquer à la Commission qu'ils ne souhaitent pas prendre part à ce contrat. En outre, les États membres sont associés aux négociations. Un comité de pilotage où chaque État membre est représenté assiste la Commission dans le choix des candidats vaccins qui pourront être financés. Un contrat ne peut être approuvé qu'avec l'accord de quatre États membres au moins. Les négociations, elles, sont menées par la Commission, assistée de représentants de sept États membres, parmi lesquels la France.

Enfin, ce sont les États membres qui commandent, acquièrent et règlent les doses de vaccins auprès des producteurs. Ils doivent préciser un seul et unique lieu de livraison à chaque entreprise. Ce sont ensuite les États membres qui sont responsables du déploiement de ces vaccins sur leur territoire et qui décident quel public doit être vacciné en priorité. Il ne faudrait donc pas imputer à la Commission européenne des manquements nationaux.

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