Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 mars 2021 à 14h00
Questions sociales et santé — Stratégie vaccinale de l'union européenne : communication - certificat vert européen : proposition de résolution européenne et avis politique

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, rapporteur :

Toutefois, il apparaît clairement aujourd'hui que l'Union européenne a commis des erreurs dans l'élaboration de sa stratégie vaccinale.

Tout d'abord, les États-Unis ont investi dès le début de la pandémie des montants plus importants pour s'assurer de disposer d'un maximum de doses dans les plus brefs délais. Quand les États-Unis investissaient 10 milliards de dollars dans la recherche et le développement de vaccins dans le cadre de l'opération Warp speed, l'Union européenne mobilisait un budget moindre, correspondant à environ un tiers de cette somme, avec 750 millions d'euros pour la recherche et 2,7 milliards d'euros pour les contrats d'achats anticipés. Plus frileuse, l'Union européenne a aussi été plus lente : les États membres et l'Union européenne n'ont proposé des financements aux entreprises pharmaceutiques dans le cadre de contrats d'achats anticipés qu'au mois de juin 2020, alors que les accords de la Barda, agence chargée de la biodéfense aux États-Unis, avec Johnson&Johnson datent du 11 février 2020, et ceux avec Sanofi-GSK du 18 février 2020. Les États membres avaient pourtant la possibilité de renforcer l'instrument d'aide d'urgence mais ils ne l'ont fait qu'en 2021 et à hauteur de 750 millions d'euros seulement.

De plus, la communication de la Commission du 17 juin 2020 précisait les critères de sélection des candidats-vaccins pour la conclusion d'un contrat d'achat anticipé. Il s'agit notamment de la rigueur de l'approche scientifique - en essayant de couvrir les différentes technologies possibles -, de l'état d'avancement des travaux, de la capacité à fournir rapidement et à grande échelle des quantités suffisantes du vaccin, et du prix proposé associé aux avantages offerts en contrepartie du préfinancement octroyé. Il est aujourd'hui reproché à la Commission d'avoir opté en priorité pour des vaccins qui seraient produits sur le territoire de l'Union, comme AstraZeneca ou Sanofi-GSK, au détriment de vaccins plus prometteurs sur le plan scientifique comme Moderna. Ainsi, 300 millions de doses des vaccins AstraZeneca ou Sanofi-GSK ont été commandées contre seulement 80 millions de Moderna. Si l'Union européenne avait préféré miser davantage sur des vaccins produits hors de ses frontières, n'aurait-elle pas aussi essuyé des critiques ? On est toujours très prompt à dire que c'est la faute de l'Union européenne...

Il est également reproché à la Commission de ne pas avoir suffisamment encadré les délais de livraisons ou de ne pas s'être assurée que les entreprises seraient en mesure d'honorer les commandes - ce qui n'est pas si simple ! À ce jour, une seule entreprise pose vraiment des difficultés. Il s'agit d'AstraZeneca, qui ne livrera probablement que 70 à 100 millions des 300 millions de doses négociées pour une livraison complète au 30 juin 2021. Sur cette question, certains estiment que la Commission, à trop vouloir obtenir les prix les plus bas possibles, n'a pas posé de conditions suffisantes pour garantir les délais de livraison. La Commission se justifie en faisant valoir que c'est grâce au nombre plus important de doses commandées que les prix payés par les États membres sont plus faibles. Quoi qu'il en soit, la partie rendue publique du contrat conclu avec AstraZeneca ne permet pas de savoir si la Commission a prévu des pénalités en cas de retard. Toutefois, on peut lire dans le contrat que l'entreprise doit engager l'ensemble des moyens dont elle dispose pour honorer ses engagements. On parle de best reasonable efforts. Cette notion implique, selon le contrat signé entre la Commission et AstraZeneca, la production de vaccins pour l'Union dans des usines situées sur le territoire de l'Union et au Royaume-Uni. Or, selon les autorités britanniques, le contrat signé par AstraZeneca avec le Royaume-Uni contiendrait une clause qui empêche AstraZeneca d'exporter les vaccins produits sur le territoire du Royaume-Uni tant que le marché britannique n'a pas été approvisionné conformément au contrat. Cette question est source de tensions entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Concernant la responsabilité des États membres, et sous réserve d'un certain nombre d'informations qui n'ont pas été rendues publiques, on comprend que les États membres pourraient indemniser les entreprises pharmaceutiques si elles venaient à être condamnées en cas de dommages pour la santé causés à un tiers par le vaccin, ce qui contraindrait les États membres à financer des fonds d'indemnisation. Toutefois, la Commission assure que les entreprises pharmaceutiques restent responsables dans de nombreux cas, selon certaines dispositions prévues par les contrats qui n'ont pas été rendues publiques. Par ailleurs, la vente ou le don de doses achetées en surplus à des États tiers est conditionnée à l'acceptation par ces États des clauses des contrats signés par la Commission, notamment en matière d'indemnisation. Cela peut compliquer la mise à disposition de ces doses dans le cadre du mécanisme Covax destiné à approvisionner en vaccins les États les moins riches.

Voilà ce que nous pouvons dire des contrats conclus par la Commission, sachant que leur évaluation est compliquée par leur confidentialité, demandée par les entreprises pharmaceutiques au nom du secret des affaires.

Autre sujet qui a suscité de nombreuses polémiques : la procédure d'évaluation et d'autorisation de mise sur le marché des vaccins est jugée trop lente. Avant que la Commission n'autorise la mise sur le marché d'un vaccin, celui-ci fait l'objet d'une évaluation par l'Agence européenne des médicaments qui doit s'assurer que ce vaccin est sûr et efficace. Les vaccins ont été évalués selon la procédure prévue à l'article 14 du règlement (CE) n° 726/2004. Celui-ci prévoit qu'une autorisation de mise sur le marché peut être soumise à certaines obligations spécifiques qui sont réévaluées tous les ans. Pour permettre une évaluation plus rapide des demandes, un groupe de travail sur la pandémie de covid-19 a été institué au sein de l'Agence européenne des médicaments pour fournir des avis scientifiques sur les essais cliniques et la mise au point des produits. Enfin, alors que dans le cadre d'une procédure d'évaluation classique, l'ensemble des données relatives à la qualité, à l'efficacité et à l'innocuité du vaccin doivent être fournies au début de l'évaluation pour être ensuite examinées, les données destinées à l'évaluation des vaccins contre la covid-19 sont examinées au fur et à mesure de leur disponibilité, dans le cadre d'une révision en continu de l'évaluation avant qu'une demande formelle ne soit soumise : cela permet un gain de temps. Dans les faits, le Royaume-Uni a été le premier à autoriser le vaccin BioNTech-Pfizer le 2 décembre 2020, suivi par les États-Unis le 11 décembre et l'Union européenne le 21 décembre, soit seulement 19 jours après le Royaume-Uni et 10 jours après les États-Unis. Le vaccin Moderna a été autorisé le 18 décembre 2020 aux États-Unis, le 6 janvier 2021 par la Commission européenne et le 8 janvier au Royaume-Uni. Celui d'AstraZeneca a été autorisé au Royaume-Uni le 30 décembre 2020 et le 29 janvier 2021 sur le territoire de l'Union. On note là un décalage un peu plus long d'un mois qu'il faut toutefois relativiser sachant qu'AstraZeneca n'a déposé sa demande d'autorisation officielle auprès de l'Union que le 12 janvier 2021. Enfin, le vaccin Johnson&Johnson a été autorisé aux États-Unis le 27 février 2021 et le 11 mars sur le territoire de l'Union. Si, dans un contexte de pandémie, chaque jour compte, on remarque que l'Union a en moyenne une dizaine de jours de retard seulement. Il semble difficile d'imputer les retards actuels des campagnes de vaccination des États membres à ces décalages. En effet, l'Union n'a, à ce jour, vacciné pleinement que 4,9 % de sa population contre 15% aux États-Unis. De même, 11,3 % des plus de 18 ans résidant sur le territoire de l'Union ont reçu une première dose contre 40 % au Royaume-Uni, chiffre à relativiser dans la mesure où seuls 3 % des plus de 18 ans y ont reçu une seconde dose. Toutefois, on peut noter que la Chine et la Russie vaccinent deux fois moins vite que l'Union européenne et que la France vaccine plus rapidement les adultes de plus de 18 ans que l'Allemagne ou l'Italie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion