Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 mars 2021 à 14h00
Questions sociales et santé — Stratégie vaccinale de l'union européenne : communication - certificat vert européen : proposition de résolution européenne et avis politique

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

Ces insuffisances sont sans doute révélatrices à la fois d'une faiblesse structurelle de l'industrie pharmaceutique et des failles de notre régime d'exportation. En réalité, ces difficultés sont principalement logistiques, donc du ressort des États membres, et aussi liées aux problèmes rencontrés par les entreprises pharmaceutiques pour honorer leurs commandes.

La chaîne de valeur est opaque, ce qui complique l'application de règles restreignant les exportations. En réponse aux difficultés d'approvisionnement de l'Union européenne en vaccins, l'Union a créé, le 29 janvier 2021, un mécanisme de contrôle des exportations de vaccins pour lesquels elle a signé un contrat d'achats anticipés. Les entreprises doivent solliciter une autorisation d'exportation auprès de l'État membre où sont produits les vaccins. Cette demande est transmise à la Commission, qui se prononce sur celle-ci. Ainsi, 249 demandes d'exportation de vaccins ont été transmises aux autorités des États membres et notifiées à la Commission européenne. Celle-ci ne s'y est opposée qu'une seule fois : le 17 mars 2021, la Commission a bloqué l'exportation de 250 000 doses du vaccin AstraZeneca d'Italie vers l'Australie.

Elle menace à présent de bloquer les exportations vers le Royaume-Uni de vaccins produits par l'usine Halix aux Pays-Bas pour faire pression sur le Royaume-Uni, qui n'exporte vers l'Union européenne aucun des vaccins AstraZeneca produits sur son sol. En comparaison, 21 millions de doses ont été exportées depuis le territoire de l'Union vers le Royaume-Uni. Toutefois, la chaîne de valeur qui permet la production de doses de vaccins n'est guère transparente, comme l'a souligné Thierry Breton hier : certaines de ces doses ont peut-être seulement été embouteillées sur le territoire de l'Union à partir de substances actives produites au Royaume-Uni. De surcroît, dans le cadre de sa demande d'autorisation de mise sur le marché du vaccin, AstraZeneca n'avait pas déposé de demande d'homologation auprès de l'Agence européenne des médicaments pour l'usine Halix, à laquelle AstraZeneca sous-traite la production de son vaccin. Sans cette homologation, les doses produites dans cette usine ne pouvaient être inoculées sur le territoire de l'Union. Une demande d'homologation a finalement été déposée le 25 mars 2021. Son homologation, désormais effective, devrait permettre une augmentation du nombre de doses livrées à l'Union. Des accords de production croisés sont à développer. Il en est d'ailleurs question actuellement, car le Royaume-Uni a besoin d'avoir accès à un certain nombre de doses pour assurer la seconde injection.

Pour maximiser l'approvisionnement des États membres, l'Union cherche également à accroître la production de vaccins. Le 4 février 2021, la Commission européenne a mis en place un groupe de travail chargé d'accroître la production industrielle de vaccins, sous l'autorité du commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton. L'objectif du groupe est d'identifier, en temps réel, les goulots d'étranglement, avec un suivi intrant par intrant, pour garantir la transparence de la chaîne de production, tant en ce qui concerne la fabrication du vaccin que les produits nécessaires à son embouteillage et à son inoculation. Les composants essentiels des vaccins mais aussi les cuves en plastiques nécessaires à la fabrication ou les flacons en verre pour le conditionnement sont ainsi particulièrement surveillés.

Ce groupe travaille également à créer des synergies entre les différentes entreprises européennes et à développer leurs capacités pour prévenir ces goulots d'étranglement et accroître la production. Il s'agit par exemple de favoriser la mise à la disposition d'autres entreprises pharmaceutiques des capacités de production de Sanofi qui ne sont pas utilisées, compte tenu du retard pris dans le développement de son vaccin. L'enjeu est double : garantir la traçabilité et développer les synergies, voire une forme de solidarité, entre les entreprises du secteur pharmaceutique.

Contrairement aux États-Unis, l'Union européenne ne dispose pas d'un organisme comme la Barda, qui est dotée de moyens considérables et est chargée de coordonner la recherche et l'industrie. On sait que cette articulation entre les deux domaines constitue un des problèmes de l'Europe. J'ai interrogé Thierry Breton hier à ce sujet. La Commission doit présenter une proposition de règlement à la fin de l'année pour doter l'Union d'une telle agence.

En conclusion, je vous dirai qu'il faut souhaiter que cette crise soit une occasion de repenser les bases de la politique industrielle européenne en matière pharmaceutique pour assurer la souveraineté sanitaire de l'Union. En tout cas, la solidarité n'a pas fait défaut.

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