Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste, déposée par notre ancien collègue Jacques Mézard – je le salue –, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel, et inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe du RDSE.
Cette proposition de loi prévoit des modifications ciblées de la procédure de déclaration de parcelle en état d’abandon manifeste prévue par le code général des collectivités territoriales.
Comme vous le savez, il s’agit de l’une des procédures exorbitantes permettant aux communes d’accéder à la propriété en dehors de toute cession à titre onéreux, au même titre que les dons et legs ou l’acquisition des biens sans maître.
La procédure de reconnaissance d’état d’abandon manifeste est originale, puisque le transfert de propriété au bénéfice de la commune n’est pas sa seule finalité. Dans un premier temps, ce transfert est un moyen de pression sur le propriétaire, qui est invité à mettre fin à l’abandon manifeste de son fonds une fois que celui-ci est constaté par le maire. Ce transfert de propriété n’intervient que dans un second temps, si le propriétaire ne s’exécute pas. En ce sens, il peut s’agir pour le maire d’une alternative intéressante aux mesures de police administrative spéciale en matière d’habitat insalubre ou d’immeuble menaçant ruine, s’il souhaite in fine que la commune s’approprie le bien.
Je remercie donc le groupe du RDSE d’avoir déposé ce texte, car cette procédure répond véritablement à une problématique souvent rencontrée par les maires, qui doivent se substituer aux propriétaires défaillants pour effectuer des travaux sans pour autant parvenir à obtenir un quelconque remboursement de leur part.
Elle peut donc être perçue comme une alternative aux astreintes administratives prévues par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique afin d’inciter le propriétaire à mettre lui-même en œuvre les travaux imposés par des mesures de police administrative spéciale.
Comme je l’ai indiqué, l’article unique de la proposition de loi déposée par le groupe du RDSE introduisait des modifications ciblées dans la procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste.
La première tendait à supprimer la condition selon laquelle la parcelle concernée doit se situer à l’intérieur du périmètre d’agglomération de la commune. La procédure pourrait donc concerner des biens sur l’ensemble de son territoire.
La deuxième visait à permettre à la commune de prévoir, dès le stade du procès-verbal définitif, que l’expropriation se fasse au profit d’un EPCI, sans attendre le stade de la constitution du dossier.
Enfin, la dernière tendait à ouvrir les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d’état d’abandon manifeste par le conseil municipal, mais à restreindre ensuite ceux de ces projets qui pourraient donner lieu à expropriation simplifiée.
Seuls les projets en lien avec l’habitat auraient alors pu ouvrir droit à expropriation simplifiée avec, le cas échéant, la possibilité de constituer une réserve foncière en ce sens.
La commission des lois a largement souscrit à la volonté des auteurs de la proposition de loi de simplifier cette procédure pour en améliorer l’efficacité. Ce souhait est d’ailleurs partagé par le Gouvernement, puisque l’article 18 de l’avant-projet de loi dit 4D contient précisément des mesures allant en ce sens.
La commission des lois s’est également montrée très favorable à la suppression de l’exigence relative au périmètre d’agglomération de la commune, car cela facilitera évidemment l’accès des communes au foncier de leur territoire. Cette suppression contribue aussi à reconnaître que l’abandon de parcelles peut être préjudiciable, lorsque ces dernières sont isolées, notamment lorsqu’elles se situent à l’entrée de certaines villes ou de certains villages, car elles en donnent alors une image très négative.
En outre, la suppression de ce critère pourrait permettre aux communes ou aux EPCI d’utiliser cette procédure pour créer à l’extérieur des centres-bourgs des locaux techniques en lien avec les compétences qu’ils exercent. Je pense qu’il s’agit d’une véritable opportunité qu’il nous faut saisir.
Enfin, la commission a été très favorable à ce que la commune puisse faire bénéficier l’EPCI de l’immeuble exproprié dès le début de la procédure, sans remettre en cause la possibilité qui lui est laissée de reprendre une procédure engagée par une commune, mais non conduite à son terme.
En revanche, en accord avec le groupe du RDSE, la commission des lois n’a pas été favorable à la modification technique qui tendait à ouvrir les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d’état d’abandon manifeste, mais à restreindre ensuite ceux de ces projets qui auraient pu donner lieu à expropriation simplifiée.
La modification proposée dans la proposition de loi initiale n’allait pas dans le sens présenté dans l’exposé des motifs, puisqu’elle limitait les cas permettant une expropriation simplifiée aux seuls projets en lien avec l’habitat.
La jurisprudence nous a montré qu’en l’état actuel du droit un conseil municipal peut déclarer une parcelle en état d’abandon manifeste pour construire, par exemple, un chantier naval, en passant par une expropriation simplifiée, puisqu’il s’agit d’un projet d’intérêt collectif.
Avec la proposition de loi initiale, ce projet aurait toujours pu donner lieu à une déclaration d’état d’abandon manifeste, mais il aurait fallu passer par une expropriation classique, s’agissant d’un projet sans lien avec l’habitat. La procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste aurait donc perdu tout son sens pour ce type de projet.
Aussi, la commission des lois a adopté un amendement visant à revenir sur cette seule modification de la procédure, tout en permettant la mise en œuvre de la procédure pour la création de réserves foncières, comme le prévoyait la proposition de loi initiale.
Le seul amendement que je vous présenterai aujourd’hui est de nature technique et rédactionnelle.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je vous invite à adopter ce texte, qui apporte des solutions efficaces et pragmatiques pour la gestion du foncier de nos territoires.