Intervention de Hussein Bourgi

Réunion du 14 avril 2021 à 21h30
Expropriation de biens en état d'abandon manifeste — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hussein BourgiHussein Bourgi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons entend moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste. Nous sommes très nombreux à partager cet objectif.

En effet, il y a là un vrai enjeu pour de nombreuses communes, en particulier dans nos territoires ruraux et périurbains. Aussi, je tiens à saluer l’initiative du groupe du RDSE, qui nous donne l’occasion d’en débattre et de légiférer ce soir.

Cette proposition de loi vise à lutter contre les situations d’abandon de biens immobiliers auxquelles nos élus locaux sont confrontés dans leur commune. Nous avons toutes et tous, dans nos circonscriptions, des exemples pour illustrer cette réalité : friches, hangars, bâtisses à l’abandon… Autant de verrues disgracieuses qui nuisent à nos paysages.

Face à cette triste réalité, nos collègues maires rencontrent de grandes difficultés, les outils juridiques existants s’avérant souvent insuffisants. Cette proposition de loi vise donc à compléter et à parfaire notre arsenal juridique.

À côté des outils permettant de lutter contre l’habitat insalubre et les immeubles en ruine ou en situation de péril, il s’agit de doter nos élus locaux d’un nouveau levier pour contraindre un propriétaire à remédier à l’état d’abandon de son immeuble ou, à défaut, de procéder à l’expropriation en simplifiant la procédure.

Aujourd’hui, la dépossession au profit des communes est doublement limitée. La première restriction est géographique : les biens dont une commune peut demander l’expropriation doivent se situer dans le périmètre dit d’agglomération. La seconde concerne l’objet des situations pouvant légitimer une expropriation. Ces restrictions entravent, hélas !, l’action des élus locaux. C’est à ce besoin de liberté, de souplesse et d’efficacité dans l’action locale que veut contribuer cette proposition de loi.

Dans un premier temps, les auteurs de ce texte se sont attaqués à la restriction géographique des procédures simplifiées d’expropriation. Cette limitation avait été votée dans la loi de 1989, comme cela a été rappelé, afin que ce dispositif ne puisse être employé pour des terrains laissés provisoirement en friche dans des zones agricoles.

Cette restriction se justifiait juridiquement dans la mesure où ces parcelles auraient pu faire l’objet d’une procédure d’expropriation. Dans les faits, ce risque est extrêmement limité. Cette méfiance, voire cette défiance, à l’égard des maires ne se justifie objectivement pas. Les auteurs de ce texte proposent donc de supprimer cette restriction géographique pour les biens se trouvant en dehors du périmètre d’agglomération de la commune.

Une telle modification du droit devrait permettre aux maires de se saisir de biens susceptibles de générer des difficultés, à l’image de certains corps de ferme situés en bordure des voies publiques.

Faire sauter ce verrou géographique est souhaitable, il est donc bienvenu. Cette première disposition relève du bon sens et recueille le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Dans un second temps, les rédacteurs de cette proposition de loi ont souhaité élargir la liste des destinations des biens faisant l’objet d’expropriation en raison de leur état d’abandon manifeste.

Le droit positif prévoit que l’expropriation doit avoir pour objet soit la construction ou la réhabilitation à des fins d’habitat soit un intérêt collectif relevant d’une opération de restructuration, de rénovation ou d’aménagement. L’inscription de ces motifs dans la loi restreint les possibilités des élus locaux d’user de la procédure simplifiée d’expropriation pour des projets tournés vers la valorisation économique de leur territoire. Il est évident que l’état actuel du droit n’est pas satisfaisant.

Afin de remédier à ce problème, ce texte proposait initialement de supprimer purement et simplement toute mention dans la loi des objectifs pouvant motiver une expropriation. Ce choix rédactionnel nous avait interpellés en ce qu’il fragilisait juridiquement le texte.

En effet, si aucun motif n’était inscrit dans la loi, l’expropriation aurait pu devenir générale et s’appliquer dans n’importe quelle situation. Elle n’aurait donc plus été réservée aux cas justifiés par l’intérêt général. Or c’est bien ce dernier qui légitime actuellement le recours à l’expropriation, laquelle porte directement atteinte au droit « sacré » de propriété, constitutionnellement garanti.

L’absence de mention expresse de la destination du bien faisant l’objet d’une déclaration d’abandon manifeste aurait donc pu fragiliser le texte. Dans sa grande sagesse, la commission des lois a adopté une rédaction alternative, proposant de compléter la liste des motifs justifiant la constitution d’une déclaration d’abandon manifeste. Notre groupe salue cette initiative qui apporte des garanties juridiques plus solides.

La proposition de loi prévoit ensuite qu’une expropriation qui se fait traditionnellement au bénéfice de la commune puisse également se faire au profit d’une intercommunalité. Cette évolution nous semble bienvenue, puisque l’intercommunalité dispose de moyens administratifs, juridiques et financiers plus importants qu’une commune. Il semble donc plus aisé d’enclencher une telle procédure à cette échelle.

Vous l’aurez compris, nous partageons la philosophie générale du texte proposé par nos collègues du groupe du RDSE. Les contributions et corrections apportées par la commission des lois ont été de nature à améliorer sensiblement cette proposition de loi. Je salue le rapporteur pour son travail. Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont favorables à l’adoption de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion