Intervention de Christian Bilhac

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Droit à l'eau — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Christian BilhacChristian Bilhac :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit d’accéder à l’eau potable est inscrit dans la résolution de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies du 28 juillet 2010 comme un droit fondamental « essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Chaque être humain a droit à un approvisionnement en eau potable suffisant pour vivre dans la dignité, à un coût abordable pour les usages personnels et domestiques.

Ne laisser personne de côté, c’est l’esprit du texte examiné aujourd’hui. Son article 2 vise à instaurer un nouvel article dans le code de la santé publique, selon lequel les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale prennent les mesures pour satisfaire gratuitement les besoins élémentaires en eau potable et en assainissement des personnes qui ne disposent pas d’un raccordement au réseau. Ces collectivités sont également tenues d’installer et d’entretenir des équipements de distribution gratuite d’eau potable, des douches gratuites pour celles de plus de 15 000 habitants, ou encore des toilettes publiques gratuites pour les communes de plus de 3 500 habitants.

Le droit à l’eau est déjà inscrit dans notre droit positif, à l’article L. 210-1 du code de l’environnement. La loi Brottes, en 2013, a interdit les coupures d’eau pour les résidences principales en cas de non-paiement des factures, ou encore la réduction du débit d’eau. Toutefois, au quotidien, force est de constater qu’il y a un fossé entre les principes et la réalité, et près de 1 million de Français rencontrent des difficultés à payer leur facture d’eau.

Dans le passé, plusieurs propositions de loi ont tenté, sans succès, de garantir ce droit à l’eau. Celle que nous examinons prévoit la gratuité des premiers mètres cubes et me replonge plusieurs années en arrière. Jeune maire élu à Péret, en 1983, la tarification forfaitaire et bon marché comprenait l’abonnement et cinquante mètres cubes, complétée par une facturation complémentaire pour la consommation au-delà de ce volume. Cette facturation étant par la suite devenue illégale, j’ai dû me résoudre à appliquer une tarification à la consommation dès les premiers mètres cubes, mais également à augmenter le prix de l’eau, car on m’a imposé l’équilibre financier du service.

Aujourd’hui, nous n’avons pas beaucoup progressé à force de politiques de gribouille dans ce domaine, un pas en avant, deux pas en arrière. De très fortes inégalités territoriales persistent, quel que soit le mode de gestion choisi – en régie municipale ou par une société privée en délégation de service public –, et 235 000 Français sont privés d’un accès permanent à l’eau.

Une étude sur le prix de l’eau, publiée en 2018 par UFC-Que Choisir, a passé au crible 1 000 factures de collectivités territoriales représentatives, y compris en zone rurale. Elle révèle des écarts énormes, traduisant parfois des réalités géographiques, mais aussi des dérives en matière de gouvernance de la gestion de l’eau.

Cette question est préoccupante, même si de nombreux services de l’eau sont exemplaires. Les Français ne sont pas égaux face au prix du mètre cube d’eau, qui varie entre 2, 68 et 8, 46 euros. Ce grand écart frappe aussi la région Sud-Ouest, où la fourchette va de 2, 94 à 7, 07 euros. Parfois, le prix du mètre cube peut atteindre celui d’une bouteille de vin !

Ce prix du mètre cube n’est pas le seul facteur à prendre en compte. L’accès à l’eau comporte des coûts d’abonnement, de remboursement d’emprunts, de location de compteur ou encore de télérelevé. Ce service est aujourd’hui défini comme un service public industriel et commercial, avec un équilibre financier obligatoire.

On peut souhaiter qu’un jour l’eau soit considérée à l’échelle internationale comme un bien pour tous, et non comme un service industriel et commercial. Il n’empêche qu’il n’y a pas d’eau gratuite, quel que soit le mode de distribution choisi. La proposition de loi prévoit d’ailleurs, à son article 4, de compenser ce coût. Si l’usager ne paie pas, c’est le contribuable qui devra payer, à moins de mettre des bassines sur les terrasses et dans les jardins pour récupérer l’eau de pluie.

Nous avons besoin de rationaliser la gouvernance du secteur et de choisir clairement une politique sociale de l’eau ambitieuse et lisible à long terme, sans oublier le contrôle et l’évaluation, absolument indispensables.

C’est pourquoi, même si les membres du groupe du RDSE soutiennent les intentions louables de ses auteurs, ils ne voteront pas la présente proposition de loi.

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