Intervention de Laurent Duplomb

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Droit à l'eau — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Malheureusement, ces progrès ne suffiront pas pour orienter le groupe Les Républicains vers un vote favorable ou même une abstention.

J’ai parlé de « progrès », car cette proposition de loi a été expurgée des deux dispositions du texte de 2017 que nous avions combattues avec vigueur : l’aide préventive pour l’eau, prévue à l’article 3, et la création d’une allocation forfaitaire d’eau pour les ménages les plus pauvres, lorsque le prix de l’eau dépasse un prix de référence fixé par décret, à l’article 4. Notre groupe avait alors estimé que ces aides introduisaient de la confusion, en raison de la grande variété des critères d’éligibilité pour les bénéficiaires. Nous étions surtout hostiles au fait que l’allocation soit issue du produit de la contribution sur les eaux et boissons embouteillées, dont les sommes perçues par les douanes sont mises à la disposition de chaque commune concernée.

Où est le problème dans le texte dont nous débattons aujourd’hui ? Il n’est pas nécessairement dans l’article 1er, qui vise à introduire dans le code de la santé publique une définition du droit à l’eau potable et à l’assainissement. En effet, ce droit existe déjà, et il a même rang constitutionnel grâce au onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui garantit à tous, que ce soit à l’enfant, à la mère ou aux vieux travailleurs, la protection de la santé.

Comme vous l’aurez compris, c’est encore et toujours l’article 2 qui motivera notre vote de rejet. Si le principe d’une couverture des besoins élémentaires des populations en eau potable et assainissement me semble justifié, on ne peut pas demander, encore une fois, aux collectivités territoriales d’assumer politiquement et économiquement une responsabilité qui n’est pas la leur. Les dépenses engendrées par le dispositif prévu ne sont pas symboliques et, surtout, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible d’en chiffrer le coût, qu’il s’agisse du coût des mises aux normes, du coût d’entretien ou du coût de l’acquisition des locaux dédiés.

S’agissant de l’article 3, le principe de gratuité des premiers mètres cubes me semble plus simple à mettre en place que les allocations prévues par le texte de 2017. Je pense, néanmoins, qu’il ne faut pas poursuivre dans cette direction, si l’on veut éviter de voir se multiplier des principes de gratuité injustifiés. Les collectivités se voient, en effet, déjà, chaque année, dans l’obligation d’écraser des centaines de milliers d’euros de factures impayées.

Vous l’aurez compris, malgré un objectif louable, je voterai contre cette proposition de loi. J’ajouterai deux remarques pour justifier ce rejet.

Tout d’abord, je considère qu’il existe d’autres priorités en matière d’infrastructures. La gestion de l’eau nécessite, en effet, des investissements massifs dans les infrastructures d’alimentation en eau, car leur rythme actuel de renouvellement est de deux cents ans ! Avant de réaliser des infrastructures ou des installations dont on ignore si elles seront utilisées, il faudrait plutôt agir sur les réseaux fuyards et, surtout, remédier au désengagement croissant de l’Agence de l’eau, qui finit par faire tout autre chose que ce pour quoi elle a été créée.

Ensuite, dans cette assemblée, comme dans l’autre, il me semble que nous passons trop de temps à examiner des propositions de résolution, des projets ou propositions de loi, ou à organiser des débats concernant la méthode avec laquelle nous allons encore amplifier les aides sociales. Nous oublions trop souvent que les situations de détresse sociale ne tombent pas du ciel et que nous avons les moyens de les combattre en amont. Avant le droit individuel à l’eau potable, je crois qu’il y a un droit pour la France, donc un droit collectif, à avoir une agriculture de nouveau puissante et une industrie de nouveau florissante, pour que nos compatriotes retrouvent l’emploi qui les préserverait de telles situations de détresse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion