Intervention de Marc Dupont

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 mai 2021 à 9h00
Gestion de la crise sanitaire — Accès des proches aux établissements pendant la crise sanitaire

Marc Dupont, directeur d'hôpital, adjoint à la directrice des affaires juridiques de l'AP-HP :

Ma fonction, au siège de l'Assistance publique, est de traiter des affaires juridiques et des droits des patients. Toutefois, durant cette période si particulière, chacun est sorti de ses habitudes, et il se trouve que je me suis assez rapidement chargé de la question des visites pour les 39 hôpitaux de l'Assistance publique. La question qui s'est posée brutalement, à laquelle on n'avait jamais vraiment réfléchi, a été celle des visites à l'hôpital.

Tout d'abord, je rejoins ce qui vient d'être dit sur beaucoup de points, notamment par Mme Manaouil.

On parle du droit de visite en général, qui recouvre des situations assez différentes. L'Ehpad n'est pas comparable au service de réanimation. Le service de médecine ordinaire n'est pas un service de pédiatrie. Les situations sont donc un peu différentes, même s'il faut naturellement se préoccuper de la notion de droit de visite qui, aujourd'hui, n'apparaît pas expressément dans les textes.

Il y a là aussi une question de durée : priver de visite durant quelques jours une personne adulte en réanimation est une chose. Priver des personnes de toute visite pendant des semaines et des mois, c'est autre chose. Il est vrai qu'on est dans une situation différente en situation de crise.

Jusqu'à présent, les textes portaient plutôt sur le droit d'être visité. C'est le patient qui décide ce qu'il veut ou ne veut pas. Durant la période récente, on a plus parlé de droit de visite pour les aidants, les familles, qui ont dénoncé le fait de ne pas avoir vu leurs proches, a fortiori en cas de décès.

La question que l'on se pose sur le droit de visite est corrélée au problème des chambres mortuaires et de la présentation du corps des personnes décédées durant cette période.

J'ai commencé à m'occuper de ce sujet après qu'une famille est venue nous dire qu'elle n'avait pu assister à la présentation du corps. On l'a peut-être un peu oublié mais, en mars-avril 2020, Paris était vide, sans circulation, et personne n'osait aller à l'hôpital. À cette époque, la demande de protection des malades était particulièrement importante.

Il faut donc distinguer le sujet qui est le vôtre aujourd'hui, celui du droit de visite en période de crise, de la visite en temps normal.

Le droit de visite n'est pas problématique en temps ordinaire. Il ne nécessite même plus de réglementation. Dans les années 1970, au moment de la période d'humanisation des hôpitaux, un décret avait prévu le droit de visite quotidien.

Les hôpitaux étaient tenus d'avoir deux plages horaires par jour réservées à l'accès des visiteurs. C'est devenu tellement normal que cette réglementation a finalement disparu au début des années 2000. Aujourd'hui, il n'existe plus que des textes qui empêchent la visite de la famille lorsque celle-ci peut perturber le repos des malades ou lorsqu'il existe des problèmes de comportements.

Il fut un temps où les visites ne se faisaient jamais le matin ni tard le soir. Actuellement, en dehors de la présente période, les familles viennent souvent le matin, à midi, durant les repas, pendant les soins, ou tard le soir après le travail, même si les choses peuvent être différentes d'un service à un autre.

C'est peut-être ce qui a rendu les choses plus compliquées lorsque la crise est arrivée, car on n'avait pas tellement réfléchi à tous ces sujets. Dans les premières semaines, on n'y pensait d'ailleurs pas tellement. Il fallait avant tout protéger les malades et les personnels, ce qui a entraîné la suspension immédiate de toutes les visites pour éviter tout cluster dans les services.

J'ai souvenir d'un visiteur qui, dans un grand CHU parisien, a infecté sans le savoir onze personnes dans le service. Cela avait tétanisé toute l'équipe.

Je dois également dire que certaines familles ont été terrorisées par le fait qu'on maintenait le droit de visite dans les hôpitaux. Le père d'un jeune adulte, qui était médecin, nous avait adressé une lettre scandalisée pour se plaindre du fait qu'on acceptait des visites dans l'hôpital où son fils était hospitalisé. On les limitait pourtant beaucoup, à raison d'un visiteur par patient et par jour.

En tant que juriste - je suis praticien du droit à l'hôpital - je suis frappé par le fait que tout le droit de la santé est aujourd'hui fondé sur le patient - droit des malades, droit de la personne - et que le droit des aidants et des accompagnants soit quasiment indigent dans le code de la santé publique.

On a régulièrement des litiges avec les familles au sujet de patients inconscients ou dans le coma. Les proches, le conjoint, les enfants veulent avoir accès au dossier médical. Or tant que le patient est vivant, lui seul peut donner le droit d'y accéder. Même le droit des proches, dans le domaine de la santé, est très peu consistant.

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