Comme le disait Mme Meunier, la crise a accentué des difficultés déjà présentes. Beaucoup de répondants nous l'ont dit : on peut difficilement accompagner dignement et humainement sans un nombre suffisant de personnels formés, compétents, etc. Si on occulte la question des moyens, on culpabilise les professionnels, et c'est doublement injuste.
Je suis d'accord pour reconnaître que des situations abusives perdurent, alors que beaucoup de personnes sont vaccinées. En même temps, ce qui nous frappe, ce sont des différences extrêmement importantes. Je ne voudrais pas que l'on ressorte de cette audition avec le sentiment que les Ehpad connaissent une situation qui n'est pas la même que celle des hôpitaux.
Je suis actuellement en immersion dans un service de réanimation où les visites des familles ont été maintenues alors que, dans la quasi-totalité de l'hôpital, elles ne sont pas possibles parce qu'il faut du personnel pour les accueillir et que l'équipe considère que c'est extrêmement important. Comment arriver à mettre en rapport des gens qui font différemment pour montrer à ceux qui pensent que c'est impossible qu'ils pourraient le faire ?
Les résidents des Ehpad sont en effet parfois considérés comme des mineurs, voire pire. Je partage votre sentiment, mais ce n'est pas le cas partout. Je pense qu'il existe des endroits - nous en avons beaucoup d'exemples - où les résidents et les familles sont informés en amont, consultés, associés aux décisions, y compris pendant la crise, et aux modalités de la vaccination et du déconfinement.
Cela relève-t-il ou non de la loi ? Trois points me tiennent à coeur : la reconnaissance des droits des proches au sens très large, y compris dans les relations avec les équipes. C'est quelque chose que le Parlement a déjà accentué mais on peut progresser.
Le deuxième point concerne les possibilités de recours. Beaucoup de gens comme Laurent Frémont se tournent vers nous lorsqu'ils sont confrontés à une situation ubuesque ou kafkaïenne. Il existe théoriquement des recours mais, dans la pratique, ils sont très difficiles à mettre en oeuvre de manière rapide et efficace pour faire évoluer les situations. Vers quel tiers se tourner pour débloquer les situations, sans aller nécessairement jusqu'au conflit et à la mise en cause juridique ?
Enfin, je pense qu'il faut des repères - et votre assemblée en donne. C'est probablement sa mission, et je suis gêné par le fait qu'on continue d'opposer sécurité et liberté. Nous sommes dans un pays où la sécurité est au service de la liberté. Plutôt que de se demander en permanence où placer le curseur, ce qui est une manière d'opposer les deux, il faut déterminer la philosophie dans laquelle on se place. Beaucoup de directeurs d'Ehpad ou de résidences de services et de résidences autonomie nous l'ont demandé.
Si on met toutes les valeurs sur le même plan, ils doivent arbitrer en permanence et n'y parviennent pas. Réaffirmer fortement que la protection de la sécurité et la protection des personnes sont au service des libertés constituerait un message très fort qui remettrait de la clarté dans les normes et les valeurs.