Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 6 mai 2008 à 21h45
Modernisation du marché du travail — Article additionnel après l'article 1er

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Ce qui s’est passé mérite une explication. Au départ, la formule du CDD avait été imaginée, aux dires de ses concepteurs, comme un instrument de souplesse. Pour avoir moi-même participé à quelques-uns des débats de l’époque, je peux vous dire que l’on avait déjà beaucoup discuté pour savoir s’il ne s’agissait pas plutôt d’un dévoiement du CDI. On nous avait alors assuré, la main sur le cœur, que, bien au contraire, le CDD constituait un outil moderne permettant de répondre aux éventuels « coups d’accordéon » dans la production.

Or, aujourd’hui, cette dernière progresse, et la richesse globale du pays s’accroît. Personne ne peut donc plus affirmer que la production connaît, en France, des coups d’accordéon tels que cela justifie d’en être arrivés à 6 % de titulaires de CDD et de contrats d’intérim parmi la population active. Sans parler du temps partiel contraint, qui concerne 300 000 personnes de plus qu’il y a quatre ans.

Si je pose la question à cet instant du débat, c’est parce que j’ai eu l’honneur, comme tout parlementaire est en droit de le faire, de la poser à plusieurs reprises par écrit, la dernière fois le 21 décembre 2006, et ce à l’attention des différents ministres délégués à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Or je n’ai jamais reçu de réponse !

Par conséquent, voilà un phénomène qui semble n’avoir aucune explication et qui pourtant mériterait à mes yeux d’en avoir. D’ailleurs, j’en verrais bien une : c’est celle qui vient le plus facilement à l’esprit, mais elle ne me convient pas totalement parce qu’elle suppose que les employeurs auraient eu l’intention de dévoyer la procédure ; néanmoins, certains éléments semblent confirmer cette hypothèse.

Monsieur le ministre, ce problème dépasse le simple cadre de la négociation entre les deux parties concernées et relève de la défense de l’intérêt général. Si vous n’envisagez aucun dispositif pour y remédier, que comptez-vous faire pour lutter contre ces abus à répétition, dont j’ai quelques exemples sous les yeux que je vais vous citer ?

En janvier 2008, la société Peugeot, qui n’est tout de même pas un « traîne-patins » économique ou un « traîne-misère » financier, a été condamnée pour la cent cinquantième fois pour recours abusif à l’intérim pour quatorze salariés. C’est dire que la condamnation lui importe peu ; sinon, elle se serait arrêtée à la deuxième !

Autre exemple : en décembre 2007, Cofiroute a été condamnée pour la douzième fois pour avoir contraint certains salariés à cumuler entre soixante-dix et cent cinquante CDD, sur des durées s’échelonnant de deux à quatre ans.

Qui oserait parler de « coups d’accordéon » de la production à propos de ces deux entreprises importantes, qui ne sauraient être considérées comme des maillons faibles de notre économie ?

En septembre 2007, en février et en avril 2008, La Poste a été condamnée à trois reprises pour recours abusif aux CDD. La Poste, mes chers collègues, rendez-vous compte : il s’agit tout de même d’une institution aussi stable que les colonnes du temple !

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