Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 6 mai 2021 à 14h30
Écriture inclusive : langue d'exclusion ou exclusion par la langue — Débat organisé à la demande du groupe les indépendants – république et territoires

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Au-delà du point médian, le fond du problème est la prédominance du masculin dans notre langue. Cela s’explique par l’histoire, par une évolution lente, depuis un latin qui reconnaissait trois genres – féminin, masculin et neutre – jusqu’à la progressive disparition du genre neutre au profit d’un masculin qui devint générique.

Force est toutefois de constater que cette histoire n’est pas linéaire. Au Moyen Âge, la langue, alors plus libre dans son usage, était habituellement épicène : elle faisait à de nombreuses occasions la part belle au féminin et au masculin de manière égale. Même lors de la fondation de l’Académie française par Richelieu et alors que les règles que nous connaissons aujourd’hui se sont stratifiées peu à peu, la règle de prédominance du masculin n’a jamais été aussi fortement affirmée qu’elle ne l’est aujourd’hui. On préférait ainsi, par exemple, l’accord de proximité, qui consiste à accorder le genre de l’adjectif avec le nom le plus proche qu’il qualifie.

Mes chers collègues, sachez ainsi que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui, je le rappelle, a valeur constitutionnelle, mentionne : « Tous les Citoyens […] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics. » L’usage exigerait aujourd’hui que l’on emploie « tous » au lieu de « toutes » ! Ce texte, malgré son intitulé, était donc déjà plus souple que certains dans son usage de notre langue.

Il n’y a donc pas, d’un côté, un usage pur et traditionnel de la langue, qui s’opposerait, d’un autre côté, aux prétendus délires séparatistes d’une partie de la population. Il s’agit d’un processus d’évolution de la langue, nourri par un questionnement. Ce processus interroge et nous élève.

Oui, il est possible de communiquer en incluant toute la diversité de notre société ! Non, vous n’êtes pas et vous ne serez jamais obligés d’utiliser le point médian ! Notre langue est riche quand elle se réinvente. Soyez donc inventives et inventifs !

Pour conclure, je tiens à faire remarquer à cette assemblée que le discours que je viens de prononcer, comme tous ceux que prononcent les sénatrices et sénateurs de mon groupe, a été réalisé en suivant dans la mesure du possible les règles de cette langue épicène que vous fustigez tant. Chacun sera libre de constater si celui-ci a mis en danger la langue française !

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