Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous présenter brièvement le contexte et l’objet de notre proposition de résolution.
Nous sommes dans une situation marquée par la séparation de Taïwan et de la Chine continentale depuis 1949, à l’issue d’une guerre civile de plus de vingt ans qui s’est conclue par la prise de pouvoir du parti communiste chinois et l’instauration de la République populaire. La France, puis les États-Unis et, à leur suite, la plupart des États de la communauté internationale ont reconnu le régime de Beijing comme le représentant de toute la Chine. La République populaire de Chine a repris en 1971 le siège de cette puissance au Conseil de sécurité de l’ONU.
En conséquence, Taïwan a été ramenée à une entité non étatique, bien que l’île soit en fait dotée de tous les attributs d’un État sur son territoire de 36 000 kilomètres carrés – l’équivalent de la superficie des Pays-Bas – et peuplé de 23 millions d’habitants – une population comparable à celle de l’Australie.
Depuis lors, Taïwan a évolué de son côté en devenant, d’une part, une puissance économique significative qui prend toute sa part dans le décollage de l’Asie de l’Est et, d’autre part, une société de plus en plus libre et ouverte, avec des élections réellement libres et pluralistes, une presse libre, un développement scientifique et culturel débarrassé des censures. Du côté de la Chine continentale, nous savons que l’évolution est différente.
Les autorités de la Chine populaire ont toujours affirmé leur volonté de faire revenir Taïwan dans leur souveraineté. À cette fin, elles ont formulé dès les années 1980 la doctrine « un pays, deux systèmes », qui, on le sait, a été appliquée ensuite à Hong Kong, avec l’évolution ultérieure que nous observons.
À des périodes diverses, ces autorités ont exercé des pressions militaires à proximité de Taïwan, soutenues par des lois prévoyant l’emploi de la force au cas où Taïwan déclarerait formellement son indépendance. Ces pressions militaires se sont renforcées au cours des deux dernières années en cohérence avec la montée très prononcée des capacités de défense de la Chine populaire.
La France conduit toute son action internationale dans le cadre du multilatéralisme organisé et, donc, des institutions internationales où les États prennent ensemble des mesures de régulation ou de promotion destinées à améliorer le sort des citoyens du monde, au sein duquel priment leur sécurité et leur santé. Notre pays souhaite logiquement qu’une entité comme Taïwan, dont la contribution à la vie internationale est importante dans de nombreux domaines, puisse y être entendue.
Dans leurs textes organiques, les organisations que nous mentionnons dans la proposition de résolution autorisent la participation d’entités non étatiques dont l’intervention est utile à leur mission. Il est évident que c’est le cas de Taïwan dans bien des champs d’action, le plus emblématique étant bien sûr celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), compte tenu de l’expérience éclatante de l’île en ce qui concerne la gestion de la pandémie mondiale sur son sol. Mais cela est vrai aussi pour Interpol, pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et pour la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Les autorités françaises ont régulièrement réalisé des démarches au sein de ces enceintes internationales pour obtenir qu’elles consentent à la participation de Taïwan, certes avec un statut d’observateur, mais avec un accès aux informations et aux réflexions produisant un effet utile. Notre proposition de résolution se veut donc, monsieur le secrétaire d’État, une approbation et un encouragement adressés à notre exécutif pour qu’il continue ses interventions en partage avec d’autres puissances.
Le point saillant relevé dans notre texte est que les autorités de la République populaire de Chine ont accepté que Taïwan participe aux travaux de l’OMS pendant plusieurs années, estimant que ce concours ne contrevenait pas à leur politique nationale, qui a comme but ultime la réunification.
La position de Beijing a changé en 2016 à la suite de l’élection et de l’entrée en fonction de Mme Tsai Ing-wen. Celle-ci a pourtant bien déclaré qu’elle entendait respecter le statu quo entre les deux rives du détroit, ce qui se confirme dans les faits depuis cinq ans.
Nous sommes donc fondés à estimer respectueusement que la République populaire de Chine pourrait, sans infléchir ses positions de fond, accepter à nouveau une collaboration des représentants de Taipei à l’Assemblée annuelle de l’OMS et, par conséquent, aux outils concrets de coopération en faveur de la santé mondiale qui y sont discutés.
En sollicitant de tous nos collègues un soutien à cette proposition de résolution dont l’inspiration est constructive et conciliatrice, nous entendons – je veux le dire très clairement – respecter la loi internationale…