Madame la présidente, monsieur le président Richard, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous voici réunis autour de cette proposition de résolution en faveur de l’association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales, présentée par Alain Richard, Joël Guerriau et nombre d’entre vous ici présents, que je ne saurais tous citer. C’est un moment effectivement utile et important.
Vous connaissez la politique constante de la France sur la question de Taïwan : elle reconnaît le gouvernement de la République populaire de Chine comme seul représentant de la Chine depuis 1964 et n’entretient pas de relations diplomatiques avec Taïwan. Cependant, la France développe des coopérations avec ce pays dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler « la politique d’une seule Chine ». Elle considère en outre que les relations entre les deux rives doivent reposer sur un dialogue constructif, dans la mesure où il est dans l’intérêt de tous que la voie du dialogue soit privilégiée, afin que la paix et la stabilité puissent être préservées dans le détroit de Taïwan.
Des échanges dynamiques, des coopérations riches se développent entre nos deux territoires, qui font de Taïwan un partenaire important de la France en Asie. Vous avez été nombreux à signaler la place dans l’économie mondiale de l’île – vingt et unième économie mondiale –, sa place dans les chaînes de valeur mondiales, en particulier dans l’industrie des semi-conducteurs. Ce pays est un membre actif dans les travaux de l’OMC.
Cette coopération tient compte aussi de la vitalité de la société civile taïwanaise, vous l’avez relevé les uns et les autres, de la remarquable réussite de la transition démocratique de l’île initiée dans les années 1980.
Taïwan accueille de surcroît une importante communauté française, évaluée à 4 000 personnes, qui font l’objet d’une attention de tous les instants de notre part.
À travers en particulier le bureau français de Taipei et le bureau de représentation de Taipei en France, la France et Taïwan entretiennent et développent des échanges soutenus dans les domaines économique, industriel, scientifique, de l’innovation et de la technologie, mais également en matière culturelle et éducative. Nous partageons avec l’île des valeurs démocratiques, une ambition commune pour la promotion des droits de l’homme. D’ailleurs, notre ambassadeur pour les droits de l’homme s’y est rendu en janvier 2020.
En matière culturelle, la France et Taïwan entendent poursuivre et approfondir leurs coopérations déjà très denses. Taïwan fait partie des trente-sept territoires identifiés en 2019 par le ministère comme prioritaires pour l’export des industries culturelles et créatives françaises.
J’ajoute que la coopération éducative et universitaire a pris une tournure significative : le nombre d’étudiants français à Taïwan a tout simplement triplé en dix ans ! Ils sont à ce jour 1 500. Ils sont donc une composante essentielle de la communauté française de Taïwan.
Bien que n’étant aujourd’hui reconnue sur le plan diplomatique que par quinze États, l’île développe une politique active sur la scène internationale, y compris auprès des pays avec lesquels elle n’entretient pas de relations diplomatiques. Parallèlement, Taïwan est membre d’une trentaine d’organisations intergouvernementales ; j’évoquais l’OMC, mais on pourrait citer l’APEC, la Banque asiatique de développement et tant d’autres. Elle participe, en tant qu’observateur ou membre associé, aux travaux d’une vingtaine d’organisations intergouvernementales ou d’organes subsidiaires ; je pense à l’OCDE, à la BERD ou à la Banque interaméricaine de développement.
S’agissant spécifiquement de l’objet de votre proposition de résolution et de la participation de Taïwan aux organisations internationales, notre position est claire et constante : nous y sommes favorables lorsque le statut des organisations le permet et que cette participation répond aux intérêts objectifs de la communauté internationale. Il y a donc là une convergence très claire. C’est manifestement le cas pour les organisations internationales que vous avez citées dans la proposition de résolution : l’OMS, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, mais également l’OACI, Interpol.
Je crois que la pandémie de covid rappelle chaque jour, cruellement, depuis plus d’un an, que la santé des femmes et des hommes du monde entier requiert l’engagement et la coopération. Sans la coopération, nous ne vaincrons pas cette épidémie.
Il en est de même pour les questions climatiques, pour les transports, pour la sécurité : soit nous réussissons ensemble, soit nous échouons ensemble. Cela appelle donc une réponse collective.
S’agissant plus spécifiquement de la santé mondiale, puisque nous sommes à quelques jours de cette réunion importante à l’OMS, les chiffres parlent d’eux-mêmes : Taïwan a remarquablement contenu l’épidémie. C’est pourquoi sa contribution et le partage de son expérience sont essentiels à l’ensemble de la communauté internationale, à l’heure où il faut œuvrer collectivement.
Vous avez rappelé les uns et les autres les chiffres : douze morts seulement sur une population de plus de 23 millions d’habitants. Indéniablement, Taïwan a su tirer tous les enseignements de l’épidémie de SRAS en 2003 pour réagir rapidement et efficacement dès les premiers signes d’apparition de la maladie.
Nous n’oublions pas qu’au printemps 2020 Taïwan a fait don d’équipements médicaux – masques, appareils respiratoires – à plusieurs de ses partenaires dans le monde, dont l’Union européenne et la France.
Jean-Yves Le Drian, qui, hélas ! ne pouvait être présent aujourd’hui dans l’hémicycle – il est au Liban –, a eu l’occasion de dire lui-même, en novembre dernier, que nous étions favorables à ce que Taïwan participe aux réunions de plusieurs organismes internationaux, dont l’OMS, car il est essentiel que tous les acteurs qui peuvent prendre part à la lutte contre les pandémies le fassent. Il déclarait : « Nous avons d’ailleurs regretté que Taïwan ne puisse pas participer aux travaux de la soixante-treizième Assemblée mondiale de la santé, qui s’est tenue du 9 au 13 novembre, et nous continuerons d’appeler à un accord entre Pékin et Taipei en vue de la participation de Taïwan à la prochaine Assemblée mondiale de la santé. […] Il ne doit pas y avoir de vide sanitaire dans la lutte contre la pandémie. »
Nous continuons donc à plaider pour que Taïwan soit associée aux travaux de l’OMS. Nous le ferons à titre national, nous l’encourageons au niveau européen, nous l’avons fait encore il y a quelques jours avec nos partenaires du G7.
Compte tenu de ces différents éléments, permettez-moi de souligner que la proposition de résolution portée par les membres du groupe d’échanges et d’études Sénat-Taïwan, sous votre conduite, monsieur le président Richard, présente de réelles convergences avec la position du Gouvernement que je viens d’exprimer. Je salue ici l’esprit constructif de votre initiative.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la France ne veut pas que la question de la participation de Taïwan aux organisations internationales devienne un enjeu politique. L’enjeu est tout autre : répondre aux intérêts objectifs de la communauté internationale. C’est dans cet esprit que la France soutient cette participation de Taïwan aux organisations internationales lorsque leurs statuts le permettent. Je le souligne à nouveau : le fonctionnement optimal de ces organisations appelle une approche inclusive, condition d’un multilatéralisme efficace pour apporter des solutions aux grands défis de notre monde.
Au-delà de l’examen de cette proposition de résolution, vous me permettrez, puisque le sujet est au cœur des travaux de votre groupe d’études, monsieur le président Richard, de souligner que nous suivons de façon extrêmement précise l’évolution de la situation dans le détroit de Taïwan. Nous avons noté à cet égard que les incursions militaires dans la zone d’identification et de défense aérienne de Taïwan se sont multipliées depuis l’an dernier, jusqu’à devenir presque quotidiennes. Je le redis : la stabilité dans le détroit est essentielle pour la sécurité de la région ; c’est la raison pour laquelle nous réprouvons toute tentative de remise en cause du statu quo de même que toute action susceptible de provoquer un incident et de conduire à une escalade dans le détroit. Je crois pouvoir vous dire que nous partageons cette préoccupation avec l’ensemble de nos partenaires de l’Union européenne.
Voilà, madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’appréciation du Gouvernement sur ce sujet important. Encore une fois, permettez-moi de me réjouir du travail conduit cet après-midi dans cet hémicycle.