Intervention de Annie David

Réunion du 6 mai 2008 à 21h45
Modernisation du marché du travail — Article 2

Photo de Annie DavidAnnie David :

... défendu par notre collègue Roland Muzeau et visant à préciser la finalité de la période d’essai.

Cette disposition, équilibrée dans les droits qu’elle fait naître, précise : « La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».

Cet ajout est logique puisqu’il reprend la définition donnée à la période d’essai par les partenaires sociaux lors de l’adoption de l’ANI, une disposition qui, curieusement, n’a pas fait l’objet d’une transposition dans le projet de loi. J’avais pourtant cru comprendre qu’il s’agissait pour le Gouvernement de reprendre dans la loi l’intégralité de l’ANI. Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale avait même invité les législateurs à ne pas l’amender, par respect pour le dialogue social. Ce texte apparaît pourtant incomplet et « censuré », en ce qui concerne tout au moins cette disposition, par le Gouvernement.

Notre collègue Pierre Bernard-Reymond est, quant à lui, plus mesuré, et je le comprends, lorsqu’il déclare : « Il convient de trouver la voie étroite qui concilie le respect de l’accord des partenaires sociaux et celui des responsabilités du législateur ».

Alors, pourquoi cet oubli ? N’est-ce pas tout simplement parce que définir précisément la notion de période d’essai, c’est donner au salarié la possibilité de faire valoir ses droits en la matière ? On ne peut donc que se féliciter de l’adoption de cet amendement.

Pour autant, et malgré cet ajout, cet article aura pour effet d’accroître considérablement la durée des périodes d’essai, puisque celles-ci seront comprises entre deux et quatre mois maximum pour les ouvriers et employés, entre trois et six mois maximum pour les agents de maîtrise et les techniciens, et entre quatre et huit mois maximum pour les cadres, période de renouvellement comprise.

Il est clair que cette disposition est l’un des compromis imposés aux partenaires sociaux en compensation de la suppression du CNE. Souvenons-nous que le patronat était très attaché à ce contrat qui présentait le double avantage d’autoriser le licenciement sans motivation et de disposer, deux années durant, d’un salarié plus corvéable, puisque soumis au risque de rupture de cette période d’essai.

Avec cet article, dans lequel on retrouve purement et simplement la logique des CNE mais aussi des CPE, vous donnez satisfaction au MEDEF, ou encore à la CGPME, en allongeant le plus possible la période pendant laquelle l’employeur peut rompre le contrat sans motif.

Je ne partage naturellement pas l’avis du rapporteur, qui considère que l’allongement de la période d’essai serait de nature à combattre le recours au CDD ou à l’intérim. En quoi une période d’essai de huit mois, renouvellement compris, interdirait-elle à l’employeur de recourir à un certain nombre d’emplois précaires pour satisfaire ce que le patronat nomme les « impératifs du marché » ?

Si l’on envisageait une baisse des recours aux CDD, ce serait aux dépens des salariés en période d’essai, l’employeur pouvant jouer avec le renouvellement et la multiplication des nouveaux contrats pour s’exonérer, dans la durée, des règles applicables en matière de licenciements.

Je souhaite préciser ici notre accord avec le rapporteur lorsqu’il préconise d’instaurer, en faveur des CDD, un délai de prévenance différent suivant la période déjà effectuée. Nous restons toutefois opposés à sa volonté d’en réduire la durée, considérant qu’il s’agit là d’une mesure supplémentaire rendant plus flexible encore le droit du travail.

Dans le même ordre d’idée, nous sommes opposés aux principes dérogatoires selon lesquels les conventions collectives et accords de branche prévoyant des périodes d’essai plus courtes que celles qui figurent dans la loi ne devraient plus avoir cours, alors que ceux prévoyant des durées plus longues continueraient de s’appliquer jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention.

Peut-être cette mesure s’explique-t-elle par votre volonté de favoriser le dialogue social ! En effet, vous renvoyez à plus tard une mesure favorable aux salariés, espérant que le dialogue social la maintiendra, ou la supprimera ... Il est vrai qu’il ne faut pas trop en demander au patronat : vous risqueriez de le contrarier et, alors, bonjour les délocalisations !

S’il est vrai qu’il existait auparavant un grand nombre de conventions stipulant des périodes d’essai différentes, ce qui rendait sans doute nécessaire une harmonisation, pourquoi celle-ci devrait-elle se faire dans le sens d’un recul pour les salariés ? Pourquoi ne l’avez-vous pas envisagée en respectant les branches professionnelles, ce qui aurait donné du sens à la « valeur travail » que défend votre gouvernement ?

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