S'il fallait trouver un mérite à la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant plus d'un an, ce serait sans doute de nous faire prendre conscience de la grande fragilité de nos systèmes économiques et sociaux. De ce point de vue, alors que 2020 aura été l'année la plus chaude enregistrée depuis les premiers relevés en 1850, la crise écologique représente une menace plus grande encore, qui nous impose de transformer en profondeur nos modes de production et de vie.
Le secteur financier constitue naturellement un élément décisif des mutations à venir, compte tenu du rôle majeur qu'il joue pour orienter les financements. Pour ne donner qu'un chiffre, la Commission européenne estime que 260 milliards d'investissements « verts » supplémentaires sont nécessaires chaque année pour que l'Union européenne atteigne ses objectifs climatiques en 2030.
Dans ce contexte, la France a jusqu'à présent joué un rôle moteur en matière de finance durable. Le 24 janvier 2017, notre pays a ainsi été le premier État souverain au monde à émettre, pour une taille significative, des obligations vertes, conformément à l'engagement pris par le Président François Hollande en avril 2016 lors de la quatrième conférence environnementale. En cumulant les flux publics et privés, la France s'est classée en 2020 à la troisième place mondiale des plus grands émetteurs d'obligations vertes, derrière les États-Unis et l'Allemagne.
Notre commission avait d'ailleurs consacré dès le mois de février 2018, il y a maintenant un peu plus de trois ans, une audition commune sur la politique d'émission de dette par l'État et le développement du marché des obligations vertes. Il est désormais temps de faire le point sur l'avancée de ce sujet et de mesurer la réalité des engagements pris.
Dans un secteur aussi internationalisé, l'enjeu se situe également et logiquement à l'échelle européenne, avec la mise en place du plan d'action de l'Union européenne pour la finance durable annoncé en 2018 et les réflexions engagées par la Banque centrale européenne pour « verdir » sa politique monétaire.
Afin d'aborder ces sujets, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin quatre intervenants, que je remercie pour leur participation : M. Thierry Déau, président de Finance for Tomorrow ; Mme Anuschka Hilke, directrice du programme « institutions financières » de l'Institute for climate economics (I4CE) ; M. Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor, qui était déjà présent lors de la table ronde en 2018 ; Mme Laurence Scialom, professeure d'économie de l'Université Paris Nanterre.
Sans plus tarder, je cède la parole à Anthony Requin, pour un bref propos liminaire sur la place grandissante prise par les obligations vertes dans la politique d'émission des États.