Récemment, OFI Asset Management, un gestionnaire d'actifs engagé dans la finance responsable, s'est publiquement déclaré contre la stratégie climat de Total, en se disant particulièrement inquiet de noter les projections à la hausse du groupe dans le secteur gazier. Le 28 mai prochain, Total présentera en effet pour la première fois une résolution sur le climat à ses actionnaires. Une partie de ces derniers s'élèverait contre cette stratégie, qu'ils ne trouveraient pas suffisamment ambitieuse puisqu'elle laisse une part prépondérante aux énergies fossiles, gaz et pétrole. Il y a eu un embryon de réponse par le marché financier, à travers la réaction publique d'OFI Asset Management, mais c'est une démarche assez solitaire.
Pour ma part, il me semble que le marché ne peut pas tout. En matière de biodiversité, l'idéologie de marché croit résoudre le problème en donnant un prix à la nature, pour la préserver. Seulement, ce n'est pas en affectant un prix à des biens non marchands qu'on pourra lutter contre les effets destructeurs de l'exploitation d'un site de gisement, comme on le voit avec la destruction des forêts primaires au Canada ou au Brésil par exemple.
Par ailleurs, la mise en place des marchés de compensation (offset markets), comme cela existe aux États-Unis, est prévue par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages d'août 2016 et le plan biodiversité de 2018. Avec ce dispositif, il est donné la possibilité de détruire la biodiversité par des opérations d'aménagement à condition de la compenser par la création de zones nouvelles où la biodiversité sera préservée, donnant lieu à des droits pouvant être achetés et revendus sur un marché de compensation. Alors même que nous faisons face à des menaces sérieuses en matière d'environnement, nous nous contentons d'implorer le marché. Pensez-vous que la finance telle qu'elle existe aujourd'hui peut venir palier les troubles qu'elle contribue à créer ?
Ma deuxième question porte sur la distribution des dividendes. En pleine pandémie, les groupes du CAC 40, tout en bénéficiant d'aides publiques massives, s'apprêtent à verser plus de 51 milliards d'euros à leurs actionnaires, soit une hausse de 22% par rapport à l'année précédente et alors même que le résultat net du CAC s'est effondré de plus de 55 %. Globalement, le CAC 40 a réalisé des bénéfices cumulés de 37 milliards d'euros en 2020. Rapportés aux dividendes versés, cela signifie que les grands groupes ont versé à leurs actionnaires l'équivalent de 140 % de leurs profits annuels. Autrement dit, ils auraient versé 100 % de leur profit aux actionnaires et puisé dans leur trésorerie pour verser le reste. Les prêts garantis par l'État ont de manière détournée servi à financer une partie de ces dividendes. Un récent sondage montrait que 85 % des personnes interrogées souhaitaient taxer davantage les actionnaires les plus fortunés. Pensez-vous qu'une taxe sur les transactions financières pourrait être une solution pour financer la transition écologique de manière plus juste et équitable ?