Lorsque deux textes de valeur équivalente – tous les deux ont valeur constitutionnelle – sont contradictoires, la conciliation entre les deux est une mission impossible, et pourtant incontournable. Et c’est le juge qui en serait chargé. Plaignons-le ! Plaignons aussi le législateur, plaignons le Gouvernement, qui devra prendre des décrets, et les préfets, qui devront prendre des arrêtés ! Si des principes contradictoires coexistent dans la Loi fondamentale, le juge est obligé d’apporter des réponses débordant largement de la mission que la Constitution lui assigne.
Monsieur le garde des sceaux, la procédure suivie jusqu’à notre débat d’aujourd’hui m’a paru très étrange. Peut-être suis-je un peu vieux jeu, mais je suis profondément attaché à la démocratie. Et cet attachement se traduit par une très grande vigilance pour tout ce qui peut porter atteinte au principe de la légitimité démocratique.
J’ai beaucoup de respect pour le travail accompli par les 150 personnes concernées et pour la sincérité dont elles ont fait preuve. Leur désignation a été très complexe. Le tirage au sort, dont on parle souvent, n’a été que subsidiaire. L’élément principal a été l’application des méthodes des instituts de sondages pour tendre vers une représentativité. Je me suis curieusement dit qu’un sondage reposant sur l’avis de 150 personnes serait sanctionné par la commission des sondages pour son manque de représentativité…
Mais vous avez décidé que ces personnes réunies au Conseil économique, social et environnemental auraient une légitimité suffisante, si bien qu’avant même la remise de leurs conclusions, le Président de la République pouvait annoncer qu’il reprendrait « sans filtre » leurs propositions. Le Président de la République ne veut pas assumer le choix ; il reprend « sans filtre ». Le Gouvernement le suit ; il reprend « sans filtre ». La majorité parlementaire à l’Assemblée nationale ne filtre pas non plus. Mais qui va filtrer ?