… ont d’ailleurs fait des propositions en ce sens en commission pour mieux cibler notre APD et mieux définir l’action de l’Agence française de développement.
Ce texte prévoit ainsi la mise en place d’une chaîne de commandement et de responsabilité nettement réaffirmée, du plus haut niveau, avec le Conseil présidentiel du développement, qui s’est réuni pour la première fois en décembre dernier, jusque dans nos pays partenaires, où le rôle dévolu aux ambassadrices et ambassadeurs sera renforcé, dans le cadre d’un conseil local du développement qui rassemblera régulièrement, sous leur présidence, toutes celles et tous ceux qui contribuent à cette politique au quotidien, en lien direct avec les populations bénéficiaires.
Il convient de passer, bien sûr, par nos opérateurs, notamment par Expertise France que nous voulons enfin intégrer dans le groupe AFD en vue de réarmer notre pays sur le terrain de la coopération technique, en l’articulant mieux avec la gamme de tous nos outils financiers : dons, prêts, garanties, etc. Nous pourrons ainsi agir avec toute la palette de nos instruments.
Monsieur le président Cambon, pour répondre à votre préoccupation majeure, je précise qu’avec l’ensemble de ces changements il s’agit, en un mot, de remettre le développement sur ses pieds, car – disons-le – notre politique de développement n’en est pas vraiment une tant qu’elle semble menée par les instruments qu’il lui revient d’utiliser.
Je dois remercier le Sénat, qui a toujours fait preuve d’une grande vigilance sur ce point, notamment lors de l’examen des projets de loi de finances, afin qu’il n’y ait pas de confusion entre les objectifs politiques que nous visons et les moyens que nous mettons ensuite à disposition pour les atteindre.
Cette politique de développement solidaire, nous devons, dans la compétition des modèles qui fait rage aujourd’hui, la mettre au service d’une géopolitique des valeurs.
Ce tournant, je le revendique : je pense, en effet, que nous n’avons rien à gagner à laisser le champ libre à ceux qui confondent délibérément aide au développement et mise au pas des sociétés. Nous ne devons pas non plus laisser le champ libre à ceux qui font du clientélisme vaccinal un levier de puissance.
Si nous ne mettions pas à profit nos instruments de solidarité internationale pour proposer à nos partenaires du Sud une autre voie que celle de la dépendance, voire de la sujétion, nous commettrions une faute et une erreur.
Ce serait une véritable faute et un manquement aux valeurs que nous portons de les laisser pris au piège d’un tête-à-tête avec des puissances prédatrices prêtes à bafouer leur souveraineté.
Ce serait une très grave erreur – une erreur stratégique – de ne pas défendre, là où elles sont attaquées, les valeurs universelles qui font de l’horizon du développement durable, tel qu’il a été défini dans l’Agenda 2030 adopté par les Nations unies en 2015, un véritable horizon de progrès.
Un horizon qui, indissociablement, lie ensemble la lutte contre la pauvreté, le combat pour la planète, la mise en commun des savoirs et de la recherche scientifiques, les libertés fondamentales et les principes de l’État de droit et de la gouvernance démocratique.
À ce propos, je tiens à saluer l’amendement adopté sur l’initiative de l’Assemblée nationale qui permettra la création d’un dispositif de restitution des produits de cession des « biens mal acquis » et qui reprend une proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, dont je salue le travail sur ce sujet.
C’est un moyen très concret de lutter contre les ravages de la corruption et de la prévarication, qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de notre texte. Des précisions ont été apportées au cours de vos débats en commission ; je me félicite de ce travail constructif : il a permis de renforcer l’association des organisations de la société civile aux projets de développement financés par ce biais afin qu’ils bénéficient bel et bien aux populations concernées.
Aujourd’hui, nous en avons de tristes exemples chaque semaine, cet horizon humaniste, qui est l’essence même du développement, est remis en cause par de nouveaux acteurs sans scrupules, notamment en Afrique. C’est l’un des aspects de la brutalisation de la vie internationale.
Face à cet état de fait, notre intérêt – là aussi, de long terme – est de mobiliser les leviers de notre politique de développement solidaire, aux côtés de nos leviers d’action multilatéraux, pour faire vivre concrètement les valeurs que nous voulons voir au centre du monde de demain.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que davantage d’organisations internationales s’implantent en France. Ce projet de loi vise donc aussi à renforcer l’attractivité de notre pays, notamment en simplifiant et en accélérant l’octroi des privilèges et immunités, pour renforcer notre capacité d’influence. Ces deux mouvements sont complémentaires.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous m’avez entendu y faire allusion à plusieurs reprises, le texte qui vous est soumis aujourd’hui s’est enrichi au fil des échanges que j’ai eus, en février, avec vos collègues de l’Assemblée nationale.
Vous-mêmes, vous vous en êtes pleinement saisis dans le cadre de vos travaux en commission des affaires étrangères, mais également, monsieur Requier, en commission des finances. Je crois pouvoir dire que nous nous retrouvons sur de nombreuses propositions que vous avez souhaité intégrer.
Dans ce travail collectif, qui s’inscrivait dans le prolongement de plusieurs années de réflexion et de discussions extrêmement fructueuses menées avec la représentation nationale, sous l’égide de la regrettée Marielle de Sarnez et du président Cambon, et les organisations de la société civile, j’ai vu un très beau signal, confirmé par le vote du texte à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale.
Un signal à l’adresse de nos partenaires du Sud et de la communauté du développement, bien sûr, mais aussi, et même avant tout, un signal à l’égard des Françaises et des Français. À mes yeux, le consensus qu’ils ont vu se dessiner fait honneur à notre démocratie.
Il répond, de manière pragmatique, à la nécessité de regarder en face les bouleversements du monde, pour leur apporter des solutions efficaces avant qu’ils ne viennent percuter notre quotidien, comme l’a fait la crise pandémique.
Dans un monde également bouleversé, trop souvent, par une forme de perte de sens, il répond à notre volonté, que vous partagez – j’en suis certain –, de redonner un sens concret aux valeurs qui nous sont chères : la solidarité, le progrès, une certaine idée de l’humain et de sa dignité.
J’espère, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que vous aurez à cœur de travailler avec moi à renouveler, en le faisant vôtre, ce signal de responsabilité et de détermination.