La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Lors des scrutins publics n° 117 et 118 de la séance d’hier, ma collègue Catherine Procaccia souhaitait voter contre.
Acte est donné de votre mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (projet n° 404, texte de la commission n° 533, rapport n° 532, avis n° 529).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines, j’ai participé à Berlin à une rencontre de la Coalition pour le Sahel.
Il y a quelques jours, je me suis rendu en Inde, où j’ai eu des échanges nourris au sujet de la COP26 sur le climat, qui se tiendra l’automne prochain à Glasgow.
Mardi et mercredi derniers, je me trouvais à Londres, pour une réunion du G7.
Autant de rendez-vous internationaux qui m’ont permis de constater que le nouvel élan que nous sommes en train de donner à notre politique de développement solidaire, grâce au projet de loi qui nous rassemble aujourd’hui, est un nouvel élan pour l’ensemble de notre diplomatie.
La réponse à chacune des questions essentielles que j’ai abordées avec mes interlocuteurs de Berlin, de Delhi et de Londres passe, en effet, par le développement de la solidarité internationale.
C’est la clé pour rendre des perspectives d’avenir aux populations du Sahel après plus de huit années d’instabilité et de violence.
C’est la clé pour tenir les objectifs de l’accord de Paris et renforcer la résilience des pays les plus exposés aux premiers effets des dérèglements climatiques.
C’est la clé d’une relance durable, pour tirer tous les enseignements de la crise pandémique.
C’est pourquoi le texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui consacre notre politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales comme un pilier à part entière de notre politique étrangère.
C’est pourquoi il renforce et perfectionne les leviers d’action qui nous sont devenus indispensables pour faire face à la nouvelle donne internationale.
C’est pourquoi il constitue une étape décisive dans la refondation, au service des Françaises et des Français, d’une diplomatie des résultats, d’une diplomatie du XXIe siècle, d’une diplomatie des valeurs.
Une diplomatie des résultats, car, dans un monde d’interdépendances, la solidarité internationale est un impératif d’efficacité en même temps qu’une question de justice.
Aider les autres, c’est nous aider nous-mêmes. Je crois que chacun l’a bien compris depuis qu’une pandémie mondiale est brutalement entrée dans nos vies. Et c’est bien pour cela que nous travaillons depuis maintenant un an, avec ACT-A (Access to Covid-19 Tools Accelerator – accélérateur d’accès aux outils contre la covid-19) et Covax (collaborer pour un accès mondial et équitable aux vaccins contre le virus de la covid-19), à faire, très concrètement, des outils de lutte contre le virus de nouveaux biens publics mondiaux, accessibles partout sur la planète.
Depuis un an, j’y insiste.
Nous avons constamment été à l’initiative avec nos partenaires européens et avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Plus de 50 millions de doses de vaccins ont ainsi déjà été distribuées via Covax dans 121 pays, dont 72 pays en développement.
La France joue un rôle capital au sein d’ACT-A pour, d’une part, promouvoir les transferts de technologie et les partenariats industriels, et, d’autre part, distribuer des dons de doses de vaccins, comme elle a commencé à le faire à titre national en Mauritanie.
Il s’agit aussi pour la France de traiter de façon concrète et opérationnelle tous les goulots d’étranglement, singulièrement ceux de production, pour garantir la disponibilité des vaccins. Cela intègre, évidemment, les restrictions aux exportations ainsi que la levée des brevets.
La France n’a pas de tabou à ce sujet, mais il ne s’agit pas d’en faire « la recette miracle », comme cela a été trop rapidement et de façon parfois un peu simpliste mis en avant. L’urgence est bien la production.
Les évolutions portées par ce projet de loi nous sont aussi nécessaires pour bâtir une vraie diplomatie du XXIe siècle, ce siècle de défis communs.
Face au covid, face à l’urgence climatique, face aux migrations, tous les pays, toutes les sociétés civiles ont un rôle à jouer.
C’est dire que les solutions se trouvent aussi au Sud et que notre responsabilité est de veiller à ce qu’elles puissent y voir le jour.
Oui, il y va de notre responsabilité, car ces défis engagent l’avenir : l’avenir de notre pays, l’avenir des nouvelles générations, l’avenir de la planète que nous avons en partage.
Le développement solidaire, c’est enfin un instrument privilégié de la diplomatie des valeurs que nous voulons et devons mener aujourd’hui.
Car certains, vous le savez, sous couvert de solidarité, cherchent en réalité à imposer à nos partenaires les plus vulnérables des conditions et des contreparties qui ne sont pas compatibles avec les exigences de souveraineté et de respect des droits fondamentaux que nous portons pour nous-mêmes, mais aussi sur la scène internationale.
Notre intérêt – je le dis très clairement – n’est pas de voir ces exigences perdre du terrain dans la compétition des modèles lancée par les puissances autoritaires. Au contraire, notre intérêt est que ces exigences soient partagées par d’autres, à commencer par ceux des pays qui sont prioritaires dans notre aide publique au développement (APD). C’est aussi le sens de ce texte.
À la différence de la précédente loi sur le développement, celle de 2014, le présent texte fixe une trajectoire budgétaire.
Cette trajectoire nous permettra de concrétiser l’engagement du Président de la République de consacrer 0, 55 % de la richesse nationale à notre aide publique au développement d’ici à 2022.
Pour toutes les raisons que je viens de rappeler, nous avons fait le choix de garder le cap que nous nous étions fixé, en dépit des perturbations, notamment économiques, que nous traversons aujourd’hui, et ce contrairement à certains de nos voisins qui ont pris le chemin inverse.
Je suis fier de ce choix, qui montre que nous continuons à nous projeter dans le temps long, qui est le temps du développement et des changements en profondeur dont nos partenaires ont besoin. Paradoxalement, les urgences de la crise actuelle sont d’ailleurs venues, à leur façon, nous rappeler la nécessité d’une transformation inscrite dans la durée.
Il s’agit également d’un projet de loi d’ambition puisque son examen en première lecture à l’Assemblée nationale a permis de compléter l’article 1er, en prévoyant que la France s’efforcera, en 2025, de consacrer à l’aide publique au développement 0, 7 % de son revenu national brut, soit la cible fixée par les Nations unies. Cette formulation, qui recueillait l’accord du Gouvernement, a cependant été atténuée en commission, monsieur le président Cambon, et il conviendra donc, si vous le voulez bien, d’en discuter de nouveau.
Je sais, par ailleurs, qu’en commission vous avez demandé que nous soyons plus précis concernant la trajectoire budgétaire d’ici à 2025. Nous aurons bien sûr l’occasion d’y revenir au cours du débat. Mais je vous demande d’ores et déjà de prendre la mesure de ce que signifie ce premier pas. Après le vote de l’amendement auquel je fais référence, sur le taux de 0, 7 %, les organisations de la société civile ont salué un moment historique. De cela aussi, je suis très fier, d’autant plus fier que ce combat, comme vous le savez, n’était pas gagné d’avance.
Ces moyens renforcés doivent permettre de faire une vraie différence sur le terrain. C’est particulièrement important à mes yeux, et je sais que vous y tenez aussi.
Il s’agit donc non pas seulement de faire plus, mais aussi de faire mieux, afin d’obtenir des résultats tangibles que la représentation nationale pourra apprécier sur des bases objectives et détaillées, grâce à la création d’une commission d’évaluation indépendante rattachée à la Cour des comptes.
Cette commission sera chargée de mesurer l’impact concret des projets que nous soutenons et de se prononcer sur l’efficacité de notre aide publique au développement. Puisque des moyens accrus vont être consacrés au développement, il est légitime que nos concitoyens sachent à quoi ils serviront. Je crois que nous serons tous d’accord sur ce point et je sais que nous partageons ce même objectif.
Faire mieux, c’est d’abord clarifier nos priorités géographiques. Dans la continuité des décisions prises lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le Cicid, en 2018, nous proposons d’orienter notre aide en dons sur 19 pays prioritaires qui concentrent les fragilités : Haïti et 18 pays d’Afrique subsaharienne.
Je pense, en particulier, aux 5 pays du Sahel où nos efforts – j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a peu à cette tribune – s’inscrivent dans le cadre d’une approche globale et intégrée, qui articule engagement militaire, aux côtés des forces du G5 et de nos partenaires européens et internationaux, et soutien aux populations, sur tout l’arc de la solidarité internationale, qui va de l’humanitaire au développement, sans oublier l’étape cruciale de la stabilisation.
Depuis quelques années, les moyens affectés aux pays du Sahel sont en constante augmentation.
Entre 2016 et 2019, notre aide publique au développement en faveur des pays du G5 Sahel est passée de 382 millions d’euros à plus de 503 millions d’euros. Sa part bilatérale a progressé de 34 % par rapport à 2018. Elle s’élevait, en 2019, à 362 millions d’euros.
Pour ne citer que ces quelques exemples qui permettent de comprendre de quoi il retourne concrètement, nous avons récemment raccordé des foyers à l’électricité, permis la réalisation de barrages hydrauliques dans la région de Ménaka, maintenu 200 000 enfants nigériens à l’école primaire et réhabilité près de 2 000 classes au Mali.
Prises ensemble, ces avancées nous permettent de faire reculer durablement la menace terroriste au Sahel, qui est aussi – nous en sommes tous conscients – une menace pour la sécurité des Français et des Européens.
Faire mieux, c’est aussi clarifier nos priorités thématiques autour de nos biens communs – la santé, mais aussi le climat et la biodiversité –, autour de ces formidables leviers de développement que sont l’éducation et l’égalité entre les femmes et les hommes, et autour d’un objectif global de lutte contre les fragilités, qui sont des facteurs d’instabilité pour les sociétés, et donc des facteurs d’instabilité pour le monde entier.
Évidemment, ces sujets sont liés les uns aux autres. Faire mieux, c’est donc également veiller à les traiter comme un tout, pour répondre à la complexité des problèmes qui se posent sur le terrain et décupler l’efficacité de nos actions.
D’où l’attention que nous apportons à des questions comme celles de la scolarisation des filles ou encore des interactions entre santé humaine et santé animale, qui sont au confluent de nos différentes priorités.
D’où, pour ne prendre qu’un seul exemple, le soutien que nous apportons à la relance du projet de la « grande muraille verte » au Sahel, qui crée une dynamique vertueuse entre écologie et emploi des populations.
Faire plus, faire mieux, mais aussi faire avec : avec nos partenaires du Sud, et pas simplement pour eux. C’est aussi cela, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, une diplomatie du XXIe siècle.
C’est pourquoi nous proposons également un changement de méthode.
Nous voulons travailler autrement avec les pays du Sud, en particulier avec leurs sociétés civiles, pour bâtir et réaliser ensemble les projets dont les populations ont besoin.
Nous voulons mieux valoriser le rôle des ONG françaises, auxquelles nous proposons de reconnaître un droit d’initiative.
Nous voulons encourager la coopération décentralisée, qui permet à nos communes, à nos départements et à nos régions de partager leur expertise et leur expérience avec les collectivités locales des pays en développement.
Nous voulons réinventer le volontariat de solidarité internationale en ouvrant ce dispositif emblématique à la jeunesse du Sud, qui pourra venir prêter main-forte à nos associations, ici, en France.
Nous voulons mettre à contribution les diasporas africaines en France, qui sont des relais précieux entre la France et le continent africain.
Dire que le développement est un pilier de notre politique étrangère a des conséquences très concrètes. Cela signifie que le pilotage par l’État de notre action dans ce domaine doit être renforcé et que cette action doit répondre à des impératifs stratégiques. Cette volonté, nous la partageons ensemble ; nous avons eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises lors de nos débats sur les projets de loi de finances successifs.
Les rapporteurs, MM. Saury et Temal, dont je salue l’investissement sur ce texte et la qualité de leurs travaux, …
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Pas mal non plus !
Sourires.
… ont d’ailleurs fait des propositions en ce sens en commission pour mieux cibler notre APD et mieux définir l’action de l’Agence française de développement.
Ce texte prévoit ainsi la mise en place d’une chaîne de commandement et de responsabilité nettement réaffirmée, du plus haut niveau, avec le Conseil présidentiel du développement, qui s’est réuni pour la première fois en décembre dernier, jusque dans nos pays partenaires, où le rôle dévolu aux ambassadrices et ambassadeurs sera renforcé, dans le cadre d’un conseil local du développement qui rassemblera régulièrement, sous leur présidence, toutes celles et tous ceux qui contribuent à cette politique au quotidien, en lien direct avec les populations bénéficiaires.
Il convient de passer, bien sûr, par nos opérateurs, notamment par Expertise France que nous voulons enfin intégrer dans le groupe AFD en vue de réarmer notre pays sur le terrain de la coopération technique, en l’articulant mieux avec la gamme de tous nos outils financiers : dons, prêts, garanties, etc. Nous pourrons ainsi agir avec toute la palette de nos instruments.
Monsieur le président Cambon, pour répondre à votre préoccupation majeure, je précise qu’avec l’ensemble de ces changements il s’agit, en un mot, de remettre le développement sur ses pieds, car – disons-le – notre politique de développement n’en est pas vraiment une tant qu’elle semble menée par les instruments qu’il lui revient d’utiliser.
Je dois remercier le Sénat, qui a toujours fait preuve d’une grande vigilance sur ce point, notamment lors de l’examen des projets de loi de finances, afin qu’il n’y ait pas de confusion entre les objectifs politiques que nous visons et les moyens que nous mettons ensuite à disposition pour les atteindre.
Cette politique de développement solidaire, nous devons, dans la compétition des modèles qui fait rage aujourd’hui, la mettre au service d’une géopolitique des valeurs.
Ce tournant, je le revendique : je pense, en effet, que nous n’avons rien à gagner à laisser le champ libre à ceux qui confondent délibérément aide au développement et mise au pas des sociétés. Nous ne devons pas non plus laisser le champ libre à ceux qui font du clientélisme vaccinal un levier de puissance.
Si nous ne mettions pas à profit nos instruments de solidarité internationale pour proposer à nos partenaires du Sud une autre voie que celle de la dépendance, voire de la sujétion, nous commettrions une faute et une erreur.
Ce serait une véritable faute et un manquement aux valeurs que nous portons de les laisser pris au piège d’un tête-à-tête avec des puissances prédatrices prêtes à bafouer leur souveraineté.
Ce serait une très grave erreur – une erreur stratégique – de ne pas défendre, là où elles sont attaquées, les valeurs universelles qui font de l’horizon du développement durable, tel qu’il a été défini dans l’Agenda 2030 adopté par les Nations unies en 2015, un véritable horizon de progrès.
Un horizon qui, indissociablement, lie ensemble la lutte contre la pauvreté, le combat pour la planète, la mise en commun des savoirs et de la recherche scientifiques, les libertés fondamentales et les principes de l’État de droit et de la gouvernance démocratique.
À ce propos, je tiens à saluer l’amendement adopté sur l’initiative de l’Assemblée nationale qui permettra la création d’un dispositif de restitution des produits de cession des « biens mal acquis » et qui reprend une proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, dont je salue le travail sur ce sujet.
C’est un moyen très concret de lutter contre les ravages de la corruption et de la prévarication, qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de notre texte. Des précisions ont été apportées au cours de vos débats en commission ; je me félicite de ce travail constructif : il a permis de renforcer l’association des organisations de la société civile aux projets de développement financés par ce biais afin qu’ils bénéficient bel et bien aux populations concernées.
Aujourd’hui, nous en avons de tristes exemples chaque semaine, cet horizon humaniste, qui est l’essence même du développement, est remis en cause par de nouveaux acteurs sans scrupules, notamment en Afrique. C’est l’un des aspects de la brutalisation de la vie internationale.
Face à cet état de fait, notre intérêt – là aussi, de long terme – est de mobiliser les leviers de notre politique de développement solidaire, aux côtés de nos leviers d’action multilatéraux, pour faire vivre concrètement les valeurs que nous voulons voir au centre du monde de demain.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que davantage d’organisations internationales s’implantent en France. Ce projet de loi vise donc aussi à renforcer l’attractivité de notre pays, notamment en simplifiant et en accélérant l’octroi des privilèges et immunités, pour renforcer notre capacité d’influence. Ces deux mouvements sont complémentaires.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous m’avez entendu y faire allusion à plusieurs reprises, le texte qui vous est soumis aujourd’hui s’est enrichi au fil des échanges que j’ai eus, en février, avec vos collègues de l’Assemblée nationale.
Vous-mêmes, vous vous en êtes pleinement saisis dans le cadre de vos travaux en commission des affaires étrangères, mais également, monsieur Requier, en commission des finances. Je crois pouvoir dire que nous nous retrouvons sur de nombreuses propositions que vous avez souhaité intégrer.
Dans ce travail collectif, qui s’inscrivait dans le prolongement de plusieurs années de réflexion et de discussions extrêmement fructueuses menées avec la représentation nationale, sous l’égide de la regrettée Marielle de Sarnez et du président Cambon, et les organisations de la société civile, j’ai vu un très beau signal, confirmé par le vote du texte à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale.
Un signal à l’adresse de nos partenaires du Sud et de la communauté du développement, bien sûr, mais aussi, et même avant tout, un signal à l’égard des Françaises et des Français. À mes yeux, le consensus qu’ils ont vu se dessiner fait honneur à notre démocratie.
Il répond, de manière pragmatique, à la nécessité de regarder en face les bouleversements du monde, pour leur apporter des solutions efficaces avant qu’ils ne viennent percuter notre quotidien, comme l’a fait la crise pandémique.
Dans un monde également bouleversé, trop souvent, par une forme de perte de sens, il répond à notre volonté, que vous partagez – j’en suis certain –, de redonner un sens concret aux valeurs qui nous sont chères : la solidarité, le progrès, une certaine idée de l’humain et de sa dignité.
J’espère, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que vous aurez à cœur de travailler avec moi à renouveler, en le faisant vôtre, ce signal de responsabilité et de détermination.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est aujourd’hui une satisfaction de pouvoir débattre de ce projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, que nous attendions depuis plus de deux années. Notre commission suit depuis longtemps cette politique avec beaucoup d’attention, car les enjeux en sont essentiels. En particulier, ni la France ni l’Europe ne peuvent se désintéresser de la situation du continent africain, notre voisin.
Le texte transmis au Sénat comporte, monsieur le ministre, de nombreuses avancées. Notre commission s’est toutefois efforcée de l’améliorer sur plusieurs points.
D’abord, ce projet de loi dit « de programmation » ne couvre en réalité que l’année 2022. Cela nous a paru insatisfaisant et nous nous sommes efforcés d’y remédier.
Certes, les incertitudes de la situation économique rendent l’exercice délicat. Nous sommes partis des prévisions du FMI (Fonds monétaire international), pour dessiner une trajectoire avec des marches annuelles d’environ 800 millions d’euros.
Parallèlement, nous avons prévu un rendez-vous en 2023, pour réviser cette évolution en fonction de la conjoncture et, éventuellement, remettre au premier plan les 0, 7 % du RNB (revenu national brut). Nous pourrons toutefois débattre de la forme exacte de cette programmation, notamment à l’occasion d’un amendement qui sera présenté par le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Par ailleurs, le volume de nos engagements financiers ne doit pas constituer l’alpha et l’oméga de cette politique de développement solidaire. Le choix des pays vers lesquels nous orientons nos financements, la nature des projets financés, la manière même dont nous les finançons sont tout aussi importants. Ainsi, seulement 18 % de notre aide dite « pays programmable » va vers les pays les moins avancés, quand la plupart de nos partenaires sont à 30 % ou à 40 %.
Nous avons par ailleurs la deuxième plus faible part de dons et de dépenses bilatérales de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Sur ces points essentiels, le texte initial ne faisait que reconduire des objectifs qui datent de 2013. Notre commission a adopté des amendements pour remédier à cette situation de manière progressive. Ils permettront de recentrer notre aide au développement sur les pays qui en ont le plus besoin ainsi que sur les services essentiels : éducation, santé, agriculture et alimentation. Car notre aide au développement s’est parfois un peu égarée en s’efforçant de maximiser les volumes de prêts, le plus souvent à taux de marché, au bénéfice des pays émergents.
Si les apports de notre commission peuvent conduire à stabiliser, voire à freiner un peu l’activité bancaire de l’AFD (Agence française de développement) au profit de sa gestion des dons, nous l’assumons. Il s’agit aussi de redonner du sens à cette politique et de la rendre plus lisible pour nos concitoyens.
Troisième sujet, traité selon nous de manière incomplète par le projet de loi : la question du pilotage et de la gouvernance de cette politique.
La Cour des comptes, dans son rapport de 2020 sur les opérateurs de l’action extérieure de l’État, en a souligné la complexité actuelle. Les instances de direction, de concertation et de consultation sont nombreuses, leurs missions enchevêtrées. Les dispositions qui figurent au sein du cadre de partenariat global annexé n’apportent pas de simplification majeure dans ce domaine. Notre commission a donc adopté des modifications afin de réaffirmer le rôle prééminent du ministre chargé du développement.
Nous saluons cependant la création d’un conseil local du développement, placé auprès de l’ambassadeur. Il contribuera à l’un des impératifs que nous souhaitons particulièrement souligner : celui d’un meilleur alignement de notre politique de développement solidaire, non seulement avec les orientations de la diplomatie française, mais aussi avec nos autres politiques publiques. Car l’aide au développement ne doit pas être coupée de nos propres réalités.
L’« Équipe France » doit promouvoir de manière cohérente nos objectifs de solidarité avec ceux qui sont les nôtres en matière de développement économique, de sécurité globale ou encore de rayonnement de la langue française au travers du soutien à son apprentissage.
Autre apport majeur du texte, la création d’une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire. Il s’agit là d’une de nos préconisations de longue date.
Le nouvel organisme, inspiré de la commission d’évaluation britannique, possédera à la fois l’indépendance et l’expertise technique.
Il fournira ainsi au Gouvernement, mais aussi au Parlement, les éléments pour instaurer un véritable « pilotage par les résultats ».
Nous avons souhaité mieux définir la composition de ce nouvel organisme, en entérinant son placement auprès de la Cour des comptes, gage d’indépendance, mais aussi en prévoyant la présence de deux parlementaires de chaque assemblée en son sein. En outre, nous avons précisé le pouvoir de saisine des assemblées et le délai de réponse de la commission.
Sous réserve de ces modifications, le présent projet de loi nous semble constituer un cadre pertinent pour cette politique de développement solidaire, dont la pandémie actuelle nous rappelle, s’il en était besoin, l’absolue nécessité. Les apports issus des nombreux amendements déposés permettront sans nul doute d’aller plus loin et d’améliorer encore le texte.
Applaudissements sur les travées des groupe s Les Républicains et RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Jean-Pierre Sueur et Olivier Cigolotti applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à saluer votre travail : la première loi de programmation sur le sujet, adoptée en 2014, est arrivée à bon port en 2019, puis il a fallu batailler pour que le présent projet de loi soit présenté aujourd’hui.
Il convient de rappeler que la politique que nous menons compte dans la stratégie internationale de la France. Il importe que nous ayons ce débat plus fréquemment, d’autant que quelques mois nous séparent de l’élection présentielle.
Il faut le rappeler aux Français, nous devons éviter quelques écueils, au moment où certaines et certains souhaitent extraire la France des affaires du monde et de l’Europe. Au nom de notre histoire et de l’avenir commun qui nous lie à de nombreux pays, il est important que nous menions au XXIe siècle une politique d’aide, de développement et de coopération. Dans ce contexte, je tenais à saluer l’exercice de transparence qui a été réalisé.
Mon collègue rapporteur vient de le dire, nous avons fait en sorte, collectivement, d’améliorer le texte qui nous a été soumis.
Pour ce qui concerne le « narratif », nous avons souhaité, au premier article, apporter davantage de clarté et hiérarchiser trois axes essentiels : d’abord, l’aide au développement « classique », qui vise à lutter contre la pauvreté en fournissant des services essentiels ; ensuite, la défense des droits humains et la bonne gouvernance ; enfin, la préservation des « biens publics mondiaux », comme le climat.
Nous avons également travaillé sur la trajectoire budgétaire.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, l’un des apports de ce projet de loi par rapport au texte présenté lors du précédent quinquennat était précisément cette trajectoire.
Nous avons essayé d’aller plus loin et de vous aider, dans la mesure où le projet de loi était dépourvu de chiffres. Notre commission ainsi que celle des finances en ont donc inscrit dans le texte. Le sens même d’une loi de programmation est en effet de présenter des éléments chiffrés. Il était, je crois, important de le faire.
Nous avons ainsi travaillé sur la taxe sur les transactions financières (TTF), qui a été créée pour l’aide au développement et qui rapporte 1, 7 milliard d’euros, mais dont seuls 30 % du produit sont dévolus à cette aide. La commission des affaires étrangères, notamment Hugues Saury et moi-même, a voulu que ce taux passe de 30 % à 60 %.
Un énorme travail a été mené sur l’AFD. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, les engagements de cette agence sont passés de 6 milliards d’euros en 2009 à 14 milliards en 2019. La progression est forte. Il nous a semblé que la stratégie suivie avait atteint ses limites : nous faisons la « politique de notre instrument », l’AFD, au lieu d’avoir les instruments de notre politique.
M. Rachid Temal, rapporteur. Je reprends vos mots, monsieur le ministre !
Sourires.
La commission a voulu clarifier les missions de l’AFD. À titre personnel, j’aurais aimé aller beaucoup plus loin, notamment sur la question des dons et des prêts, qui fait l’objet d’un débat ancien. Le groupe AFD comprenant désormais plusieurs entités – je pense notamment à l’apport d’Expertise France –, il me semble que nous aurions dû séparer ses activités de dons de celles de prêt. L’AFD accorde, certes, des prêts mais son premier métier devrait être les dons. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Nous nous sommes, par ailleurs, efforcés de renforcer la cohérence du pilotage de l’AFD, point qui nous paraissait essentiel.
Actuellement, l’AFD est soumise à plus d’une centaine d’objectifs différents, fixés par les ministres de tutelle, par le Cicid et son secrétariat, par le Président de la République ou le Premier ministre. La commission a donc prévu la fixation d’un nombre limité d’objectifs figurant au sein du contrat d’objectifs et de moyens (COM), présenté au Parlement avant sa signature. Ce COM rénové permettra un meilleur exercice de la tutelle ministérielle.
Dans le cadre de la fusion d’Expertise France et de l’AFD, nous avons souhaité sauvegarder la notion de service public et veillé à ce que cette fusion ne nuise pas aux missions importantes d’Expertise France et à ses relations avec les ministères.
Nous avons enfin adopté en commission de nombreuses améliorations issues de tous les bords politiques. Je citerai le dispositif relatif à la restitution des biens mal acquis, auquel notre collègue Jean-Pierre Sueur, que je salue, a donné la première impulsion, ou encore l’augmentation des moyens transitant par les organisations non gouvernementales (ONG) ou les précisions apportées sur le respect des objectifs en matière de santé. Nous pouvons être fiers du travail qui a été accompli.
Il nous reste à débattre de ce texte. J’émets le vœu que l’apport de la Haute Assemblée, qui fait souvent preuve de sagesse et de hauteur de vue, soit respecté, soit maintenu à l’issue des échanges que nous aurons avec nos collègues députés.
Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur des travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis non pas de l’ensemble du texte, mais seulement des dispositions relevant de son champ de compétences, à savoir les articles 1er, 2, 4, 7, 8, 9, 11 et 13.
Annoncé depuis 2018, ce projet de loi constitue un rendez-vous législatif très attendu, bien que repoussé à de nombreuses reprises. Michel Canévet et moi-même, en tant que corapporteurs spéciaux de ce budget pour la commission des finances, l’avions même désigné comme « l’Arlésienne » lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.
Tout d’abord, je tiens à rappeler le constat unanime selon lequel l’intérêt budgétaire de ce texte est très limité. En effet, la trajectoire financière proposée par l’article 1er se contente essentiellement d’entériner les moyens déjà validés par le Parlement.
Ainsi, l’évolution pluriannuelle des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » prévue par le texte transmis au Sénat commence en 2020 et s’achève en 2022. Cette disposition s’apparente à une transmission avec quelques mois d’avance du projet de loi de finances pour 2022. Aucun des arguments avancés ne justifie cette lacune du texte, d’autant que nous avons adopté récemment la loi de programmation pour la recherche, qui prévoit une trajectoire jusqu’en 2030, ou encore un programme de stabilité jusqu’en 2027.
Afin que nous examinions une réelle « loi de programmation », nos deux commissions ont proposé de prolonger la trajectoire des crédits de la mission jusqu’en 2025, en prévoyant une clause de revoyure à mi-parcours. La commission des finances a souhaité proposer une trajectoire visant un double objectif : d’une part, consolider la progression de notre aide publique au développement (APD) pour éviter un nouveau décrochage avec les autres pays développés ; d’autre part, prévoir une trajectoire crédible et soutenable, compte tenu des contraintes pesant sur nos finances publiques actuellement.
Mes chers collègues, je sais que plusieurs autres amendements, tendant à prévoir des hausses plus importantes, ont été déposés. De mon côté, je reste très attaché à l’objectif d’une préservation des moyens de l’APD, mais aussi à la sincérité de la programmation de nos finances publiques.
Je vous proposerai, au nom de la commission des finances, un amendement en ce sens, visant à prévoir une hausse annuelle des crédits de 500 millions d’euros après 2022.
Initialement, la commission des affaires étrangères a adopté une position différente lors de l’examen du texte. Toutefois, je crois sincèrement qu’un compromis est possible sur ce sujet, et je remercie les rapporteurs des affaires étrangères, nos collègues Hugues Saury et Rachid Temal, pour le dialogue constructif que nous avons eu, afin de bâtir une position commune.
Par ailleurs, le texte adopté par la commission des affaires étrangères intègre déjà plusieurs amendements sur l’initiative de la commission des finances.
Outre des amendements visant à améliorer la rédaction du texte, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement visant à préciser les modalités de restitution des biens mal acquis. Je remercie à ce titre notre collègue Jean-Pierre Sueur pour les travaux menés sur ce sujet.
La commission a également adopté un amendement prévoyant d’avancer la date de remise du rapport annuel, afin que nous puissions disposer de ces informations lors de l’examen de la loi de règlement. Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères et moi-même avons également proposé des amendements identiques visant à mettre les dispositions du texte relatives à la nomination des parlementaires au sein des conseils d’administration de l’AFD, d’Expertise France et du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) en cohérence avec la loi de 2018 sur le sujet.
La commission des affaires étrangères a également adopté l’amendement de la commission des finances visant à étoffer l’information du Parlement sur le besoin pluriannuel en fonds propres de l’AFD. En effet, nous devrions être prochainement amenés à nous prononcer sur la question, compte tenu du fait que la recapitalisation prévue par la dernière loi de finances pourrait se révéler insuffisante pour couvrir les besoins en fonds propres de l’Agence dans les prochaines années.
Enfin, la commission des affaires étrangères a adopté sur notre initiative un amendement tendant à recentrer les missions de la commission d’évaluation indépendante sur les aides et projets concrets de l’aide publique au développement. Il s’agit de bien séparer sa mission de celle qui est dévolue au Parlement par la Constitution en matière d’évaluation des politiques publiques.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, outre la proposition portant sur la trajectoire, et d’autres amendements rédactionnels ou de coordination, la commission des finances a décidé de vous soumettre deux autres amendements complémentaires. Ils portent respectivement sur la trajectoire des moyens humains de l’État dédiés à la politique de développement et sur la possibilité de débattre en séance publique du rapport annuel prévu à l’article 2.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, sur des travées des groupes RDPI et SER, ainsi qu ’ au banc des commissions. – MM. Pascal Allizard et Antoine Lefèvre applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « 25 ans après la Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes à Pékin : où en sont les droits des femmes ? » : telle est la question que se posait la délégation aux droits des femmes, il y a un peu plus d’un an, le 5 mars 2020, à l’occasion d’un colloque organisé pour le vingt-cinquième anniversaire de la Conférence mondiale de Pékin.
Si le constat que nous dressions à l’époque était déjà pessimiste sur la réalité de l’avancée des droits des femmes dans certains pays, nous étions encore loin du compte.
En effet, la pandémie de covid-19 a exacerbé, à travers le monde, les inégalités et les violences de genre déjà à l’œuvre avant le début de cette crise sanitaire, économique et sociale. Ainsi, ONU Femmes estime qu’elle pourrait avoir effacé, en une année seulement, les vingt-cinq ans de progrès réalisés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes depuis la Conférence mondiale de Pékin.
Quelques chiffres me semblent assez marquants pour illustrer le chemin qu’il reste à parcourir : les femmes gagnent encore 20 % de moins que les hommes et elles représentent 70 % des 1, 2 milliard de personnes vivant avec moins de un dollar par jour ; deux tiers des adultes analphabètes sont des femmes et, encore aujourd’hui, plus de 130 millions de filles âgées de 6 à 17 ans ne vont pas à l’école ; des millions de filles et de femmes sont victimes de violences, de mariages forcés, de mutilations génitales et chaque trimestre de confinement, à l’échelle internationale, engendrerait 15 millions de cas supplémentaires de femmes et de filles exposées aux violences basées sur le genre.
Notre délégation travaille depuis de nombreuses années sur les droits des femmes et des filles dans le monde. Tous nos travaux nous ont confortés dans cette conviction : l’égalité des sexes et l’autonomisation économique et sociale des femmes constituent le socle essentiel d’un développement durable dans tous les pays en voie de développement.
C’est pourquoi il nous paraît essentiel, aujourd’hui, d’orienter au mieux le financement de l’aide publique au développement vers des projets favorables au renforcement des droits des femmes et à l’égalité de genre. En la matière, la France soutient de longue date les engagements internationaux conclus, dans le cadre de l’ONU notamment, en faveur des droits des femmes, engagements qu’elle défend à l’échelle internationale dans ses relations bilatérales comme dans les enceintes multilatérales.
À cet égard, je citerai l’Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par les 193 membres de l’ONU en 2015, qui fixe 17 objectifs de développement durable (ODD), parmi lesquels l’ODD 5 qui vise à « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».
La France souscrit également aux critères de marquage « genre » des projets de développement, définis par le Comité d’aide au développement de l’OCDE.
D’importantes avancées sont intervenues récemment pour mieux orienter les financements de la politique de développement vers des projets favorables à l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour autant, nous devons rester vigilants sur la mise en œuvre de cette politique comme sur les moyens, humains et financiers, qui lui sont alloués.
C’est dans ce contexte qu’intervient l’examen par notre assemblée du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Du point de vue de l’intégration du genre comme priorité de la solidarité internationale, on peut se féliciter du travail accompli par nos collègues députés lors de l’examen du texte. Ils ont en effet inséré dans le projet de loi un nouvel article 1er A, qui inscrit directement dans la loi les grands objectifs de la politique de développement.
Cet article précise notamment que, dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectif transversal la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans son rapport intitulé L ’ égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale, adopté la semaine dernière, la délégation aux droits des femmes a formulé neuf recommandations permettant de mieux intégrer l’égalité de genre au sein de notre politique d’aide publique au développement, de sa conception à sa mise en œuvre sur le terrain. Nous estimons que, si ces recommandations sont appliquées, elles permettront à la France de se donner les moyens de ses ambitions en matière de diplomatie féministe. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
Mme Claudine Lepage. En cette période de crise mondiale sans précédent, nous nous devons de protéger encore davantage toutes les femmes et les filles victimes d’inégalités et de violences à travers le monde.
Applaudissements sur les travées des groupe s SER, GEST et RDSE, sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un projet de loi très attendu, qui prend une résonance toute particulière avec la crise liée à la pandémie de covid.
Cette crise frappe plus durement les pays pauvres et fragiles. Elle rend plus difficile l’atteinte des 17 ODD, qui ont été fixés par le programme de développement durable à l’horizon 2030. Les progrès accomplis ces dernières décennies en matière de lutte contre la pauvreté, de santé et d’éducation sont dangereusement remis en cause.
Face à ce constat alarmant, le secrétaire général de l’ONU a appelé à « un surcroît d’ambition et de mobilisation » pour atteindre les ODD d’ici à 2030. C’est exactement ce que nous faisons ! Un surcroît d’ambition et de mobilisation est d’autant plus nécessaire qu’un retard dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 avait été constaté.
Avec le texte ambitieux dont nous sommes saisis, la France est en capacité de répondre à cet appel. Elle est plus que jamais mobilisée pour lutter contre la pauvreté et les inégalités mondiales.
Notre pays est par ailleurs pleinement mobilisé pour aider l’Afrique à sortir de la pauvreté, ce qui est l’une de nos priorités, en concentrant les moyens de l’APD sur 19 pays prioritaires, dont 18 pays d’Afrique subsaharienne et en particulier 5 du Sahel. Aussi le Président de la République pourra-t-il faire des annonces lors du Sommet sur le financement des économies d’Afrique subsaharienne prévu le 18 mai prochain.
L’adoption unanime du projet de loi à l’Assemblée nationale témoigne du caractère consensuel de la réforme proposée par le Gouvernement. Je me félicite de l’état d’esprit constructif dans lequel notre commission a mené ses travaux, de façon convaincante et à vive allure. Je suis convaincu qu’un même état d’esprit nous animera d’ici à la fin de la discussion du texte en séance publique. Je remercie le président Cambon, les rapporteurs et tous les collègues qui ont bien voulu travailler avec nous.
Pour ce qui concerne la programmation financière, il reste quelques divergences. Je regrette que notre commission ait réduit l’ambition du texte adopté par l’Assemblée nationale
M. Rachid Temal, rapporteur, le conteste.
Par ailleurs, tout en me réjouissant de la volonté de nos rapporteurs de consacrer à l’APD 60 % du produit de la TTF, je m’interroge sur l’opportunité d’abonder un instrument extrabudgétaire, le fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui échappe au contrôle du Parlement et a longtemps servi à compenser la baisse des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
S’agissant de la commission indépendante d’évaluation, le groupe RDPI a déposé plusieurs amendements visant à assurer le caractère indépendant de la future instance.
Lors de l’examen de l’article 9, nous devrons notamment répondre à trois questions.
Premièrement, des parlementaires doivent-ils siéger au sein de la commission, sachant que l’Assemblée nationale et le Sénat disposent de leur propre capacité d’évaluation et qu’ils seront destinataires des rapports ?
Deuxièmement, les personnalités qualifiées doivent-elles être désignées par le Gouvernement, qui assure le pilotage de la politique d’APD ?
Troisièmement, quel rôle la Cour des comptes et son premier président doivent-ils jouer ?
Nous devrons en outre veiller à ce que la commission puisse se pencher sur la question du détournement de l’APD. Ce phénomène est difficile à évaluer. La Banque mondiale s’y est récemment essayée. En ce qui concerne les 22 pays les plus dépendants de son aide, elle estime à au moins 5 % la part des flux détournés vers des paradis fiscaux.
Cela m’amène à évoquer la question des biens dits « mal acquis ». Le procès en appel de l’oncle de Bachar el-Assad pour blanchiment de détournement de fonds publics montre, s’il en était encore besoin, combien il est nécessaire de créer un dispositif permettant la restitution, au plus près des populations des États concernés.
Pas moins de 500 millions d’euros de biens et de valeurs auraient été saisis en France ces dernières années. Le dispositif prévu à l’article 1er s’inspire très largement de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, que je tiens à saluer et que nous avons suivi au travers de la rédaction de nos amendements.
Une autre avancée majeure est l’intégration, réclamée de longue date, d’Expertise France. Afin de garantir le succès de cette réforme, une attention particulière devra être accordée aux conditions d’emploi des salariés d’Expertise France. Il faudra trouver une solution pour faciliter la mobilité intragroupe.
J’espère que nous débats permettront d’améliorer ce texte, qui est d’ores et déjà très bon, afin que le groupe RDPI – et peut-être aussi tous les groupes – puisse le voter.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est peu de dire que nous attendions, sous le sceau de l’urgence, ce projet de loi de programmation pour l’aide publique au développement (APD).
Face à l’ampleur des inégalités sociales et économiques mondiales, face aux déstabilisations qu’elles entraînent dans nombre d’États et de régions du monde, face à la pandémie aujourd’hui, au danger climatique, aux crises de plus en plus nombreuses, le développement solidaire de l’humanité n’est plus une option : c’est devenu la condition première de la sécurité humaine collective.
Le droit à un développement humain digne est le premier des biens communs à promouvoir. Nous en sommes loin ! La France doit changer d’échelle en matière d’APD et redéfinir le contenu de son aide.
Les objectifs justement rappelés, via un ajout de l’Assemblée nationale, en tête du projet de loi – éradication de la pauvreté, lutte contre les inégalités, promotion des droits humains, de l’éducation et de la santé, des droits des femmes, protection des biens publics mondiaux –, doivent guider toute notre action et non une logique d’influence au service d’une puissance réservée à un petit club de nations les plus riches et de quelques grands groupes privés.
C’est au service du développement de tous les peuples que le rayonnement de la France peut prendre du sens, et non au service d’une logique de concurrence et de puissance de plus en plus contestée et contestable.
Le débat sur la levée des brevets des vaccins illustre parfaitement ces deux logiques.
Considérer d’abord l’APD à l’aune, comme vous l’avez déclaré, monsieur le ministre, des « bénéfices à en attendre pour notre pays », ce serait continuer à rater la cible d’une politique solidaire internationale à la hauteur.
À son arrivée au Sénat, ce texte n’avait de programmation que le nom. La commission a faiblement corrigé cela avec la programmation des crédits budgétaires jusqu’en 2025.
Nous proposons une autre ambition : premièrement, en inscrivant enfin et clairement dans la loi l’objectif contraignant des 0, 7 %, auquel la France se dérobe depuis des années ; deuxièmement, en fixant les objectifs chiffrés qui vont avec car, nous le savons, les taux ne suffisent pas ; troisièmement, en pérennisant cette ambition jusqu’en 2030. Membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la France ne peut pas décemment continuer à tourner le dos à ces objectifs fixés par l’Assemblée générale des Nations unies en 1971 !
Monsieur le ministre, l’argument, avancé pour se dérober, des incertitudes budgétaires ou politiques en vue des échéances de 2022 n’en est pas un. Au contraire ! La pandémie et ses terribles conséquences appellent un engagement massif contre les inégalités mondiales, pour le développement et la sécurité de tous. C’est le moment de garantir dans la durée une véritable ambition. Sans cela, le tournant dont vous parlez ne sera que belles paroles.
Pour financer cette ambition, il faut non seulement garantir nos choix budgétaires, mais nous vous proposerons également d’augmenter l’assiette, le rendement et l’affectation de la taxe sur les transactions financières. Car la financiarisation délirante du monde capitaliste, à l’origine du krach mondial de 2008, est une indécence chaque jour lancée à la face des plus pauvres de la planète.
Garantir une nouvelle ambition, c’est aussi réorienter notre aide en profondeur : priorité aux pays les moins avancés (PMA), aux services sociaux de base, à l’émancipation des femmes, aux dons et non aux prêts. Ces objectifs doivent être gravés dans le marbre avec des cibles chiffrées.
Enfin, et j’ai envie de dire qu’il s’agit en fait de l’essentiel, il convient de changer en profondeur la philosophie de notre aide, pour la tourner résolument vers la construction des bases solides d’un développement propre des pays destinataires et la dégager de toutes les logiques de pillage qui persistent encore largement.
Nos amendements iront dans ce sens, pour ce qui concerne les instruments du secteur privé (ISP) et les contrats de désendettement, lesquels doivent être mis en cause et sortis des comptes de l’APD, car ils maintiennent les pays concernés dans la dépendance financière au lieu de les en dégager.
Nous devons également consacrer des fonds importants à la construction de recettes fiscales pérennes et solides pour les pays bénéficiaires, comme le FMI commence même à le prôner.
Enfin, la cohérence de toutes nos politiques doit être recherchée. Car à quoi sert d’aider d’une main si nous prenons de l’autre autant, et trop souvent plus ?
Accords commerciaux et libre-échange, lutte contre le changement climatique, conventions fiscales, relations monétaires, conditions d’engagements léonines des grands groupes français… : tout doit être réexaminé si nous voulons que la cohérence en faveur du développement entre dans la réalité. Nous proposons à cette fin qu’un rapporteur spécial suive dans chaque assemblée du Parlement la mise en œuvre de cette cohérence transversale.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons, avec des suggestions d’amélioration, l’instauration d’un rapport et d’un débat annuel ainsi que la création d’une commission indépendante d’évaluation.
Nous proposons également de renforcer le suivi citoyen des projets d’APD et de contrat de désendettement et de développement (C2D).
M. Pierre Laurent. En l’état, nous nous apprêtons à nous abstenir sur ce texte, mais nous ne désespérons pas d’obtenir lors du débat des progrès significatifs.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Ce texte, très attendu, est notamment la concrétisation de l’engagement du Président de la République, pris au début de son mandat et rappelé lors de son discours à l’université de Ouagadougou, que 0, 55 % du RNB de notre pays soient consacrés en 2020 aux politiques d’aide publique au développement.
Depuis lors, la pandémie du covid-19 a bouleversé les équilibres mondiaux et redistribué les enjeux des politiques d’APD. Elle a exacerbé des inégalités déjà existantes et en a créé de nouvelles.
Au-delà de la crise sanitaire mondiale que nous traversons, le déploiement de l’APD française s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par l’urgence climatique, mais aussi par la persistance des crises, l’aggravation des inégalités mondiales, la résurgence de logiques de puissances nationales affaiblissant le multilatéralisme, les guerres persistantes et les difficultés certaines à faire respecter les droits humains fondamentaux. Les ambitions, les outils et les moyens de la politique de développement solidaire ayant eux aussi évolué, il était nécessaire que nous puissions débattre sur ces sujets.
Ce projet de loi de programmation permet d’entériner des ambitions affichées depuis quelques années.
Je pense, par exemple, à l’objectif des 0, 55 % du RNB devant être consacrés à l’APD en 2020, objectif qui a été atteint.
Je pense également à l’amélioration de la redevabilité de la politique de développement solidaire, via un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, qui comportera toutes les informations nécessaires à la compréhension globale des actions menées au cours de l’année qui précède et où sera notamment mentionnée la liste des pays dans lesquels intervient l’AFD. Cette mention nous permettra, lors du débat qui suivra la remise de ce rapport, d’échanger sur les financements accordés à certains pays émergents.
La création d’une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire et la transformation d’Expertise France en société par actions simplifiée au sein du groupe AFD sont également des avancées auxquelles nous souscrivons.
Cependant, si ces avancées doivent être saluées, certaines dispositions nous semblent trop timides. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a contribué à clarifier le texte, via plusieurs modifications, et, à cette occasion, je souhaite remercier les corapporteurs de la qualité de leurs travaux.
La priorisation des objectifs était nécessaire pour une meilleure lisibilité des politiques de développement, et je salue l’inscription de la protection de la planète comme l’un d’entre eux. En effet, la crise sanitaire due au covid ne doit pas placer la situation d’urgence climatique au second plan.
La commission a également proposé une véritable programmation jusqu’en 2025, rendu la taxe sur les transactions financières à sa vocation première, amélioré l’information du Parlement et renforcé la tutelle de l’État sur l’AFD.
Enfin, elle a œuvré pour que la part de dons de l’APD soit renforcée en fixant un objectif de 65 % de dons, contre 59 % actuellement.
Il nous semble que le texte proposé par notre commission est équilibré, mais nous insisterons sur quelques points.
Nous soutiendrons plusieurs amendements afin de défendre l’usage du français dans les instances internationales, la promotion de son apprentissage et l’aiguillage de financements de l’AFD vers les établissements enseignant notre langue. Nous souhaitons également que le français soit la langue de travail de l’AFD.
Il nous a semblé que les territoires d’outre-mer n’étaient pas reconnus à leur juste valeur ; aussi, nous vous proposerons un amendement visant à clarifier leur rôle dans le cadre de la politique de développement solidaire, afin d’en faire des territoires relais, essentiels dans leur environnement régional.
Nous proposerons également un dispositif alternatif à celui de l’article 9, en soutenant l’amendement de notre collègue Michel Canévet.
Le Parlement contrôle et évalue, en vertu de son rôle constitutionnel, les politiques d’aides publiques. L’amendement vise donc à regrouper et à centraliser les activités de contrôle de la politique française de développement, tout en les élargissant au sein de cette nouvelle commission indépendante.
Les différents groupes parlementaires d’amitié seraient en particulier associés aux travaux de la commission, en apportant leur éclairage et leur évaluation sur leur zone de compétence. Un autre amendement tend à approfondir cette participation des groupes d’amitié à la politique de développement, en les associant aux travaux des conseils locaux de développement, autre nouveauté de ce texte.
Enfin, nous soutiendrons, par un amendement de notre collègue Olivier Cadic, nos entrepreneurs français à l’étranger, qui contribuent directement à la création de richesse dans les pays dans lesquels ils s’implantent.
Étant soumis au droit local, ces entrepreneurs français à l’étranger ne bénéficient d’aucune aide française dans le cadre de la pandémie ou lors de catastrophes naturelles, par exemple. Ouvrir le dispositif de garantie et d’aides à l’ensemble des entrepreneurs français à l’étranger dans le besoin permettrait d’épauler un partenaire majeur de l’aide publique au développement lorsqu’ils sont en difficulté.
À l’heure actuelle, l’actualité mondiale nous montre plus que jamais à quel point l’aide publique au développement est cruciale. Plusieurs pays, plusieurs régions du monde, sont en proie à des déséquilibres qui laissent craindre, dans un futur proche, l’émergence de situations contraires à nos intérêts.
L’APD, levier puissant de notre diplomatie et de notre rayonnement, doit répondre aux défis communs par la pérennisation de la solidarité internationale.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – MM. André Guiol et Richard Yung applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ces temps de crise, la tentation est grande pour les pays de faire l’impasse sur l’aide au développement. Alors que la France fait face à de nombreuses difficultés et que les conséquences économiques de la crise que nous traversons sont loin d’être derrière nous, certains pourraient s’interroger sur l’opportunité de consacrer une part de notre budget au développement d’autres pays.
Nous sommes cependant convaincus que céder à la tentation du repli sur soi serait une erreur. L’interdépendance des économies est une réalité. Aider au développement des autres, c’est contribuer au sien.
Par ailleurs, le développement est un moyen efficace de prévenir l’apparition, dans des zones défavorisées, de conflits dont les conséquences s’étendent bien souvent jusqu’en France.
Nous nous félicitons donc de ce que le Gouvernement soumette à l’examen du Parlement un projet de loi de programmation de l’aide française au développement. Ce texte fixe les objectifs de dépense en la matière. En 2022, la barre des 0, 55 % du RNB devrait être franchie. En 2025, c’est le seuil de 0, 7 %, préconisé par les Nations unies, qui devrait être atteint.
Nous nous félicitons en outre de ce que les fonds consacrés au soutien de l’action extérieure des collectivités atteindront en 2022 le double du montant de 2017.
L’augmentation des moyens destinés à l’aide au développement devrait permettre à la France de conserver son rang, dans un domaine où d’autres puissances sont de plus en plus présentes.
Cette loi ne prévoit pas seulement de fixer les niveaux de dépenses. Elle tend également à mieux définir le cadre de la politique française d’aide au développement.
Un tel encadrement est nécessaire pour que les montants engagés puissent produire tous leurs effets. La commission des affaires étrangères a tenu à préciser encore la programmation de l’aide.
Elle s’est notamment penchée sur le pilotage de l’aide française. Plusieurs points restaient à améliorer pour que notre politique atteigne pleinement les objectifs qu’elle se fixe.
Par le passé, la France a en effet pu consacrer des fonds à des pays qui paraissaient assez peu prioritaires. La forme que revêtait cette aide n’a pas non plus toujours permis aux pays destinataires de voir leur situation s’améliorer réellement. Dans cette perspective, nous soutenons un meilleur encadrement de l’AFD, ainsi que la détermination d’objectifs clairs dans la loi de programmation.
Le texte réserve une place particulière à la forme que doit revêtir notre aide : davantage d’aide bilatérale et plus de dons que de prêts. Une part substantielle devra en outre être consacrée à des pays prioritaires dûment énumérés.
Les États concernés font partie des pays les moins avancés. Plusieurs d’entre eux font actuellement face à une situation sécuritaire très préoccupante, notamment les pays du G5 Sahel, ce qui rend notre aide encore plus nécessaire.
L’inscription de ces évolutions dans la loi et le renforcement de la composante bilatérale amélioreront l’efficacité de l’aide française à destination des pays qui en ont le plus besoin.
Le texte a également repris l’objectif de mieux associer la société civile à ce processus. Cette dernière constitue en effet un acteur important et innovant du développement des pays destinataires. Mieux l’impliquer dans notre politique permet aussi de diversifier les vecteurs de notre aide et de nous assurer qu’elle bénéficie effectivement à la population.
La France fait partie des plus grands contributeurs mondiaux de l’aide au développement. Nous devons nous assurer que notre aide parvient là où elle est la plus nécessaire, mais aussi qu’elle produit les effets escomptés.
À cet égard, nous saluons la création de la commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Il est indispensable que nous puissions avoir une vision claire des effets de la politique française.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les objectifs de ce projet de loi. Le texte proposé, amendé en commission, est équilibré et apporte des évolutions nécessaires.
Applaudissements au banc des commissions.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à ce projet de loi, si les planètes sont alignées, peut-être tiendrons-nous à partir de 2025 la promesse française, vieille de plus d’un demi-siècle, de consacrer 0, 7 % de notre richesse nationale à l’APD.
Depuis cinquante et un ans que la France tente péniblement de tenir cette promesse, l’extraordinaire explosion de la richesse mondiale a permis de faire reculer l’extrême pauvreté. Toutefois, elle n’a nullement réduit les inégalités entre les êtres humains ou entre les pays riches et les pays pauvres.
Aujourd’hui encore, quelque vingt pays concentrent 90 % du PIB mondial. Aujourd’hui encore, 690 millions de personnes, soit près de 10 % de l’humanité, souffrent de la faim. Et ce chiffre augmente, pour la quatrième année consécutive, sur fond de guerres, de catastrophes climatiques, de pandémie et d’accroissement des inégalités. L’ONU estime que, faute d’action suffisante, le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait quasiment doubler d’ici à 2080. Plus que jamais, l’effort de solidarité internationale doit être décuplé.
Naturellement, l’APD n’est que le pansement sur la jambe de bois du système capitaliste. Elle ne permet pas de lutter contre les effets délétères du changement climatique et de la prédation des pays riches sur les ressources des pays en développement. Elle ne permet pas non plus de lever les brevets des vaccins et d’assurer l’immunité rapide des populations des pays pauvres face au covid-19. Elle ne permet pas, enfin, d’assurer une meilleure répartition des richesses mondiales ou de prévenir les velléités belliqueuses des Nations.
Toutefois, faute de grand soir, faute de révolution écologiste, il est indispensable d’agir sans attendre pour venir en aide à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Le présent projet de loi a vocation à servir cette ambition. Il est désormais porteur d’une trajectoire budgétaire renforcée, ainsi que de l’esquisse d’un chemin pour parvenir enfin, en 2025, à une part de 0, 7 % du RNB consacrée à l’APD ; il prévoit aussi une timide augmentation des dons, de l’aide bilatérale et du partenariat avec les organisations de la société civile.
Notre responsabilité est de consolider ces acquis en s’assurant d’une priorité absolue consacrée aux PMA ; d’un renforcement net de la part des dons, plutôt que des prêts, dans le volume de l’APD française ; de l’accroissement des moyens transitant par les organisations de la société civile ; de l’augmentation, au moins au niveau de la moyenne de l’OCDE, des programmes ayant pour objectif l’égalité entre les femmes et les hommes, entre les filles et les garçons ; du renforcement des financements mobilisés pour la protection de la biodiversité ; enfin, de la transparence sur les données de l’APD française.
Nous vous proposerons à cet effet des amendements visant à renforcer l’ambition de cet article 1er.
L’Assemblée nationale a fait le choix judicieux d’inscrire dans le corps de la loi les principaux objectifs de la politique de développement française. De l’éradication de la pauvreté à la préservation des biens publics mondiaux, de la défense des droits humains à la promotion de l’accord de Paris, de la diplomatie féministe au renforcement de la démocratie : nous nous retrouvons dans cette feuille de route exigeante.
Il nous semble néanmoins nécessaire de la compléter, pour accroître l’attention portée à certains publics fragiles, mais également de renforcer l’indispensable cohérence entre la politique française de développement et les autres politiques publiques.
En effet, trop souvent, nous défaisons d’une main ce que nous construisons de l’autre. Prenez le projet Feronia : de 2012 à 2020, Proparco, filiale de l’AFD, a financé un funeste projet de production d’huile de palme sur une superficie équivalant à celle de la Belgique, entraînant des accaparements fonciers, des écocides, des violations des droits humains et même des meurtres… Feronia n’est pas une exception ; les projets agricoles néfastes pour l’environnement et les économies locales sont, hélas, encore fréquents dans les financements français.
La restructuration de l’AFD, le renforcement de la tutelle de l’État et la mise en place d’une commission d’évaluation indépendante qui sont prévus par le texte permettront, je l’espère, de lutter contre ces graves violations de nos engagements.
Nous aurons le regret, toutefois, que l’intégration d’Expertise France à l’AFD se rapproche d’une simple juxtaposition et ne garantisse pas à nos experts de la coopération technique internationale le statut des personnels de l’AFD, fragilisant du même coup la cohésion du groupe AFD et la qualité de notre aide.
Monsieur le ministre, un tiens valant toujours mieux que deux tu l’auras, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires se prononcera, non sans exigence, non sans espoir, en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les efforts de la communauté internationale, déployés depuis des décennies dans un cadre de coopération sans cesse renforcé, ont permis de faire reculer l’extrême pauvreté. Cependant, près de la moitié des habitants de la planète sont toujours en situation de grande fragilité, une réalité que la pandémie de covid pourrait aggraver.
Or nous savons bien que la misère est source de conflictualité dans de nombreuses régions du monde. Il est ainsi peu surprenant de voir le terrorisme islamiste s’enkyster au Sahel, où se concentre la majorité des PMA, les pays les moins avancés.
Si l’aide au développement a par essence une vocation humanitaire, je soulignerai qu’elle est aussi un gage de stabilité politique pour les pays aidés et, par ricochet, pour la sécurité de tous.
Pour le dire autrement, je citerai François Mitterrand.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Un jour après le 10 mai, c’est possible !
Il s’exprimait ainsi lors d’une conférence des Nations unies : « La solidarité pour le développement m’apparaît tout à la fois comme la clé de notre avenir commun et comme une nécessité pour chacun. »
La France doit donc continuer plus que jamais à tenir son rôle de grand contributeur de l’aide mondiale.
En 2017, le Président de la République a fixé un cap : porter l’aide publique de la France à 0, 55 % de son revenu national brut. Nous nous en réjouissons.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre ; notre aide atteindra 12, 9 milliards d’euros en 2020, soit 0, 56 % du RNB, objectif atteint, et une première marche pour atteindre 0, 7 % d’ici à 2025…
Dans ce contexte, nous attendions avec impatience une grande loi, un texte pour prendre le relais de la loi d’orientation et de programmation de 2014 et pour traduire les décisions du Cicid de 2018. Nous y sommes, et le RDSE se réjouit des grandes orientations proposées.
Je ne reviendrai pas en détail sur la question de la trajectoire financière, que les deux commissions ont consolidée en sécurisant les montants des crédits jusqu’en 2025, ce qui était en effet nécessaire.
Je salue toutefois une autre initiative de notre collègue rapporteur pour avis et président du RDSE, Jean-Claude Requier, celle qui vise à compléter le document de politique transversale avec une évaluation pluriannuelle des besoins en fonds propres de l’AFD, une dimension qui manquait en effet à cette programmation.
Mes chers collègues, en marge des moyens budgétaires, que devons-nous attendre de notre politique de développement solidaire ? À l’évidence, de la cohérence et de l’efficacité.
La cohérence, c’est faire converger tous les outils dans la même direction, ce à quoi répond l’article 3, en intégrant les ODD comme cadre de référence de notre politique, en écho à nos engagements aux Nations unies.
La cohérence, c’est aussi prendre en compte les stratégies de développement des pays aidés et les besoins de la population, comme le rappelle le nouveau cadre de partenariat global, le CPG.
Enfin, au travers de l’article 2, il est exigé que nos politiques publiques soient cohérentes avec celle de l’aide au développement.
Dans cet esprit, en commission, nous avons souhaité inscrire dans la loi le principe de coordination entre les acteurs militaires et les acteurs de l’aide au développement au Sahel. C’est en effet important.
S’agissant de l’efficacité de l’aide au développement, celle-ci repose à mon sens sur plusieurs piliers. J’en citerai quelques-uns.
Mon groupe approuve la philosophie globale des articles consolidant le pilotage de l’APD, que ce soit le rapprochement d’Expertise France avec l’AFD, le renforcement de la tutelle de l’État sur l’opérateur, ou encore l’affirmation de l’autorité du chef de mission diplomatique sur les agences de l’opérateur à l’étranger. L’État reprend la main ! On peut le concevoir au regard des sommes de plus en plus importantes engagées par l’AFD.
L’efficacité, c’est aussi choisir les bonnes priorités géographiques, c’est-à-dire mettre les moyens au bon endroit.
L’Afrique est une nouvelle fois désignée comme prioritaire, une exigence formulée depuis longtemps, mais qui ne se traduit pas suffisamment dans les faits.
Pourtant, le continent africain est celui de tous les défis : un défi démographique, avec 2 milliards d’habitants attendus à l’horizon de 2050, un défi climatique, à l’évidence, un défi sanitaire, hier avec le virus Ebola, aujourd’hui avec l’accès aux vaccins contre le covid, et, enfin, un défi sécuritaire, que j’ai déjà évoqué. La concentration de notre effort sur l’Afrique est dans ces conditions fondamentale.
Mes chers collègues, si j’avais davantage de temps, j’insisterais également sur les impératifs d’évaluation, de transparence, de redevabilité et de perception de la part des populations.
Il est positif que ces objectifs soient consolidés, parce que notre politique de développement doit être exemplaire dans toutes ses dimensions, pour être conforme aux valeurs de fraternité, de solidarité et d’humanisme qu’elle met en jeu. Il y va du rayonnement de la France dans le monde.
Applaudissements au banc des commissions. – MM. Jean-Marc Todeschini et Richard Yung applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin ! Enfin, nous abordons, avec beaucoup de retard, l’examen de ce qui devait être l’une des grandes priorités du quinquennat. Ce retard a forcément des conséquences sur une programmation 2020-2025 qui commence en 2021 et se termine en 2022.
Au-delà, nous n’avons pas d’objectifs chiffrés, et les 0, 7 % du RNB, dont vous vous félicitez, me paraissent relever du simple affichage. Mon collègue Thierry Cozic en parlera plus longuement tout à l’heure.
Sur l’ensemble du texte, je dois dire que, grâce au travail de nos deux rapporteurs et grâce au vote de l’ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, nous examinons un projet de loi qui porte de réelles avancées. Veillons à ce qu’il ne soit pas « détricoté ». Et, sur de nombreux points, nous pouvons encore progresser.
C’est possible sur le ciblage géographique. La qualité de l’APD dans la lutte contre l’extrême pauvreté va de pair avec un ciblage efficace vers les pays et les populations qui en ont le plus besoin. Or l’aide française souffre d’une forte dispersion. Les 19 pays dits « prioritaires » ne reçoivent que 13 % de l’aide. La loi fixe des priorités qui ne se traduisent pas dans les faits.
C’est la même chose pour les pays du G5 Sahel. Tous, nous connaissons les racines du mal : c’est la misère qui pousse les populations dans les bras des terroristes, c’est la colère des peuples qui s’élève contre la mal-gouvernance et la corruption et qui, en juin 2020, a provoqué la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta au Mali.
Cette colère se porte malheureusement aujourd’hui aussi contre la présence des forces françaises dans la région. Nos soldats nous le disent, l’autre volet de la lutte contre le terrorisme, c’est une politique de développement volontariste au Sahel.
Je voudrais souligner ici l’une des grandes avancées portées par les socialistes, soutenue par les corapporteurs et, j’y insiste, par l’ensemble des membres de la commission : consacrer un article dédié aux organisations de la société civile, reconnaissance formelle de leur rôle dans la politique d’aide au développement.
Cette dimension partenariale, dans l’élaboration comme dans la mise en œuvre de cette politique, me paraît indispensable dans un texte de loi. Si le Gouvernement ne nous suivait pas sur ce point, ce serait un très mauvais signe en direction de celles et de ceux qui sont engagés au quotidien sur le terrain.
Tout aussi remarquable est l’avancée sur les biens mal acquis. Grâce à l’action de Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste et questeur de cette institution, et, je dois le dire, grâce au soutien de l’ensemble de cette assemblée, un travail a pu être engagé, qui a abouti à un accord avec le Gouvernement. Les fonds provenant de la confiscation des biens mobiliers et immobiliers que s’approprient les brigands de tous bords seront directement reversés aux populations spoliées. Un mécanisme a été trouvé.
Félicitons-nous de cette avancée et continuons de lutter contre la corruption internationale et les paradis fiscaux. Posons le principe d’un devoir de vigilance à l’égard de nos entreprises, qu’elles soient publiques ou privées.
L’enregistrement des naissances doit aussi figurer au premier rang de nos objectifs. En effet, 237 millions d’enfants n’ont pas d’acte de naissance : ils n’existent pas. On ne peut donc pas les protéger contre la prostitution, l’esclavage, le travail forcé, l’enrôlement comme enfants-soldats… Ils deviendront des adultes invisibles.
La France doit contribuer au fonds qui est en train de se mettre en place en faveur de l’enregistrement des naissances, sous l’égide des Nations unies. Nous vous le demandons instamment, monsieur le ministre.
L’urgence d’une vaccination mondiale est réelle. Si une vaccination massive n’intervient pas d’ici à un an, la situation sanitaire dans les pays les plus pauvres deviendra incontrôlable. Le mécanisme de solidarité Covax n’a pas produit les effets escomptés. Il est temps d’aller plus loin et de supprimer tous les obstacles juridiques liés aux droits exclusifs de la propriété intellectuelle, qui limite artificiellement la production massive de vaccins anti-covid.
Il aura fallu la déclaration de Joe Biden pour qu’Emmanuel Macron emboîte le pas. Je ne doute pas que l’ensemble du Gouvernement s’alignera désormais derrière la nouvelle position du Président de la République, et que, à rebours de vos déclarations passées ici même, monsieur le ministre, vous soutiendrez nos amendements en faveur de la levée des brevets contre la covid-19.
M. Gilbert Roger applaudit.
Je termine mon propos en évoquant le pilotage politique. Il est impossible de savoir qui fait réellement quoi, comme je l’avais déjà souligné.
Or les Français n’y verront toujours pas clair sur la politique d’aide au développement de la France : loin de clarifier la gouvernance, cette loi se contente de dessiner les contours flous d’un pouvoir plus que jamais présidentiel. De nouveau, la verticalité s’exprime, par la création du conseil du développement auprès du Président de la République. Nous n’en voyons pas l’intérêt.
En revanche, il y a un grand absent : c’est le ministre de la coopération. Alors que la politique de développement est de plus en plus mondialisée, il n’y a ni administration dédiée ni acteur politique pour la mener. « Ce sera moi », m’avez-vous répondu en commission, monsieur le ministre. Mais il est impossible que vous fassiez tout au regard de la situation internationale, des nombreuses zones de confits et du terrorisme ! De fait, la politique de développement peut en pâtir.
À ce stade, donc, nous considérons que ce texte n’a pas permis de trouver une organisation optimale. Plus que jamais, la politique de développement doit être un phare pour la France.
Dans un monde bouleversé, fracturé, en proie à de multiples crises et maintenant malade, c’est notre devoir, à nous tous ici, de contribuer à faire reculer la misère.
Un devoir moral, éthique, nous oblige à faire mieux, à faire plus, au nom de la fraternité qui est inscrite dans nos principes républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Richard Yung applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord mon groupe, Les Républicains, de m’avoir laissé le temps de parole qui lui était imparti, afin que je puisse m’exprimer, au nom de la commission que j’ai l’honneur de présider.
Enfin, nous y voilà, monsieur le ministre ! Du temps nous a été donné pour examiner ce projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont la présentation devant le Parlement a été maintes fois reculée. Je veux vous redire notre gratitude, monsieur le ministre, car je sais toute l’énergie que vous avez consacrée à inscrire dans un ordre du jour parlementaire chargé ce texte ô combien important.
Depuis plusieurs années, nous observons avec une certaine inquiétude un monde plus chaotique, une montée des égoïsmes nationaux, une expansion du terrorisme, un changement climatique menaçant. Dans ce contexte, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a un rôle essentiel à jouer.
Il ne s’agit pas là d’une posture empreinte d’un quelconque angélisme, car cette politique constitue un moyen d’influence et d’affirmation incontournable de la France sur la scène internationale. Lorsqu’elle est à la hauteur des enjeux, cette politique peut contribuer à renforcer la crédibilité de notre action diplomatique.
Dans des circonstances où notre pays est fortement engagé sur le plan militaire, en particulier pour lutter contre le terrorisme, l’aide au développement doit aussi combattre l’extrême pauvreté, véritable terreau du radicalisme des populations si souvent abandonnées par les défaillances de leur État.
À cet égard, monsieur le ministre, nous vous demandons plus que jamais de faire de la cohérence entre notre action militaire et notre politique de développement une priorité. À défaut, nous pourrions décupler les effectifs de Barkhane sans obtenir aucun succès durable.
Ainsi, en 2019, nous avons dépensé environ trois fois plus pour notre action militaire qu’en APD bilatérale pour l’ensemble des 5 pays du Sahel. C’est bien en luttant contre la pauvreté et en construisant des sociétés solides, où les citoyens, en particulier les jeunes, retrouvent des perspectives d’éducation, de santé et de travail, que nous sortirons de cette crise et que nous en éviterons d’autres.
Permettez-moi, à présent, de rappeler les grandes priorités qui nous ont guidés dans l’examen du texte en commission.
Premièrement, l’aide publique au développement ne doit jamais perdre de vue nos trois grandes priorités : nourrir, soigner et former. Notre commission a reformulé dans cet esprit, à la fois les grands objectifs de cette politique et les missions de l’Agence française de développement. Viennent ensuite, bien sûr, les grands objectifs de nature transversale : la protection du climat et de la biodiversité, l’égalité femmes-hommes et la bonne gouvernance.
Deuxièmement, nous souhaitons rééquilibrer notre aide publique au développement en augmentant la part des dons par rapport aux prêts, celle du bilatéral par rapport au multilatéral, et, enfin, la part consacrée aux pays les plus pauvres par rapport à celle qui bénéficie aux pays à revenu intermédiaire. C’est une nécessité pour mieux cibler les 19 pays prioritaires de l’aide française.
Faisons une comparaison avec le Royaume-Uni, qui, certes, a récemment réduit son effort. En 2018, quelque 11 pays africains ont reçu chacun plus de 100 millions de dollars d’APD des Britanniques et 5 pays chacun plus de 200 millions de dollars.
La même année, seuls 2 pays recevaient plus de 100 millions de dollars de la part de la France, dont 1 seul pays prioritaire, le Sénégal. Les nouveaux critères fixés par notre commission doivent ainsi nous permettre de concentrer davantage notre effort, pour obtenir un réel impact.
Troisièmement, au sein de cette loi dite « d’orientation et de programmation », nous avons eu un peu de mal à trouver cette programmation. De report en report, le texte ne programme plus que pour l’année 2022, à quelques mois du projet de loi de finances.
En pleine intelligence avec la commission des finances, nous avons donc décidé d’introduire une véritable programmation. Après tout, plusieurs lois de programmation récentes vont au-delà de la présente législature, qu’il s’agisse de la recherche ou de la fameuse loi de programmation militaire.
Nous espérons ainsi sanctuariser des moyens annuels supplémentaires, qui permettront notamment de soutenir des pays durement touchés par la crise économique consécutive à la crise sanitaire.
Quatrièmement, nous avons mis l’accent sur le pilotage et l’évaluation, qui est un de nos chevaux de bataille depuis bien longtemps.
La politique de développement solidaire pèse plus de 12 milliards d’euros, mes chers collègues, et bien davantage si l’on tient compte de l’ensemble des engagements en prêts de l’AFD, sans parler des apports réguliers de fonds propres à l’agence. De tels montants rendent nécessaires un pilotage efficace, davantage de transparence et un meilleur contrôle démocratique.
À cet égard, nous saluons vos efforts, monsieur le ministre, pour améliorer le pilotage de cette politique et l’exercice de la tutelle sur l’Agence française de développement. C’est d’autant plus nécessaire que le texte prévoit l’intégration à terme d’Expertise France au sein de l’AFD, conférant ainsi à l’agence une présence encore plus dominante dans le paysage de l’APD française.
Nous saluons également la création du conseil local de développement, dirigé par un ambassadeur. En améliorant la cohérence entre politique de développement et politique diplomatique, il pourra nous épargner bien des erreurs d’appréciation, liées à une approche trop centralisée.
Récemment encore, le président Larcher et moi-même avons eu un aperçu du chemin qui reste à parcourir dans ce domaine, en constatant un manque total de coordination entre le centre de crise du Quai d’Orsay et notre ambassade en Arménie. Celle-ci a en effet vu arriver des tonnes de pâtes et de couches-culottes qu’elle n’avait jamais demandées. Il faudra donc faire vivre ce nouveau conseil local, pour donner à l’ambassadeur le rôle de chef d’orchestre qui lui revient.
Par ailleurs, le contrôle démocratique sera renforcé par la création de la nouvelle commission indépendante d’évaluation, que nous appelions depuis longtemps de nos vœux. Nous avons souhaité préciser sa composition en prévoyant notamment la présence de quatre parlementaires. Ceux-ci porteront au sein de cette nouvelle instance une exigence de lisibilité, d’efficacité et de démocratie.
Le Gouvernement doit s’appuyer sur le Parlement, et non craindre son regard ; je sais que tel est votre sentiment, monsieur le ministre.
Nous aurions toutefois souhaité aller plus loin dans l’amélioration du pilotage. En commission, nous avons renforcé le rôle du ministre chargé du développement. La politique de développement solidaire étant essentielle au rayonnement et à la promotion des intérêts de la France, il serait toutefois préférable, selon nous, qu’elle soit incarnée, à vos côtés, par un ministre ou un secrétaire d’État dédié. Peut-être une prochaine législature le permettra-t-elle.
Je souhaite, pour finir, souligner que l’examen du projet de loi en commission, sous l’égide de nos excellents rapporteurs Hugues Saury et Rachid Temal, a eu lieu dans une atmosphère consensuelle. Nous avons adopté de nombreux amendements qui visaient à apporter au texte initial d’indéniables améliorations. Je suis persuadé que nous poursuivrons l’examen du texte dans le même esprit constructif, ce sujet en valant vraiment la peine.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, la France rayonne à travers le monde par son histoire, par son message et par ses valeurs.
À nous de montrer à présent qu’elle peut aussi, par le partage et la générosité, agir efficacement pour plus de paix dans le monde.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE. – M. Richard Yung applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il y a toujours un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir ». Alors que nous fêtions hier les quarante ans de l’accession au pouvoir de François Mitterrand, cette phrase que je lui emprunte nous rappelle l’impérieuse nécessité de penser le futur afin de nous garantir un avenir.
La pandémie nous montre cruellement que, dans ce monde globalisé, personne ne sera en sécurité tant que tout le monde ne le sera pas collectivement.
En matière d’aide publique au développement, la maxime de notre action doit être l’intérêt commun. Nous déplorons le manque d’ambition de la trajectoire financière proposée dans ce texte.
Refuser de respecter l’engagement pris en 1970 de consacrer à l’aide publique au développement 0, 7 % du revenu national brut nous paraît complètement anachronique, voire hors sol. Nous libérons 300 milliards d’euros dans un plan de relance sur un an et nous serions incapables de libérer 524 millions d’euros supplémentaires sur cinq ans ? Ce refus est inaudible et inacceptable au regard des politiques monétaires actuellement menées en Europe.
Depuis le début de l’année 2021, le montant total des interventions de la Banque centrale européenne, la BCE, s’élève à 7 000 milliards d’euros. Force est de constater que les robinets sont grands ouverts, mais coulent dans le même évier.
En commençant en 2020 et en s’arrêtant en 2022, cette loi de programmation n’a de programmatique que le nom. Quand on pense des politiques d’aide au développement, il est impérieux de les inscrire dans la durée, car ce sont des projets non pas de court terme, mais de long terme, et les pays avec lesquels nous travaillons doivent pouvoir les anticiper.
Le FMI estime que les épidémies ont un effet pacificateur à court terme, car elles renforcent la cohésion sociale et la solidarité, qui sont des éléments propres à tout événement catastrophique.
En ce sens, la politisation extrême de la pandémie est un élément incontournable des relations internationales depuis un an, bien alimentée par la rivalité sino-américaine qui n’est même plus voilée. Dans ce contexte, chaque pays tient à répondre présent, la Chine par le biais des masques, l’Allemagne par celui des respirateurs. Chaque superpuissance tente d’asseoir son « messinat » – cette alliance du messie et du mécénat.
Diplomatie transactionnelle ou intéressée, chacun appréciera. Il n’en demeure pas moins que la France doit pouvoir répondre présente dans les grands défis qui attendent notre monde.
Prenons un exemple concret d’une solidarité qui se veut réellement ambitieuse. Le programme Covax prévoit la livraison de plus de 2 milliards de doses de vaccins, d’ici à la fin de l’année, à destination de l’Afrique. Ce programme constitue à lui seul le meilleur antidote au nationalisme vaccinal. Cette mondialisation-là a du sens ; on n’a pas tous les jours l’occasion de s’en réjouir.
Aristote disait : « Réfléchis avec lenteur, mais exécute rapidement tes décisions ». Monsieur le ministre, je crois que nous avons assez réfléchi : le monde nous regarde, il est temps désormais d’agir.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, annoncé par le Président de la République en 2017, ce projet de loi a été plusieurs fois reporté. Même s’il intervient très tard, nous avons de bonnes raisons d’y être attentifs.
Premièrement, l’article 15 de la loi de 2014 prévoyait une révision cinq ans après sa promulgation. Nous saluons le respect de cette loi, d’autant que cela ne va pas de soi pour d’autres textes de programmation.
Deuxièmement, les volumes financiers consacrés à l’APD augmentent. On ne saurait imaginer qu’une hausse de 36 % sur cinq ans ne s’accompagne pas d’une véritable politique d’évaluation et de contrôle, alors même que la France et ses citoyens doivent supporter les graves conséquences économiques de la crise sanitaire.
Troisièmement, le domaine de l’APD connaît une révolution sur le fond et sur la forme. Aussi, la France, en tant qu’acteur traditionnel, doit s’adapter à un contexte évolutif pour se maintenir dans les premiers rangs des pays pourvoyeurs d’aide publique au développement. Il serait dommageable que ce projet de loi devienne un catalogue de bonnes intentions, une transposition de normes idéologiques inadaptées à la réalité du terrain et aux besoins des bénéficiaires de l’APD française.
Cette politique ne saurait être la projection de préoccupations propres à la société française et occidentale sur d’autres populations, dont les besoins sociétaux et les modes d’organisation divergent des nôtres.
L’aide publique au développement est autant un vecteur de sécurité globale qu’un outil d’influence internationale et diplomatique. Même s’il s’agit de soft power, c’est un nouvel espace de compétition entre les puissances. Rappelons que l’attractivité de l’APD tient autant à son universalisme qu’a son pragmatisme.
J’en arrive aux objectifs de notre politique d’APD. Les rapporteurs, que je remercie de leurs travaux, ont souhaité, à juste titre, les clarifier et les hiérarchiser autour de trois thématiques : tout d’abord, l’éradication de la pauvreté et l’accès aux services essentiels ; ensuite, la protection des biens publics mondiaux dont celle de la planète ; enfin, la promotion des droits humains et le renforcement de l’État de droit et de la démocratie.
Ce dernier principe a toute son importance, car il s’inscrit en cohérence avec l’approche des 3D, à savoir « diplomatie, défense et développement ». Comme le rappelait à l’instant le président Cambon, cela vient en complémentarité des missions de nos militaires en OPEX, notamment au Sahel. Pallier les difficultés des États et renforcer les structures de gouvernances sont des priorités. Nous avons, ici même, débattu des limites de l’opération Barkhane.
L’autre point clé du projet de loi qui mérite notre attention est la trajectoire financière. Monsieur le ministre, nous saluons votre démarche, mais nous regrettons, comme d’autres, que votre horizon s’arrête à 2022. Ce choix est surprenant, parce que, pour d’autres domaines, comme celui de la recherche, le Gouvernement propose une loi de programmation qui s’étend jusqu’à 2030.
Nous partageons l’approche de la commission des affaires étrangères, qui ne se contente pas d’une vision quantitative fondée sur le volume de crédits, mais qui prône une approche qualitative reposant sur un rééquilibrage entre dons et prêts et entre multilatéral et bilatéral. Ainsi, fixer un seuil minimum pour les dons à 65 % et un maintien de la part d’aide bilatérale à 70 % nous paraît tout à fait juste.
Par ailleurs, cette proposition de ventilation en faveur des dons permettra une meilleure visibilité, une meilleure traçabilité, voire une plus grande sécurisation de l’aide française, me semble-t-il.
Les prises de participations de l’AFD au sein de banques étrangères de développement ne sauraient incarner la politique française d’aide au développement.
En ce qui concerne le fonctionnement à venir de l’Agence française de développement, dorénavant autorisée à détenir tout ou partie du capital d’Expertise France, notre groupe souhaite rappeler que, si les objectifs de cette réforme structurelle sont d’achever la création d’une véritable holding de développement et de créer des synergies entre les deux opérateurs, la priorité des priorités reste le renforcement du pilotage stratégique.
Dans cette perspective, nous approuvons pleinement l’article 9 mettant en place la commission de contrôle et d’évaluation indépendante.
Nous espérons que le premier axe de travail de la future commission sera d’examiner attentivement le projet immobilier baptisé « Réconciliation », dont le montant avoisine les 836 millions d’euros. En outre, il sera primordial de veiller à la préservation de l’identité et des missions d’Expertise France au sein du groupe.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera ce projet de loi, afin d’amorcer une réforme de l’APD, laquelle ne doit être qu’une première étape vers une tradition de transparence.
C’est un effort important, une générosité qui fait honneur à notre pays, mais qui impose de mettre en place, sans plus attendre, un meilleur contrôle et une plus grande transparence des politiques d’aide au développement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS MONDIALES ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectifs, en cohérence avec les autres politiques publiques de la France :
1° L’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, l’action en matière d’éducation et de santé ;
2° La promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie ;
3° La protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète.
Dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, cette politique a pour objectif transversal la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons. La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est un pilier de la politique étrangère de la France et contribue à construire et à assurer la paix et la sécurité, en complément de son action diplomatique et militaire.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est fondée sur un dialogue politique global et régulièrement évalué avec les pays partenaires, auxquels sont associés les représentants des sociétés civiles dans toute leur diversité, dont les jeunesses. Elle veille à s’aligner sur les stratégies de développement des pays partenaires et à répondre aux besoins des populations. Elle veille également à intervenir de manière complémentaire, et non concurrente, avec les autres bailleurs internationaux.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales veille à assurer, lorsque cela est possible, la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. Elle s’engage à ce que les actions menées sur financement de son aide publique au développement puissent être mises en œuvre dans le respect du principe de non-discrimination de l’attribution de l’aide aux populations. L’action humanitaire, qui vise à secourir les populations vulnérables, et la préservation de l’espace humanitaire, qui constitue l’une des conditions majeures de cette action, s’inscrivent pleinement dans la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, selon des principes et modes d’action conformes au droit international humanitaire.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits humains et de droit international humanitaire. Elle s’inscrit dans le cadre multilatéral que s’est fixé la communauté internationale avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies, l’accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015, le cadre stratégique mondial pour la biodiversité 2011-2020 et ses objectifs dits « d’Aichi », et le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement approuvé le 27 juillet 2015, ainsi que dans le cadre européen en participant aux objectifs de la politique européenne de développement.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 184, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
, en cohérence avec les autres politiques publiques de la France
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’État assure la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans la réalisation des Objectifs de Développement Durable dans les pays partenaires, en particulier les politiques sociale, éducative et culturelle, agricole et alimentaire, commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, de recherche et d’innovation et d’appui aux investissements à l’étranger.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
L’objectif de cet amendement est d’inscrire dans le corps de la loi la nécessité d’une mise en cohérence de toutes les politiques publiques avec les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, afin qu’elles contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable, les ODD.
Ce principe de cohérence était un acquis important de la loi du 7 juillet 2014, qui disposait qu’« une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement ».
Nous regrettons que la version actuelle de l’article 1er A ne fasse qu’une allusion à ce principe de cohérence, sans spécifier ni le rôle de l’État quant à cette cohérence, ni les politiques ciblées par cette dernière, ni son lien avec les objectifs du développement durable. La formulation que nous proposons, fondée sur celle du centre pluridisciplinaire de gestion, permet donc de rappeler deux éléments.
Tout d’abord, il ne s’agit pas, comme pourrait le laisser penser la rédaction de la commission, d’aligner la politique de développement de la France sur ses autres politiques publiques, mais bien de faire en sorte que toutes ces dernières, notamment les politiques agricole, alimentaire, commerciale, fiscale, de sécurité et de défense et d’appui aux investissements étrangers concourent à la réalisation des objectifs de développement durable.
En outre, cette formulation permet de rappeler que cette cohérence est, à ce jour, un objectif que la France doit atteindre, et non une composante automatique de sa politique d’aide publique, comme l’implique l’actuelle version du texte.
Cette nécessité de cohérence doit faire l’objet d’un engagement clair de la France, alors que les manquements de la politique française de développement ont, en 2018, été pointés du doigt par l’OCDE lors de sa revue par les pairs.
L’OCDE constatait qu’aucun dispositif ne permet de garantir la cohérence des politiques françaises au service du développement durable. Elle en concluait que « La France doit se doter d’un dispositif de gouvernance pour promouvoir la cohérence de ces politiques. Elle doit s’assurer que ses efforts soutiennent le développement durable de ses pays partenaires, notamment les pays prioritaires, au lieu de le freiner ».
L’amendement n° 123, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France veille à maintenir une cohérence entre sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ses autres politiques de coopération internationale. À cette fin, elle s’abstient de promouvoir des actes de coopération impliquant, notamment, l’abandon important de recettes fiscales pour les pays partenaires récipiendaires de l’aide publique au développement.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Comme le précédent, cet amendement vise un problème central de cohérence dans notre politique internationale.
D’un côté, ce projet de loi défend l’idée de favoriser le développement des pays, au premier rang desquels les moins avancés, notamment leurs services fiscaux et leurs entreprises.
Cet objectif est nécessaire pour assurer, à terme, l’autosuffisance de ces États, qui ne demandent que cela. À ce titre, l’alinéa 147 du cadre de partenariat global résume assez bien la situation : l’Afrique dispose d’une population en croissante augmentation et jeune et, si les conditions étaient réunies, elle pourrait s’affranchir des dépendances qu’elle subit aujourd’hui.
D’un autre côté, dans le cadre de sa stratégie commerciale internationale, la France vise l’objectif de favoriser la signature d’accords conduisant à la création de zones franches. Ces dernières, surtout développées en Asie au début des années 1980, avaient vocation à favoriser l’implantation de multinationales occidentales dans les pays dits « émergents ». Ces dernières y bénéficiaient de conditions avantageuses en matière de fiscalité et de rapatriement des profits, mais aussi d’une main-d’œuvre nombreuse.
Les habitants des pays en question devaient bénéficier, quant à eux, d’un travail rémunéré. Or, dès le départ, trois problèmes se posent avec cette orientation stratégique.
Premièrement, comme le notent les chercheurs Marta Menéndez, Jean-Marc Siroën et Aude Sztulman, ces implantations n’ont jamais servi à faire monter en compétences et qualifications les travailleurs et travailleuses de ces zones. Elles n’ont servi qu’à ajouter un échelon de division du travail par l’externalisation.
Deuxièmement, la multiplication des zones franches a freiné le développement des entreprises locales. En effet, ces dernières ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux et tarifaires, ce qui conduit à un simple transfert de la production.
Troisièmement, ces exemptions de taxes et de douanes, voire de changes, grèvent massivement la fiscalité des pays concernés, donc leur capacité d’investissement interne. Il y a clairement un manque de cohérence dans nos politiques extérieures, qu’il conviendra, un jour, de régler.
Les dispositions de cet amendement participent de cette volonté de clarification et d’harmonisation, allant dans le sens du narratif de ce projet de loi, à savoir renforcer les capacités de financement internes et de développement de l’activité économique des pays concernés.
Permettez-moi, tout d’abord, de dire un mot sur cet article 1er A, voulu par l’Assemblée nationale.
C’est un article important, qui permet d’ajouter les grandes orientations, de tracer les grandes lignes et d’introduire le texte. Par définition, il doit aller à l’essentiel et être succinct.
Aussi, durant la discussion de l’article 1er A, Rachid Temal et moi-même serons amenés à prendre, au nom de la commission, une position défavorable à la plupart des amendements déposés sur cet article.
En l’occurrence, s’agissant de l’amendement n° 184, le texte comprend déjà des références précises au principe de cohérence des politiques publiques, dans l’article 1er A lui-même, ainsi qu’à l’article 2 et, de manière très détaillée, à partir de l’alinéa 30 du rapport annexé. Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier ce dispositif déjà très complet.
Quant à l’amendement n° 123, le principe de cohérence des politiques publiques qu’il vise à défendre fait déjà l’objet de nombreuses dispositions au présent article, ainsi qu’à l’article 2 et au rapport annexé.
La commission a donc émis un avis défavorable sur chacun de ces deux amendements.
Je rejoins les propos du rapporteur concernant le sens de l’article 1er A, voulu par les députés, à juste titre, afin de définir les grands objectifs de la politique de développement en matière d’éradication de la pauvreté, de lutte contre les inégalités, de promotion des droits humains et de protection des biens publiquement mondiaux.
Je pense donc qu’il ne faut pas surcharger cet article par des principes fixant de grandes normes. En le surchargeant, on le rendrait d’autant plus illisible qu’un rapport annuel suivi d’un débat est prévu par l’article 2.
Dans ce rapport, le Gouvernement s’engage sur la cohérence des politiques publiques liées à la politique de développement. La demande formulée par M. Gontard trouve donc là sa réponse.
Concernant la demande de Mme Gréaume, dans le cadre du partenariat global, l’alinéa 27 répond à sa question. Dans le cas contraire, on ferait de cet article 1er A un texte absolument illisible, dans la lignée de toutes les propositions qui sont formulées dans le cadre du partenariat global ou dans les différents articles. Il me semble nécessaire que l’article 1er A comprenne seulement l’essentiel de la politique de développement.
Je ne reprendrai pas la parole sur les autres amendements visant les mêmes dispositifs et les mêmes interrogations. On ne peut pas, dans cet article 1er A, reprendre toutes les conventions internationales que nous avons signées, car, dans ce cas, nous ferions un dictionnaire, ce qui n’est pas le but de l’opération, même si je conçois que les uns et les autres veuillent s’exprimer sur le sujet.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’un besoin de nous exprimer ni d’une volonté de surcharger l’article 1er A. Nous souhaitons simplement le réécrire plus directement et insister sur la mise en cohérence de toutes ces politiques de développement.
En somme, le but est d’apporter plus de lisibilité et de cohérence au texte.
En ce qui concerne ces amendements, en particulier celui que nous avons déposé, j’entends l’argument consistant à dire qu’il ne faut pas surcharger l’article 1er A.
Toutefois, d’une certaine manière, puisqu’il est question de l’essentiel des objectifs, il s’agit manifestement d’un débat sur les priorités. Nous considérons en effet qu’éviter les projets qui encouragent l’abandon de recettes fiscales pour les pays concernés fait partie des questions centrales de la réorientation de notre aide publique au développement.
Je le redis, s’agissant des recettes fiscales, nous proposons, tout au long du texte, une série d’amendements que, malheureusement, la commission n’a pas acceptés dans leur ensemble. Le débat ne porte pas sur le fait de surcharger ou non l’article 1er A ; il traduit plutôt une difficulté à affirmer avec plus de force cet objectif dans le texte.
J’espère donc que les autres amendements que nous avons déposés sur ce thème se verront réserver un autre sort.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° L’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions et la lutte contre les inégalités ;
2° La protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète, le climat, la biodiversité, la santé et l’éducation ;
3° La promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie.
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement vient d’être évoqué par le rapporteur. Nous avons essayé de recentrer les objectifs développés à l’article 1er A en trois alinéas très courts. D’une ligne chacun, ils visent à remplacer, à mon avis de façon utile, deux alinéas assez lourds et généraux.
L’objet de cet amendement est d’intervertir les alinéas 2 et 3 du triptyque des objectifs globaux de la politique de développement solidaire. On partirait du plus général, à savoir l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions et la lutte contre les inégalités, pour faire figurer ensuite la protection des biens publics mondiaux et, enfin, la protection des droits des droits humains.
Cela correspond, d’ailleurs, à la définition que donne l’ONU des biens publics mondiaux. Cette disposition correspond donc à l’approche des rapporteurs, me semble-t-il.
L’amendement n° 202, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
inégalités
insérer les mots :
, la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent, la lutte contre le travail forcé et en particulier celui des enfants
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le président, parler du développement sans aborder la dimension sociale nous paraît tout de même problématique.
Les rapporteurs ont choisi de recentrer le préambule autour des objectifs clés de la politique de développement, mais il reste silencieux sur le respect et la promotion des engagements internationaux de la France en matière de protection sociale, alors que la précédente loi de 2014 consacrée au développement et à la solidarité internationale en faisait mention.
Ne pas évoquer ce sujet nous semble marquer un recul important, ne serait-ce qu’en matière de développement durable.
L’amendement n° 35, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, l’action en matière d’éducation et de santé
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, le climat, la biodiversité, la santé et l’éducation
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement est en partie rédactionnel. Il vise à suivre la définition de l’ONU des biens publics mondiaux et, ainsi, à citer « le climat, la biodiversité, la santé et l’éducation », qui sont retenus par les Nations unies.
L’amendement n° 203, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La politique de développement solidaire respecte et promeut le principe transversal de ne laisser personne de côté, inhérent à l’Agenda 2030.
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Il s’agit d’intégrer le principe visant à « ne laisser personne de côté », qui est de plus en plus souvent utilisé dans la discussion internationale.
Ce concept figure dans la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030, dans la stratégie « Droits humains et développement » du ministère de l’Europe et des affaires étrangères de 2019 et dans le nouveau consensus européen pour le développement de 2017.
Ce principe transversal veut que nous intégrions l’ensemble des parties prenantes, notamment les plus précaires, dans nos discussions. Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, avait émis un avis favorable à son sujet.
L’amendement n° 156 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 296, présenté par Mmes Benbassa et Taillé-Polian, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
enfants
insérer les mots :
ainsi que des droits des personnes LGBTQI+ par le respect des principes de Yogyakarta
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le présent projet de loi s’attelle aussi à rappeler les idéaux humanistes de la France.
En ce sens, comme le précise l’exposé des motifs, il promeut, dans le cas de la diplomatie féministe de la France, l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons. Il cite également, parmi les droits humains qu’il convient de préserver, les droits de l’enfant.
Nous convenons tous de l’importance de ces enjeux au niveau global et de l’urgence dont ils relèvent dans certains cas.
Cependant, le texte omet de parler des droits des personnes LGBTQI+, alors que nous savons que, à travers le monde, les droits de ces personnes ne sont pas toujours respectés, ni même reconnus.
Le présent amendement a ainsi pour objet d’inscrire de manière explicite l’engagement de la France dans la lutte en faveur des droits des personnes LGBTQI+ dans le monde.
Rappelons-le, le rapport du Global Philanthropy Project révèle que la France consacre un effort financier à la lutte contre les LGBT-phobies dans le monde bien inférieur à celui de ses voisins européens.
La Suède y a ainsi consacré, en 2017 et 2018, plus de 30 millions de dollars dans le cadre de programmes d’aide internationale. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas lui ont respectivement alloué près de 19 millions de dollars et près de 14 millions de dollars, contre 264 000 dollars pour la France… Ce n’est pas beaucoup !
Le plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023 prévoit que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères amplifie son action en faveur de la protection des droits LGBTQI+, notamment en soutenant les initiatives pour les droits de ces personnes qui sont portées par l’Organisation internationale de la francophonie et les autres acteurs de la francophonie.
Dans ce contexte, il conviendrait que la France, eu égard à ses objectifs globaux en matière de développement solidaire, inscrive de manière explicite les droits de ces personnes, ainsi que les principes de Yogyakarta, dans le projet de loi.
L’amendement n° 204, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
enfants
insérer les mots :
et le droit à une identité juridique
La parole est à M. Gilbert Roger.
Dans son propos liminaire, Marie-Arlette Carlotti a souligné combien il était important que nous prenions en compte les problématiques de l’état civil, dont le droit à l’existence même.
Le projet de loi texte entend décliner la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales portée par la France. Je rappelle simplement que notre pays est le berceau de l’état civil. Parmi les valeurs qu’il défend, la première est peut-être le droit à une existence légale.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à inscrire au rang des objectifs principaux de la politique de développement de la France celui de l’enregistrement des naissances et de la mise en place d’état civil fiable. Il s’agit d’un principe directeur de la politique du développement solidaire.
L’amendement n° 183, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
droits des enfants
insérer les mots :
et des droits des peuples autochtones
La parole est à M. Guillaume Gontard.
La promotion des droits humains prévue à l’article 1er A doit prendre en compte les droits spécifiques de certaines populations particulièrement vulnérables.
Cet amendement vise ainsi à faire mention des droits qui ont été reconnus aux peuples autochtones par l’Assemblée générale des Nations unies.
Il nous sera opposé, comme ce fut le cas en commission, que les droits humains sont universels et prennent déjà en compte les peuples autochtones. Les droits spécifiques reconnus à ces derniers devant la communauté internationale seraient donc superflus.
Comment expliquer alors que ces droits aient été fréquemment et massivement violés par certains des projets que nous finançons directement ?
Prenons l’exemple du parc naturel de Kaziranga, en Inde, auquel nous avons consacré 80 millions d’euros depuis 2012 et que la ministre de la transition écologique a visité à la fin du mois de janvier dernier. L’argent versé finance notamment le renforcement de l’équipement des gardes forestiers du parc, qui ont pour instruction de tirer à vue sur tous les intrus. Or ces derniers sont aussi, à leurs yeux, tous les habitants de ces territoires, quels que soient l’ancienneté de leur présence, leur attachement à cet environnement et les moyens nécessaires à leur expulsion…
Résultat, depuis vingt ans, 106 personnes ont été tuées à Kaziranga, dont des enfants. Les autres, ceux qui ont accepté l’expulsion, ont perdu une partie de leur identité et de leur culture, car ces populations ont une proximité et un attachement à leur environnement qui n’est pas comparable au nôtre.
Malheureusement, ce cas n’est pas isolé, car 80 % de la biodiversité mondiale se trouvent sur les territoires des peuples autochtones. Les aires naturelles protégées ne peuvent donc tout simplement pas être conçues sans ces populations. Par ailleurs, celles-ci protègent leur environnement mieux que quiconque dès lors qu’on leur en donne les moyens, comme l’a reconnu l’AFD en Amazonie.
Comment considérer, face à ce bilan, que la simple mention des droits humains permette d’éviter des désastres humains et culturels ?
D’autres donateurs importants, comme le Canada, l’Allemagne ou, plus récemment, les États-Unis, prennent davantage en compte les droits des peuples autochtones dans leur politique d’aide au développement. Nous devons suivre leur exemple.
Tel est l’objet du présent amendement, ainsi que de deux autres que nous avons déposés, qui sont relatifs au cadre de partenariat global et qui ont d’ailleurs reçu un avis favorable de MM. les rapporteurs.
En cohérence, mes chers collègues, votons cet amendement à l’article 1er A, pour donner à ce dernier toute la force qu’il mérite.
L’amendement n° 205, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
la protection de la planète
par les mots :
la santé, le climat, la biodiversité et l’éducation
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Nous voulons ajouter, aux biens publics mondiaux cités à l’alinéa 4, la santé, le climat, la biodiversité et l’éducation, qui doivent être complètement intégrés dans notre politique dès aujourd’hui.
En effet, il paraît surprenant que l’on cite comme seul exemple de bien public mondial la protection de la planète.
L’amendement n° 34 tend à modifier les trois priorités de l’APD, telles qu’elles ont été rédigées par la commission. Il vise en particulier à placer la santé et l’éducation parmi les biens publics mondiaux.
Or, s’il est vrai que la santé et l’éducation sont aussi, bien sûr, des biens publics mondiaux, dans la mesure où leur renforcement bénéficie in fine à tous, ce sont avant tout des services de base, qui doivent être dispensés à l’ensemble des populations, même aux plus pauvres, et peut-être surtout à ces derniers, dans les pays en développement.
C’est pourquoi il nous paraît préférable de conserver leur mention dans le 1°. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les dispositions de l’amendement n° 202 procèdent d’une vision trop extensive des principaux objectifs de la politique de développement solidaire. Par exemple, il n’est pas exact que la responsabilité sociétale ou la lutte contre le travail forcé sont des objectifs premiers de l’aide publique au développement française, bien qu’elles constituent des exigences que l’APD doit également, autant que possible, s’efforcer d’atteindre. L’avis de la commission est défavorable.
Comme l’amendement n° 34, l’amendement n° 35 a pour objet de modifier les trois priorités de l’APD, telles qu’elles ont été rédigées par la commission, notamment en proposant de faire figurer la santé et l’éducation parmi les biens publics mondiaux. La commission y est également défavorable, pour les mêmes raisons.
S’agissant de l’amendement n° 203, je répète que le présent article n’a pas vocation à énumérer tous les objectifs de l’APD, sous peine d’attenter à l’intelligibilité de la loi, qui est l’un des premiers objectifs visés par celle-ci. Nous émettons donc un avis défavorable.
L’amendement n° 296 tend à ajouter la mention des principes de Yogyakarta à l’article 1er A. Ces principes « sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre » ont été présentés le 26 mars 2007 au Conseil des droits de l’homme, puis le 7 novembre 2007, lors d’un événement en marge de l’Assemblée générale des Nations unies coorganisé par l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay.
Cependant, l’article 1er A doit rester un article succinct, qui permet de faire référence à l’ensemble des droits humains. Pour éviter tout a contrario, il est préférable de ne pas préciser à l’excès ses dispositions.
En outre, les principes de Yogyakarta, élaborés au nom d’une coalition d’ONG, n’ont pas de valeur contraignante en droit international des droits de l’homme. Ils n’ont pas été endossés formellement par les États, non plus que par l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits de l’homme, qui n’ont jamais adopté de résolution en ce sens. Il paraît donc prématuré de les introduire dans le texte. La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 204 vise à ajouter la mention du droit à l’identité juridique à l’article 1er A. Je répète que l’alinéa 3 de l’article 1er A doit couvrir l’ensemble des droits humains et qu’il est préférable, pour éviter tout a contrario, de ne pas préciser ces dispositions à l’excès. En outre, cette question est traitée dans le rapport annexé. L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 183 a pour objet d’ajouter la mention des droits des peuples autochtones à l’article 1er A. J’y insiste, celui-ci doit rester un article succinct qui permette notamment de faire référence à l’ensemble des droits humains. Pour éviter tout a contrario, il est préférable de ne pas préciser à l’excès ses dispositions. La commission y est défavorable.
En revanche, elle émettra un avis favorable sur les amendements de M. Gontard relatifs au droit des peuples autochtones au sein du cadre de partenariat global.
Enfin, l’amendement n° 205 tend à préciser que la santé et l’éducation sont des biens publics mondiaux. C’est exact, mais ceux-ci constituent aussi des services essentiels dans les pays en développement, ce qui justifie leur présence dans le 1° du présent article. L’avis de la commission est donc défavorable.
Je suis favorable à l’amendement n° 34, qui tend à hiérarchiser les objectifs de la politique de développement en fonction de la définition onusienne des biens publics mondiaux. Le Gouvernement considère que cette disposition est tout à fait recevable.
Il en va de même de l’amendement n° 35 et de l’amendement n° 205, qui visent à prendre en compte la hiérarchisation des biens publics mondiaux réalisée par les Nations unies. Je ne saurais m’opposer à ce que l’on se conforme à la définition onusienne des biens publics mondiaux, raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur ces trois amendements.
En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 202, pour les raisons que j’ai exposées dans mon propos liminaire. On ne peut étendre indéfiniment les objectifs consacrés à l’article 1er A !
Par ailleurs, la question que vous posez, madame Carlotti, est traitée à l’alinéa 63 du cadre de partenariat global. Si nous faisons figurer tous les éléments de ce dernier à l’article 1er A, nous ne nous en sortirons pas. Je ne suis donc pas favorable à décliner au présent article la référence à l’éradication du travail forcé, à laquelle nous sommes, du reste, bien entendu très attachés.
Comme sur les amendements n° 34, 35 et 205, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 203, qui vise à faire référence à la résolution sur l’Agenda 2030 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies. M. le sénateur Richard Yung a évoqué ces différentes références.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 296, la France a toujours été à la tête des actions pour la promotion et la protection des droits de l’homme, en particulier des personnes appartenant à des minorités comme les personnes LGBTI. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, nous ne voulons pas ajouter à l’article 1er A l’ensemble des thématiques sur lesquelles nous avons pris position dans différentes instances.
En outre, nous ne pouvons accepter que l’on cite dans la loi les principes de Yogyakarta, qui n’ont pas de valeur contraignante en droit international des droits de l’homme. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur.
S’agissant de l’amendement n° 204, je souscris, madame Carlotti, à la nécessité d’un état civil fiable dans la politique de développement.
C’est un levier essentiel dans l’accès au droit et dans le processus de développement. Nous avons largement évoqué cette question lors de la publication du rapport d’information des députées Laurence Dumont et Aina Kuric, lequel soulignait la gravité de ce sujet et l’enjeu majeur que constitue l’enregistrement des naissances.
Néanmoins, je le répète, on ne peut pas citer l’ensemble des droits humains promus par la France ni privilégier le droit à une identité juridique sur les autres droits, par exemple ceux qui sont énoncés par la convention internationale des droits de l’enfant, même si ce principe est tout à fait essentiel. Au demeurant, celui-ci est repris aux alinéas 63 à 103 du cadre de partenariat global.
La référence au cadre de référence est tout à fait déterminante. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 204.
Pour ce qui est de l’amendement n° 183, j’ai déjà dit à plusieurs reprises que la France promouvait une approche globale des droits humains qui se fonde sur la Charte des Nations unies et sur les principaux traités et conventions en matière de droits humains qu’elle a ratifiés.
Énumérer avant l’article 1er du projet de loi l’ensemble de ces droits humains serait vraiment très lourd. Il faut se concentrer sur l’essentiel de ce texte, qui fait référence, par ailleurs, à ces aspects dans le cadre de partenariat global. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
En commission, nous avons inclus l’identité juridique dans l’annexe.
Cependant, il y a aujourd’hui un vrai débat sur l’identité juridique. Les Nations unies sont en train d’y travailler. Un fonds va être mis en place. Nous attendons d’ailleurs la réponse de la France sur ce point. Je ne doute pas que notre pays participera à ce travail, pour lequel quelques États ont déjà répondu présent.
Toutefois, il s’agit là d’un point dur. Comme je l’ai dit, de nombreux enfants ne peuvent pas être protégés dans leur identité juridique, compte tenu de l’état actuel du droit.
Je sais que vous êtes attaché à cette question, monsieur le ministre. Pour ma part, je pense que le droit à l’identité juridique devrait figurer dans le corps de la loi : cela marquerait véritablement la volonté de la France d’agir sur cette question.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 321, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est un pilier de la politique étrangère de la France et contribue à construire et à assurer la paix et la sécurité, en complément de son action diplomatique et militaire.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement est à la fois de forme et de fond.
Il s’agit de séparer l’alinéa 5 en deux paragraphes. J’ai beaucoup insisté sur le fait que la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales était un pilier de la politique étrangère de la France et contribuait à construire et à assurer la paix et la sécurité, en complément de notre action diplomatique et militaire. Elle doit donc faire l’objet d’un paragraphe distinct.
Dans la rédaction actuelle, cette disposition est inscrite après une phrase relative à la diplomatie féministe. Si je me suis engagé en faveur de cette dernière, je pense que l’existence de deux paragraphes différents permettrait de mieux identifier chacun des sujets.
L’amendement n° 150, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer le mot :
complément
par le mot :
parallèle
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il s’agit dans cet alinéa que le Gouvernement propose de séparer en deux, de remplacer « en complément » par « en parallèle ».
En effet, la rédaction actuelle nous semble jeter quelque peu la confusion. L’aide publique au développement est-elle un véritable pilier, comme l’affirme l’alinéa, ou simplement un supplétif de l’action diplomatique et militaire française ?
Il nous semble plus pertinent de reformuler cet alinéa en utilisant l’expression « en parallèle », qui permet de rappeler l’indépendance de l’aide publique au développement à l’égard de l’action diplomatique et militaire.
Pour reprendre les termes d’une ONG que nous avons rencontrée, si l’APD est l’un des piliers de l’action extérieure de la France, elle est parallèle des autres piliers. De fait, si l’on veut qu’un bâtiment soit solide, les piliers ne doivent pas se confondre…
Cette rédaction éviterait également de nourrir l’idée que l’APD est secondaire, voire conditionnée aux autres piliers.
En vérité, nous le savons, le débat porte sur le rapport entre notre action d’aide publique au développement et, notamment, notre action militaire. À cet égard, la rédaction que nous proposons nous paraît plus claire.
Effectivement, l’alinéa 5 contient deux idées très différentes et très importantes.
Aussi, l’amendement rédactionnel n° 321 est destiné à mieux mettre en valeur le fait que la politique de développement solidaire est désormais un pilier de la politique étrangère de la France. La commission a émis un avis favorable à son sujet.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 150, la commission considère que les trois composantes de la stratégie 3D – diplomatie, défense et développement – doivent être complètement liées.
À cet égard, le mot « complément » nous paraît plus approprié que le terme « parallèle », qui introduit une différenciation et suppose l’absence de lien entre ces différentes notions. L’avis de la commission est donc défavorable.
Nous estimons que la multiplication des crises, leur inscription dans la durée et leur nature multidimensionnelle et transnationale exigent une approche globale, s’inscrivant dans un continuum d’actions relevant de la diplomatie, de la sécurité, de l’humanitaire, de la stabilisation et du développement.
La notion de continuum est au cœur de la stratégie française « Prévention, résilience et paix durable » et fait référence à la simultanéité des interventions de tous les acteurs concernés à toutes les phases des cycles de fragilité et de crise, selon une intensité qui varie en fonction des besoins.
Ces actions doivent nécessairement être mises en œuvre de façon complémentaire, raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je veux simplement noter que, si l’on nous assure régulièrement que les trois volets sont complémentaires, cette complémentarité, pour ne prendre que l’exemple de l’intervention que mène actuellement la France au Sahel, est loin d’être évidente et reste à démontrer.
Pour le moment, l’évolution de la situation sur place nous prouve, hélas, que la réalité est beaucoup plus compliquée.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 150 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 116, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :
En cohérence avec cette priorité politique et les standards du consensus européen, 85 % des nouveaux projets d’aide intègrent le genre de façon principale ou significative, selon les marqueurs 1 et 2 du comité d’aide au développement de l’OCDE.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Cet amendement a été déposé pour résoudre un problème de cohérence.
Déclarée grande cause du quinquennat, la lutte pour les droits des femmes et l’égalité entre les sexes a par ailleurs été définie comme axe prioritaire et transversal de l’APD française lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de 2018, puis en 2019 dans une tribune gouvernementale.
On aurait donc pu s’attendre à un projet de loi ambitieux en la matière. Or, si le cadre de partenariat global rappelle cette priorité, la France reste encore largement en dessous des standards internationaux.
La commission a une nouvelle fois rehaussé le curseur, pour que 75 % de l’aide publique au développement bilatéral comprennent une dimension féministe. C’est une première avancée, mais celle-ci demeure insuffisante à deux titres.
Premièrement, on a du mal à voir d’où pourrait sortir cette cible de 75 %. En 2013, la précédente loi de programmation de l’aide publique au développement avait fixé la cible de 50 %. Le plan d’action de l’Union européenne sur l’égalité des genres dans l’action extérieure 2021-2025, dit « GAP III », fixe une cible de 85 % des projets d’aides intégrant le genre de façon principale ou significative reprenant les marqueurs 1 et 2 de l’OCDE.
D’ailleurs, c’est en partant de ce document que des pays comme la Suède ont déployé une politique diplomatique féministe.
Aujourd’hui, le retard français interroge, comme le rappelait le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en novembre dernier.
Deuxièmement, il y a une nouvelle fois urgence. Comme le relève le très bon rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat, celles-ci sont une nouvelle fois les premières à souffrir de la crise sanitaire.
Que ce soit en matière d’accès à l’autonomie financière et aux droits fondamentaux, notamment en matière d’éducation et de santé, ou dans la lutte contre les violences, la crise pourrait effacer, en une seule année, les vingt-cinq années de progrès réalisées en matière d’égalité entre les femmes et les hommes à la suite de la conférence mondiale de Pékin.
Une nouvelle fois, nous devons profiter du présent projet de loi pour faire passer à la France un cap en matière d’appui aux luttes féministes dans le cadre de l’aide publique au développement.
Nous comprenons l’esprit et les visées de cet amendement, mais le projet de loi fixe déjà des objectifs très ambitieux en matière d’égalité hommes-femmes, notamment dans l’alinéa 53 du rapport annexé.
Viser des objectifs supplémentaires, qu’il serait très difficile, sinon impossible d’atteindre pourrait être incompatible avec d’autres objectifs déjà fixés et en entamer la crédibilité.
Pour ces raisons, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, notre politique de développement a pour objet transversal la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons, ce que nous déclinons dans le cadre de partenariat global.
Dans le cadre de notre stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes, nous avons souhaité renseigner le marqueur genre de l’OCDE pour la totalité des projets de l’APD, ce que nous allons faire, marquer 100 % des projets et programmes de l’AFD selon le même marqueur et faire en sorte que 50 % des volumes annuels d’engagements de l’AFD aient un objectif de genre principal ou significatif, c’est-à-dire un marqueur 1 ou 2, selon les critères de l’OCDE.
Il est difficile d’augmenter encore cet objectif de transversalisation du genre, au risque, comme l’a souligné M. le rapporteur, de le rendre contradictoire, voire irréconciliable, avec d’autres objectifs auxquels le Gouvernement et le Parlement sont très attachés, comme celui du coût-bénéfice climat ; je pense notamment à des projets énergétiques qui sont très pertinents, mais qui n’ont, par définition, pas d’impact en termes de genre.
En revanche, il est très important d’augmenter la part des projets ayant un marqueur 2, à savoir ceux dont le genre est l’objectif premier. C’est ce que nous faisons, par exemple, via le lancement d’un fonds de soutien, qui mobilisera, pendant trois ans, 120 millions d’euros pour financer les activités des mouvements féministes dans le monde.
Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, même si nous prenons fortement en considération la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 127, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les actions de coopération militaire auxquelles participe la France ne constituent pas des actions entrant dans le champ de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Nous poursuivons le débat sur le concept du continuum 3D.
Cet amendement vise à distinguer les actions de coopération militaire du champ des politiques d’aide au développement solidaire.
Entendons-nous bien, l’enjeu n’est pas de savoir si la France doit ou non participer à des actions de coopération militaire. Cette question ne fait pas débat : la stabilisation des pays, laquelle passe notamment par la formation de leurs forces de police et de leurs forces armées, est un enjeu central, parmi d’autres, dans la perspective d’une croissance de ces États. De même, ces actions entrent dans le champ de la Charte des Nations unies, qui est venue corriger une défaillance de la Société des Nations.
Toutefois, la question se pose de savoir si tout cela doit être comptabilisé au sein de l’aide publique au développement de la France. Je me souviens – ce n’est pas si lointain – que la précédente majorité avait évoqué la possibilité d’intégrer l’opération Barkhane à l’APD.
Les dispositions de cet amendement s’inscrivent tout d’abord dans une logique de visibilité. Intégrer comptablement les dépenses militaires risque de gonfler artificiellement l’APD, sans aucune plus-value pour les habitants des pays concernés.
À titre d’information, sachez que l’équivalent de vingt-six heures des dépenses militaires mondiales suffirait à financer les 5, 5 milliards de dollars nécessaires pour aider les personnes les plus vulnérables de la planète. Si l’on ramène ce chiffre à l’échelle de la France, qui a son lot d’OPEX et d’actions de coopération, on peut imaginer l’impact qu’aurait la comptabilisation de ces dépenses.
À la suite d’une mission au Niger, le FMI avait souligné que les allocations budgétaires des secteurs de l’éducation et de la santé étaient évincées par la prise en charge des besoins prioritaires de sécurité, ce qui handicapait l’atteinte des objectifs de développement. Le FMI a donc lui-même pointé le problème.
Il me semble au contraire qu’il faut recentrer la définition de l’APD, à l’instar de l’OCDE, sur l’aide fournie par les États, afin de promouvoir le développement économique et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement.
C’est exactement ce que soulignait le président de la commission voilà quelques instants en parlant de nourrir, de soigner et d’éduquer. C’est bien sur ces questions que doit se concentrer la croissance de l’APD. Évitons les confusions et distinguons bien ce qui relève de l’aide publique au développement de ce qui n’en relève pas.
Cet amendement tend à préciser que les actions de coopération militaire auxquelles participe la France ne constituent pas des actions entrant dans le champ de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
La définition de l’APD par l’OCDE exclut déjà les actions de coopération militaire, que la France ne comptabilise pas. Les réflexions en cours cherchent plutôt à permettre le financement d’actions ayant une relation indirecte avec la sécurité, essentielle pour le développement des pays concernés.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Le montant des dépenses auxquelles font référence les auteurs de cet amendement est extrêmement faible : quelque 0, 1 % de l’APD brute française en 2019.
Par ailleurs, l’Agenda 2030 des Nations unies, auquel tout le monde fait référence, à juste titre, depuis le début de ce débat, reconnaît le lien inextricable entre sécurité et développement.
L’objectif de développement durable, l’ODD 16, nous appelle à apporter collectivement une réponse coordonnée aux défis rencontrés par les bénéficiaires, en améliorant l’articulation et la cohérence des actions de différents acteurs relevant de la défense, de la sécurité, de l’humanitaire, du développement, etc.
La distinction entre activités militaires et activité d’appui au développement est clairement établie par les règles de comptabilisation de l’APD établies par l’OCDE, auxquelles nous nous conformons.
Le financement de matériels militaires et d’activité militaire n’est pas compatible avec l’APD. Si certaines activités de développement conduites par des acteurs de sécurité, comme la formation à la protection civile, par exemple, sont prises en compte dans l’APD, elles sont soumises à des règles très strictes adoptées dans le cadre de l’OCDE en 2016.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je vais retirer cet amendement, non sans prendre note des propos très clairs de M. le ministre sur cette distinction particulièrement nette.
Je retire mon amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 127 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Le Nay, Longeot, Détraigne, de Belenet et Kern, Mme Dindar, M. Hingray, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Levi, Mmes Gatel et Perrot, MM. Folliot, Cigolotti et Chauvet, Mme Férat, M. Duffourg, Mme Billon, M. P. Martin, Mme Jacquemet et M. Delcros, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Après le mot :
dont
insérer les mots :
l’enfance et
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle favorise la participation effective des enfants et des jeunes.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Cet amendement vise à consacrer la participation des enfants et des jeunes à la politique de développement.
Souvent sous-estimée, voire oubliée, cette participation est pourtant un aspect essentiel de l’approche par les droits qui est citée dans le cadre de partenariat global, le CPG. Cette précision est également fondamentale si l’on considère que, dans les pays prioritaires de la France, les moins de 18 ans représentent souvent la moitié de la population.
Il s’agit d’un apprentissage à la citoyenneté et à l’émancipation, qui participe du principe « plutôt choisir que subir ».
L’amendement n° 207, présenté par Mmes Lepage et Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mme Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle favorise la participation authentique des enfants, des jeunes et des organisations des jeunesses, qu’elle reconnaît comme acteur et actrices du développement et des dynamiques de transformation sociale.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme Doineau, mais sa formulation est plus précise.
En effet, la participation des enfants et des jeunes est un aspect essentiel de l’approche par les droits, qui vise à rendre les bénéficiaires de la coopération-développement acteurs et actrices de leur propre développement, afin de s’assurer que ce dernier soit véritablement durable, conformément à la stratégie Droits humains et développement de 2019 du ministère des affaires étrangères.
L’égalité d’accès des filles et des garçons aux espaces de décision ne va pas de soi. La participation des jeunes, a fortiori celle des filles et des jeunes femmes, doit faire l’objet de mesures spécifiques pour être effective. La participation des filles dans les espaces politiques et économiques, comme dans tous les espaces, doit être encouragée. Elles ont un rôle clé à jouer dans les dynamiques de transformation sociale, y compris dans les positions de leader.
Il convient donc de favoriser dès le plus jeune âge le développement du leadership féminin et l’engagement des jeunes, filles et garçons, au travers d’une éducation au leadership et à la citoyenneté qui permette aux enfants et aux jeunes de développer les connaissances, attitudes et compétences nécessaires à l’exercice plein et entier de leur citoyenneté et à la défense de leurs droits.
Cette reconnaissance est également fondamentale si l’on considère, comme l’a souligné Mme Doineau, que dans les pays prioritaires de la France, les moins de 18 ans représentent la moitié de la population.
Cet amendement a pour objet que les organisations de jeunesse participent de manière effective au développement et en soient reconnues comme des actrices à part entière.
L’amendement n° 192 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 6, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle favorise la participation effective des enfants et des jeunes, et tout particulièrement les filles et les jeunes femmes, qu’elle reconnaît comme acteurs et actrices du développement et des dynamiques de transformation sociale.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Cet amendement est en cohérence avec les avancées inscrites dans le cadre de partenariat global et avec l’approche fondée sur les droits humains des Nations unies, qui vise à rendre les bénéficiaires de toute politique de développement acteurs et actrices de leur propre développement, afin de s’assurer que ce dernier soit véritablement durable.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent ces trois amendements en discussion commune : il s’agit de s’assurer de la participation de toute la jeunesse, en particulier de celle des filles et des jeunes femmes, aux projets de développement qui les concernent.
Cette participation des jeunesses est fondamentale pour la défense effective de leurs droits et la prise en compte de leur situation et de leurs parcours sociaux spécifiques. De nombreuses jeunes filles et jeunes femmes, via des systèmes d’oppression sexiste et des mariages forcés ou une exclusion des sphères de décision, sont écartées de la vie citoyenne de leur pays ou de leur localité.
Nous devons, dans le cadre d’une diplomatie féministe cohérente, encourager la participation de toutes et tous, dès le plus jeune âge. Il faut prendre en considération et inclure de façon spécifique les femmes et les filles dans les projets de développement.
Dans certains pays, la jeunesse représente près de la moitié de la population – d’ailleurs, les femmes et les filles représentent aussi la moitié de la population, une moitié trop souvent « invisibilisée » par la poursuite de systèmes inégalitaires entre les hommes et les femmes
L’amendement n° 1 rectifié tend à ajouter à l’article 1er A des mentions relatives à la jeunesse et à l’enfance, en vue de leur participation effective à la politique de développement solidaire. Il s’agit d’une précision utile s’agissant de pays où la proportion de jeunes et d’enfants au sein de la population est généralement très élevée.
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié et défavorable sur les amendements n° 207 et 192 rectifié, même si elle en partage l’esprit.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 207 et 192 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 206, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, et les personnes en situation de pauvreté et les plus vulnérables, afin que tous puissent être en capacité d’exercer leurs droits
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Cet amendement vise à demander la participation des personnes en situation de pauvreté et des plus vulnérables à la politique de développement.
La France a beaucoup contribué à intégrer cette notion d’extrême pauvreté et de vulnérabilité aux travaux du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, et cela dès 2012 ; je pense d’ailleurs que vous y avez participé, monsieur le ministre.
Ces dernières années, la France a repris cette référence à la participation des personnes pauvres et vulnérables dans l’ensemble des lois adoptées. Il me paraît normal que nous la traduisions à l’échelle internationale, comme le préconise la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
Cet amendement tend à préciser que les personnes en situation de pauvreté et les plus vulnérables doivent être associées aux projets de développement.
Il s’agit là d’une exigence que l’on ne peut que partager, s’agissant en particulier de pays où ces catégories sont malheureusement fortement présentes au sein de la population.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 125, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est fondée sur les besoins des pays récipiendaires. À cette fin, la France veille notamment à favoriser la maîtrise d’ouvrage et la réalisation, par les États, les entreprises et la société civile de ces pays, de leurs projets de développement économique.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vise à graver dans la loi la volonté de la France de favoriser la maîtrise d’ouvrage et la réalisation par les États, les entreprises locales et la société civile des projets de développement économique.
Un exemple suffit à illustrer combien il est nécessaire d’adopter cet amendement. Il s’agit d’un exemple particulièrement scandaleux, qui fait beaucoup parler et sur lequel j’ai interpellé le Gouvernement, en novembre dernier, dans une question écrite à laquelle je n’ai pas encore reçu de réponse : le train urbain d’Abidjan.
C’est un projet ancien, dont le coût avait été chiffré, en 2002, à 100 milliards de francs CFA par le Bureau national d’études techniques et de développement, le BNETD, de Côte d’Ivoire. Mais les gouvernements français successifs se sont fait les relais des grands groupes hexagonaux pour aboutir à un projet de 1 044 milliards de francs CFA, exclusivement dans les mains d’entreprises françaises.
Le chemin de fer Burkina-Ghana, par exemple, dix fois moins cher par kilomètre que le train urbain d’Abidjan, transportera trois fois plus de passagers et assurera 17 millions de tonnes de fret par an.
Cerise sur le gâteau, si j’ose dire, monsieur le ministre, votre collègue Bruno Le Maire se prend manifestement pour le ministre des finances ivoirien. Il a ainsi déclaré, le 30 avril dernier, qu’il voulait absolument accélérer les travaux du chantier !
Nous voyons bien qu’il faut cesser ces pratiques qui ponctionnent ces pays au lieu de les développer. Nous sommes ici au cœur du problème de la cohérence de nos politiques de développement.
Le coût actuel du train urbain d’Abidjan représente cinq fois plus qu’il n’en faut pour assainir toute la ville en vue d’éviter les inondations annuelles au cours de la saison des pluies ou autant que le chemin de fer San-Pedro-Man, d’une longueur de 660 kilomètres, essentiel pour l’exploitation du nickel et du fer, et qui est évalué à 1 050 milliards de francs CFA, pour ne citer que ces exemples.
Les auteurs de cet amendement entendent lutter contre les « contrats liés ». Or l’APD française est quasi totalement déliée !
L’AFD s’efforce déjà de s’appuyer sur les entreprises locales, mais elle tâche aussi d’obtenir des réponses aux appels d’offres par des entreprises françaises.
Certes, il est souhaitable de faire travailler encore davantage les entreprises locales, mais il ne faudrait pas donner l’impression que la France n’est pas attentive aux besoins des pays récipiendaires : un amendement des rapporteurs à l’article 1er A, adopté en commission, a d’ailleurs mis au premier plan ce principe de réponse aux besoins des pays.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
L’article 1er A rappelle que la politique de développement de la France « veille à s’aligner sur les stratégies de développement des pays partenaires et à répondre aux besoins des populations », conformément au principe d’efficacité de l’aide agréé au niveau international, en particulier dans les déclarations de Paris et d’Accra, auxquelles la France s’est conformée.
Ces principes comprennent le délitement de l’aide, notamment la mise en œuvre de la recommandation sur le délitement de l’aide publique au développement, adopté par l’OCDE en 2001.
Ces recommandations constituent donc des instruments juridiques de l’OCDE, sans portée juridique obligatoire, mais dotés d’une force morale importante en ce qu’ils représentent la volonté politique des États membres. La France est très respectueuse de ce principe. L’aide liée reste très modeste : elle représente environ 3 % du total des engagements bilatéraux depuis 2010.
Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le Cicid, de 2002 a décidé le délitement de l’intégralité de l’aide-projet gérée par l’AFD, quel que soit le pays bénéficiaire.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur le ministre, je vous ai parlé d’un exemple très concret – je pourrais malheureusement en mentionner bien d’autres – et vous me répondez en évoquant des principes !
Ces principes, inscrits dans le texte, sont très justes. Mais je soulève la question de la cohérence de notre intervention dans ces pays.
Nous sommes ici au cœur du problème : si, d’un côté, nous énonçons des principes et que, de l’autre, l’intervention des grandes entreprises françaises, avec le soutien du Gouvernement, conduit à faire exactement le contraire et à piller financièrement ces pays au travers de projets qu’ils ne maîtrisent plus nous faisons l’inverse de ce que nous affirmons.
Comme il est question, dans ce projet de loi, de cohérence et de commission indépendante d’évaluation, nous espérons que ces questions seront examinées sérieusement. Les politiques que nous menons sont-elles réellement en cohérence avec nos objectifs, ou nous contentons-nous d’inscrire des principes dans des textes ?
Ces politiques sont mises en œuvre non seulement par la puissance publique, mais aussi par de grands groupes privés, avec le soutien avéré du Gouvernement. L’exemple du train urbain d’Abidjan fait partie de ces sandales, mais il y en a malheureusement beaucoup d’autres, notamment en Afrique de l’Ouest.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 314, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit de la question importante du ciblage et de la non-discrimination.
Nous proposons d’en revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, en supprimant la deuxième phrase de l’alinéa 7.
Je le rappelle, lors de la dernière Conférence nationale humanitaire, le Président de la République a rappelé l’attachement de la France au principe de non-discrimination dans l’attribution de l’aide, conformément aux conventions de Genève, notamment celle de 1949.
Derrière ce principe, auquel nous sommes très attachés, se pose une question très sensible dans le cadre des actions humanitaires et de développement que nous finançons sur le terrain : le criblage des bénéficiaires finaux des projets.
La règle générale, c’est que l’action humanitaire implique la non-discrimination, raison pour laquelle nous considérons que le criblage des bénéficiaires finaux de l’action humanitaire ne doit pas être imposé.
À l’inverse, dans le domaine du développement, nos opérateurs, notamment l’AFD, sont soumis à un certain nombre d’obligations relatives, par exemple, à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En conséquence, ils sont tenus de veiller au criblage des bénéficiaires finaux.
Le problème est qu’il existe une zone grise, qui concerne les actions dites « de stabilisation ». Souvent, les modalités d’intervention des projets concernés doivent être appréciées au cas par cas. Je pense notamment aux transferts de cash, directs ou indirects, dans le cadre de projets axés sur l’employabilité des jeunes ou sur la formation professionnelle.
Dans ces cas, il existe des risques de détournement. Il nous faut donc être très précis sur les attributions et les destinataires, ce qui n’est pas toujours simple. Au Mali, par exemple, un projet sur l’employabilité des jeunes et la formation professionnelle débouche sur l’attribution d’un pécule à l’issue du stage : il faut s’assurer qu’il bénéficie bien aux jeunes, compte tenu de la situation pour le moins volatile de ce pays.
De même, en République centrafricaine, les actions de développement dites « de stabilisation » privilégient les activités à haute intensité de main-d’œuvre, ce qui est très bien. Là encore, sommes-nous certains qu’il n’y a pas de risque de détournement au profit des milices, qui sont très nombreuses dans ce pays ?
Pour ces raisons, je souhaite que l’on en revienne à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui avait également fait l’objet d’un débat. Je m’étais engagé auprès des députés, et je m’engage aussi auprès de vous à remettre un rapport très précis aux présidents des commissions concernées, pour apprécier la situation et identifier la méthode.
Je ne dis pas que tout est à risque, mais qu’il y a des risques. Je sais, pour les avoir rencontrées, que certaines ONG y sont défavorables, mais leur rôle n’est pas de s’assurer de la sécurité. En raison de mes responsabilités et des différentes fonctions que j’ai occupées, je pense qu’il y a un problème.
Il ne s’agit pas d’une position définitive. Je m’engage à remettre un rapport, qui à mon avis devrait aboutir à la définition de critères à prendre en compte, selon les types d’opérations – il s’agit simplement de savoir s’il faut procéder à un criblage pour engager certaines opérations. Ce rapport devra être prêt dans trois mois, car cette question appelle un examen attentif des commissions concernées.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
en situation de crise humanitaire
La parole est à Mme Nicole Duranton.
L’alinéa 7 de l’article 1er A inscrit pleinement l’action humanitaire dans la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France.
Cet amendement vise ainsi à pleinement intégrer cette phrase, insérée en commission, dans le sujet du volet d’urgence dont traite ce paragraphe.
Lors de la dernière Conférence nationale humanitaire, le Président de la République a réaffirmé l’attachement de la France au principe de non-discrimination dans l’attribution de l’aide, suivant les besoins des populations en situation d’urgence humanitaire.
Le droit international humanitaire ne porte aucun jugement sur les motifs des combats et ne fait pas de distinction entre les personnes qu’il protège. Tout le monde doit être traité avec humanité.
Quant au sujet du criblage appliqué à l’ensemble de l’aide publique au développement, il est justement traité à l’article 13 du présent projet de loi, dans le cadre d’une demande de rapport.
En effet, la réflexion sur la doctrine française est encore en mouvement, compte tenu de l’engagement du Gouvernement de faire aboutir ces travaux d’ici au mois de juin. Les auteurs de cet amendement estiment plus opportun d’en attendre les résultats avant de définir légalement le criblage.
Monsieur le ministre, nous avons bien compris vos arguments. De même, vos exemples sont convaincants.
Votre amendement vise à supprimer l’introduction, par la commission, du principe de non-discrimination, au motif que le rapport réalisé au titre de l’article 13 de ce texte doit permettre de traiter cette question dans les trois mois à compter de la promulgation de la loi.
Toutefois, j’en suis désolé, mais nous préférons l’amendement présenté par Mme Duranton, qui vise à conserver la mention du principe de non-discrimination tout en précisant son application, raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 314.
L’amendement n° 36 rectifié tend à supprimer la mention du principe de non-discrimination dans l’article 1er A, au motif qu’il s’appliquerait non seulement en situation d’urgence humanitaire, comme l’a confirmé le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale humanitaire, mais aussi, plus largement, à toute l’aide publique au développement, ce qui pourrait, dans certains cas, empêcher le criblage nécessaire des bénéficiaires de l’aide.
Par ailleurs, l’article 13, introduit par les députés, oblige le Gouvernement à remettre un rapport en vue d’adapter les règles en vigueur. Il est effectivement préférable, tout en réaffirmant le principe de non-discrimination pour les situations d’urgence humanitaire, d’attendre les conclusions de ce rapport pour se prononcer sur une extension supplémentaire de ce principe.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 36 rectifié.
J’ai beaucoup d’intérêt pour l’amendement de M. Yung, mais, s’il était adopté, nous risquerions paradoxalement d’exclure d’une dispense de criblage certaines activités relevant de la stabilisation, dès lors que nous nous en tenons au concept humanitaire.
Le rapport que j’ai évoqué permettra de clarifier les choses, mais, lorsqu’il sera remis, la loi sera déjà promulguée. Je suis donc plutôt favorable à ce que l’on attende. Tel que je sens les choses évoluer, ce rapport constituera un élément d’identification et de clarification des types d’action de stabilisation, laquelle correspond à la période succédant à la crise humanitaire.
Il y a donc ici un risque réel. Je m’en remets à votre sagesse, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, je le répète, je crains que l’adoption de cette proposition ne suscite un effet boomerang, ce que personne ne souhaite.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 141, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
en matière de
insérer les mots :
territorialité des sanctions et d’occupation et de colonisation de territoires ainsi que de
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Au travers de cet amendement, nous appelons à une vigilance certaine de la part de la France.
L’aide publique au développement de la France est cohérente ; elle s’inscrit dans le strict respect du droit international. Il convient donc de s’interroger sur les actes comptabilisés en APD en direction des pays qui enfreignent le cadre international.
Se pose aussi la question des mesures de compensation que la France pourrait mettre en œuvre afin de neutraliser les conséquences de ces pratiques diplomatiques délétères. Mais elle ne pourra pas les assumer à elle seule…
L’amendement est plus précis, car il vise deux cas.
Premièrement, en ce qui concerne l’extraterritorialité des sanctions, les États-Unis sont en ligne de front : aux termes de la loi sur le commerce avec l’ennemi, ils imposent aux États des sanctions extraterritoriales et rétroactives. Ainsi, une entreprise française qui commercerait ou aurait commercé avec Cuba ou l’Iran s’expose à des amendes. À ce titre, BNP Paribas avait été condamnée à verser 9 milliards d’euros.
Bien que ces amendes soient rarement recouvrées, elles ont un effet dissuasif important sur les entreprises. Or la jurisprudence internationale, si elle a admis des extensions au principe de territorialité des sanctions, a rendu un avis clair contre la pratique américaine, au nom de la souveraineté des États.
Le principe de souveraineté permet aux États de promulguer des lois éventuellement extraterritoriales, sous réserve qu’elles ne soient pas contraires aux règles de droit international.
Dès lors, seule l’extraterritorialité d’édiction est autorisée, mais pas son exécution. Si les États-Unis sont logiquement inéligibles à l’APD, il semble essentiel que la France porte une attention particulière aux pays victimes de l’extraterritorialité.
Deuxièmement, l’amendement a pour objet la colonisation ou l’occupation de territoires. Dans la même logique, il conviendrait, au titre de l’APD, de prendre en considération la situation spécifique de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Une nouvelle fois, il s’agit de renforcer la cohérence de l’APD avec le droit international, d’autant que la colonisation par Israël de la vallée du Jourdain prive les Palestiniens de la moitié de leur territoire, dont son cœur économique et agricole.
Dans ce contexte de crise, alors qu’Israël est à la pointe dans le domaine de la vaccination, ce pays a refusé l’administration de vaccins aux populations colonisées et a tenté de bloquer l’approvisionnement en doses des autorités palestiniennes.
Cet amendement vise à promouvoir le respect, par la politique de développement solidaire, du droit international en matière de territorialité des sanctions, d’occupation et de colonisation de territoires.
Il ne nous paraît pas pertinent de décliner l’ensemble des normes de droit international que cette politique doit respecter : il va de soi que la France est tenue de s’y soumettre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Louault, Canévet, Le Nay, Détraigne et Moga, Mmes Herzog, Saint-Pé et Férat, M. J.M. Arnaud, Mmes Billon et Jacquemet et MM. Chauvet, Delahaye, Longeot et P. Martin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France protège et défend la diversité culturelle et linguistique, notamment l’usage de la langue française et du plurilinguisme au sein des enceintes multilatérales.
La parole est à M. Philippe Folliot.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cet article visait à fixer les objectifs de la politique de développement solidaire.
Nous proposons de faire de la francophonie, de l’usage et de la défense de la langue française l’un des axes majeurs de notre politique d’aide au développement.
Nombre d’instances internationales peuvent en témoigner mieux que vous, monsieur le ministre : derrière l’usage du français, il s’agit de défendre plusieurs valeurs universelles auxquelles notre République est attachée.
Nous devons faire en sorte que cette dimension de la francophonie devienne l’un des axes forts de la politique que nous allons mener – nous défendrons plus tard d’autres amendements s’agissant de l’apprentissage du français.
L’affirmation de la francophonie est essentielle : nous devrions tous pouvoir nous y retrouver. Placer la défense du français au cœur de notre politique constituerait une avancée positive, tant pour la France que pour la francophonie.
L’amendement tend à inscrire des mentions relatives à la défense de la langue française au sein de l’article 1er A.
Cependant, la commission a déjà ajouté la promotion de la francophonie à l’alinéa 3. Celle-ci figure donc parmi les grands principes de la politique de développement solidaire. Il ne nous semble pas nécessaire d’ajouter des mentions supplémentaires.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est plutôt favorable à cet amendement, même si la France mène déjà une politique active pour développer la francophonie.
Notre pays est le premier contributeur de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, et des opérateurs de la francophonie.
En outre, il déploie des moyens importants pour la promotion de la francophonie au travers de projets d’éducation : le programme « Apprendre », mis en œuvre par l’Agence universitaire de la francophonie, est ainsi financé à hauteur de 20 millions d’euros par l’Agence française de développement, l’AFD, afin de soutenir l’éducation primaire et secondaire de 27 pays francophones.
Nous avons demandé à l’AFD de promouvoir davantage la francophonie, à l’occasion de l’extension de son mandat aux industries culturelles et créatives, avec un ciblage sur les pays francophones.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 208, présenté par Mmes Conway-Mouret et Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mme G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales promeut les droits à une prise en charge médicale, à l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle ainsi qu’à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
La politique d’aide au développement de la France a pour but d’éradiquer les inégalités mondiales, notamment en agissant sur les fragilités qui touchent les populations des pays en développement, a fortiori les populations les plus vulnérables.
Paradoxalement, les personnes en situation de handicap, qui souffrent souvent d’exclusion sociale dans leur pays, sont les grandes oubliées de ce projet de loi. Elles devraient pourtant être prioritaires et bénéficier de notre pleine solidarité.
Selon l’Organisation des Nations unies, l’ONU, plus de 650 millions de personnes se trouvent en situation de handicap dans le monde ; quelque 500 millions d’entre elles vivent dans des pays en voie de développement.
Les individus en situation de handicap sont confrontés à de nombreux obstacles. Ils ne bénéficient pas d’un accompagnement personnalisé, dans le cadre de leur formation et de la réalisation de leur projet professionnel, lorsqu’ils y ont accès.
Étant pour la plupart privés d’un outil de mobilité, ils ont en outre de grandes difficultés à accéder au marché du travail. Le taux de chômage et d’inactivité économique qui les frappe s’élève à près de 80 %.
Les enfants en situation de handicap, eux aussi, font l’objet d’exclusion et se trouvent en conséquence privés de leur droit à l’éducation. En Afrique subsaharienne, seuls 10 % de ces enfants ont accès à l’éducation.
Cet amendement vise donc à faire en sorte que l’aide bilatérale de la France, qui combat toute forme de discrimination, œuvre aussi en faveur du respect des droits de l’homme, particulièrement au bénéfice des personnes souffrant de handicap.
En adoptant cet amendement, nous réaffirmerions que la politique d’aide au développement de la France doit donner les moyens indispensables aux individus handicapés vivant dans des pays en voie de développement, de telle sorte qu’ils deviennent des acteurs à part entière de leur société.
Le présent amendement a pour objet de prendre en compte les personnes souffrant de handicap au sein de l’article 1er A.
Cet article a pour intérêt d’offrir un résumé des principaux objectifs de la politique de développement solidaire française. Celle-ci est ainsi rendue intelligible, en dépit de sa complexité.
Les très nombreuses déclinaisons de ces objectifs ont toute leur place au sein du cadre de partenariat annexé. Nous ne souhaitons pas introduire de nouvelle priorité dans l’article.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je comprends le souhait de placer l’intégration des personnes handicapées au cœur de l’action de la France pour l’accompagnement des pays en développement dans la construction de sociétés durables et inclusives.
Cependant, il n’est pas envisageable de décliner, au sein de l’article, l’ensemble des objectifs en matière de droits de l’homme, traités dans les conventions que la France a ratifiées.
C’est pourquoi le Gouvernement a été favorable à l’ajout de la convention relative aux droits de l’enfant dans le rapport annexé. En outre, il est fait référence à ces préoccupations à l’article 62 du cadre de partenariat global.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les chiffres que je viens de vous communiquer sont éloquents, me semble-t-il : 500 millions de personnes souffrent de handicap, seulement 10 % des enfants handicapés sont scolarisés et 80 % des personnes handicapées sont au chômage !
Nous sommes amenés à faire le constat suivant : aujourd’hui, trop peu de mesures sont mises en œuvre au bénéfice de ces populations, alors qu’elles font l’objet d’une exclusion sociale exacerbée – elles se trouvent souvent à la croisée de différents facteurs d’inégalités et de discriminations. Elles doivent être aidées, même si la politique en leur faveur ne doit pas être érigée en priorité.
Monsieur le ministre, je conçois que cet article ne peut pas énoncer toutes les priorités, mais la prise en charge de 500 millions de personnes devrait tout de même pouvoir trouver une place dans un texte qui prétend lutter contre les discriminations et les inégalités !
Je suis donc surprise qu’il n’ait pas été fait référence aux personnes souffrant de handicap. Nous proposons simplement, par souci de cohérence avec l’esprit du projet défendu par le Gouvernement, que la future loi fasse mention de ces personnes.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 209, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales promeut la santé comme bien public mondial. Dans ce cadre, la France s’assure d’un égal accès à la santé pour tous, en particulier pour les pays au revenu les plus faibles et promeut, aux côtés de l’Union européenne, la signature d’un traité international sur la préparation et la riposte aux pandémies qui consacre les vaccins comme biens communs mondiaux. À ces fins, la France soutient le partage et l’accès au niveau mondial de la recherche, la production et l’accès aux vaccins.
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Au risque de me répéter, la pandémie de covid-19 a été révélatrice des inégalités mondiales dans la recherche et la production des vaccins.
Si l’initiative Covax a été la bienvenue – vous ne sembliez pas satisfait que j’évoque le sujet tout à l’heure, monsieur le ministre –, elle est restée insuffisante.
L’objectif initial était très limité, puisque le dispositif Covax devait assurer la vaccination gratuite de seulement 20 % de la population des 92 pays à faibles revenus. À la fin du mois de mars, nous en étions encore très loin : 15 millions de doses avaient été livrées, sur les 600 millions de doses promises à l’origine.
Depuis lors, le processus de vaccination s’est accéléré. Mais, désormais, il est essentiel de renverser l’ordre des choses, d’ouvrir une brèche au sein de l’OMC et de lever temporairement les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins. Ce serait l’un des moyens pour lutter contre la pandémie. Nous savons qu’il ne sera pas suffisant, contrairement aux leçons que l’on est venu nous faire ici. Nous savons aussi qu’il faudra produire des vaccins partout et créer des plateformes de production, en particulier en Afrique.
Néanmoins, la levée des brevets est une réponse, qui permettra d’abattre les barrières et de garantir le transfert des technologies. Nous devons en passer par là si nous voulons procéder d’urgence à une vaccination mondiale !
Les épidémiologistes du monde entier nous alertent : nous disposons d’un an, et peut-être de moins de temps encore, pour vacciner l’ensemble de la population de la planète et atteindre l’immunité collective mondiale.
Au travers de cet amendement, nous proposons de consacrer le vaccin comme un bien public mondial et appelons à signer un traité international pour préparer la riposte aux pandémies. Le Président de la République s’est déclaré favorable à ce traité, contrairement à certains ministres, qui sont venus nous dire que nous ne comprenions rien à la situation…
Alors que nous écrivons cette loi, nous ne saurions être à la remorque du Président de la République. Je souhaite donc vivement que notre proposition soit inscrite dans ce texte.
Le sujet des pandémies, tout particulièrement de celle que nous vivons aujourd’hui, est bien sûr majeur.
Toutefois, une référence à la signature d’un traité sur la riposte aux pandémies a d’ores et déjà été introduite à l’alinéa 69 du cadre de partenariat global, lors de l’examen du texte en commission.
Il n’apparaît donc pas pertinent d’y faire de nouveau référence au sein du présent article, lequel ne doit comprendre que les grands objectifs de la politique d’aide au développement, lesquels englobent le domaine de la santé.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Il est difficile de faire valider, par un texte de loi, un projet de traité qui n’existe pas encore… D’autant que, aux termes de l’article 52 de la Constitution, c’est au Président de la République qu’il revient de négocier et de ratifier les traités.
Cela étant, je tiens à mettre les choses au point s’agissant des vaccins. Je vous entends dire des choses tout à fait contradictoires, madame Carlotti. Je rappelle que, la semaine dernière, trois jours durant, j’ai assisté au sommet du G7 à Londres ; je puis vous certifier que cette question y a été largement abordée.
C’est bien la France qui a été à l’initiative de Covax ! L’Union européenne et beaucoup d’autres partenaires ont ensuite pris le relais. Lorsque ce mécanisme a été créé, il y a un an, nous n’avons reçu aucun encouragement, alors que nous étions en droit d’en attendre quelques-uns.
Covax, que nous soutenons via la Vaccine Alliance Gavi, a tout de même permis de préempter deux milliards de doses. Celles-ci sont aujourd’hui en cours de distribution, comme j’ai pu le constater dans les pays où je me suis rendu.
Il s’agit donc d’une initiative de la France, soutenue par l’OMS et validée par de nombreux pays, lesquels feront certainement en sorte d’être à la hauteur des vaccinations, même si cela suppose plusieurs précautions que je vais évoquer.
En ce qui concerne les dons, la France a été au rendez-vous. En l’occurrence, chaque État prélève des doses sur ses propres contingents, notamment au bénéfice des soignants des différents pays concernés.
La capacité d’exportation constitue un autre problème. Aujourd’hui, en ce qui concerne la vaccination mondiale, le sujet principal est la production. Or, pour que l’on puisse produire des vaccins, nous devons exporter ce qui est réalisé dans un certain nombre de pays.
À cet égard, il semble que les États-Unis, dont vous saluez l’initiative, n’ont autorisé à ce jour ni l’exportation de leur propre production vaccinale ni celle des intrants pour la fabrication des vaccins. Tel n’a pas été le cas de l’Union européenne, qui exporte des doses et des intrants de manière significative.
Derrière tout cela, il y a le sujet de la propriété intellectuelle. Nous sommes tout à fait désireux de le poursuivre, en sachant que l’on doit faire plusieurs choses à la fois.
Dans l’immédiat, ce qui compte, c’est de produire des vaccins selon la capacité de production dont nous disposons. L’urgence est de délocaliser les productions dans les pays et sur les continents qui en ont le plus besoin ; je pense en particulier à l’Afrique.
Par ailleurs, l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou Adpic, conclu dans le cadre de l’OMC, autorise déjà, en cas de pandémie, le partage de la propriété intellectuelle à des pays qui souhaitent produire des vaccins localement. Le mécanisme des licences obligatoires, quant à lui, permet d’ores et déjà de lever des brevets.
Nous sommes particulièrement attentifs à ce que tout cela soit mis en œuvre. Mais encore faut-il qu’il existe des outils de production…
Pour notre part, il nous revient d’organiser le cadre général. À ce titre, une réunion se tiendra prochainement à l’OMS afin de débloquer toutes les formes de restriction existantes, pour que les chaînes d’approvisionnement mondiales puissent librement fonctionner. Cette volonté, qui est en grande partie la nôtre, est largement partagée.
Nous sommes très heureux que les États-Unis, après nombre de tergiversations, voire de blocages, commencent à ouvrir leurs perspectives à cet égard.
Monsieur le ministre, je suis ravie d’entendre que vous soutenez la licence d’office et la levée des brevets.
Toutefois, les discussions ont été amorcées depuis le mois d’octobre dernier à l’échelon mondial. À force de tergiversations, 2 millions de personnes sont décédées !
Aujourd’hui, si les États-Unis bougent, c’est en raison de la pression populaire et de la mobilisation d’organisations et de partis politiques aux échelons national et européen.
Vous dites qu’il est question d’augmenter notre capacité industrielle. Chiche ! Nous devons nous donner les moyens de cette capacité et permettre un partage des savoir-faire. Or voilà un an que la plateforme de mutualisation globale C-TAP, gérée par l’OMS, est snobée…
En ce qui concerne la difficulté à partager les savoir-faire, les chercheurs du laboratoire BioNTech soulignent tous que la production de l’ARN messager est simple et peut être standardisée rapidement. En quelques mois, grâce aux investissements publics de l’Union européenne et des États-Unis, ils ont ainsi réussi à bâtir des chaînes de production permettant d’industrialiser cette technologie.
Pourquoi n’allons-nous pas plus loin ? Pourquoi ne décidons-nous pas d’une levée systématique des brevets, pour avoir accès à ces formules et produire des vaccins ?
Le laboratoire Sanofi ne produira pas de vaccins avant le mois de septembre prochain. En attendant, il ne fait que du flaconnage !
On voit bien que le brevet constitue un blocage. Et si la France ne va pas plus loin, c’est parce que vous protégez les grands laboratoires ! Or ces derniers réalisent de gigantesques profits, au détriment de la santé des populations. C’est ce scandale-là que nous dénonçons !
Vous parlez de la licence d’office, monsieur le ministre, mais elle n’a jamais été mise en œuvre, pas même en France. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a aucune volonté politique : voilà le blocage.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame la sénatrice, je trouve assez étonnants ces provocations et l’engouement récent de votre formation politique pour les États-Unis ! Mais tout le monde peut changer…
Sourires sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.
Je veux vous dire les choses très clairement : il existe plusieurs blocages concernant la fabrication des vaccins.
Premièrement, il y a ceux qui ne veulent pas donner. La France est au rendez-vous du don. Deuxièmement, il y a ceux qui ne veulent pas exporter. L’Union européenne est au rendez-vous des exportations. Troisièmement, il y a ceux qui ne veulent pas donner d’intrants – ils sont nombreux. Quatrièmement, et enfin, il y a les brevets, à propos desquels j’ai clairement exprimé notre position.
Vous faites référence à un débat international dont l’Inde et l’Afrique du Sud ont été à l’initiative. Pour ma part, j’ai rencontré les ministres des affaires étrangères de ces deux pays.
Nous travaillons aujourd’hui à la réalisation d’une unité de production en Afrique du Sud, avec transfert de brevets. Reste que les capacités d’exportation doivent être réelles. Ce n’est pas du flaconnage, c’est de la fabrication !
Aussi, vos propos sont insupportables, compte tenu de la mobilisation dont la France a été à l’origine et que tout le monde, y compris l’OMS, reconnaît, sauf vous.
Je veux dire l’importance symbolique que le vote de cet article représente pour nous.
À cause de ce virus, arrivé de Chine et qui présente maintenant des variants anglais, indien, et même breton, la pandémie se répand partout, sans égard pour les frontières. Nous, sénateurs de la République, nous voulons montrer que la France est au rendez-vous !
Or nous ne vous avons pas clairement entendu dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement était ou non favorable à notre proposition. Aux yeux du monde, et pour nos concitoyens, l’issue serait différente si le Gouvernement expliquait ici, aujourd’hui, qu’il ne veut pas qu’un bien mondial soit offert à l’ensemble de l’humanité.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.
Depuis une dizaine d’années, dans le cadre de l’OMC, le mécanisme Adpic permet aux pays qui le souhaitent de prendre en main les brevets – c’est le cas aujourd’hui de l’Inde, de l’Afrique du Sud et de l’Argentine.
Il a déjà été recouru à ce dispositif pour la production de traitements contre le HIV dans de grandes quantités, au bénéfice des pays africains, entre autres. Il est donc inexact d’affirmer qu’il n’a jamais été utilisé.
Nous sommes, sur cette question, au cœur d’un scandale mondial. L’Inde, qui est la pharmacie du monde entier, est en train de mourir du Covid.
Il faut donc bien changer les règles, car quelque chose ne va pas.
Monsieur le ministre, vous ironisez sur les États-Unis, mais, nous, nous n’avons pas attendu l’élection de Joe Biden pour changer d’avis sur la levée des brevets des vaccins contre le covid. Nous faisons partie des organisations qui ont lancé une campagne européenne sur cette question voilà plus d’un an.
Vous avez déclaré dans votre intervention liminaire que cette question n’était pas un tabou pour vous ; peut-être est-ce le cas, mais nous avons vu ici défiler des ministres qui nous ont tous expliqué, quand nous les interrogions sur ce sujet, qu’il n’était pas question de lever les brevets sur les vaccins, car ce n’était pas la solution. Tous, les uns après les autres, nous l’ont dit !
Il aura fallu que Joe Biden bouge un cil pour que vous changiez de position. C’est vous qui avez un problème avec les États-Unis, pas nous !
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
M. René-Paul Savary. Je partage les propos de Laurence Cohen. Je ne les trouve pas insupportables, d’autant que notre collègue défend la même position depuis un moment. Elle a un cap. Je ne dis pas que c’est le bon – je ne vais tout de même pas aller si loin !
Sourires.
Il faut bien avouer, monsieur le ministre, que l’on assiste à un grand bal des tergiversations depuis un certain temps s’agissant des brevets des vaccins. Lors de chaque séance de questions d’actualité au Gouvernement, on nous a dit que la levée des brevets n’est pas d’actualité. Et aujourd’hui, on revient en arrière.
Ce qu’il faut, c’est investir dans des capacités de recherche, afin que la France, ou en tout cas l’Europe, soit capable, une fois le vaccin mis au point, d’en produire en nombre suffisant pour tous les Européens.
On ne peut pas dire que la France ait bénéficié d’une arrivée massive de vaccins ces derniers mois, ni que la gestion de cette politique ait été une réussite extraordinaire… Des gens ont continué de mourir de cette maladie en attendant que les vaccins soient livrés.
On parle de dons et de capacités d’exportation, mais on n’a pas investi dans les moyens de production ! Il y a là quelque chose qui ne va pas.
Or on continue de tergiverser : alors que nous ne sommes pas encore tous vaccinés, on parle d’un pass sanitaire. On nous disait pourtant encore il y a peu qu’il ne fallait surtout pas s’engager dans cette voie. Aujourd’hui, il faudrait l’adopter… À force de tergiversations, les Français n’ont plus confiance. C’est comme cela que naissent un certain nombre de difficultés.
On avance d’un côté, on rétropédale de l’autre : avec le « en même temps », on fait du sur-place. Cela devient dramatique !
Je tiens tout d’abord à dire à M. Laurent que, pour m’être rendu en Inde, je sais que la situation y est dramatique.
Ce pays a un problème de gouvernance, non pas de production de vaccins. L’Inde produit un vaccin en quantité significative, un dérivé de l’AstraZeneca, qui s’appelle le Covishield. N’utilisez donc pas n’importe quel argument pour entretenir une polémique qui, selon moi, n’a pas lieu d’être.
J’indique également qu’un sommet du G20 consacré à la santé aura lieu dans quelques jours. L’ensemble des questions que nous abordons ici y sera posé.
Je rappelle enfin, comme l’a dit M. Yung, qu’il existe un dispositif technique permettant le partage de la propriété intellectuelle en cas de pandémie entre les pays qui souhaitent produire localement des vaccins. Il s’agit de l’accord Adpic.
Cet accord sera appliqué en Afrique du Sud, lorsque nous monterons le projet. Nous le ferons non pas seuls, mais avec l’Afrique du Sud, qui est demandeuse, y compris de transferts majeurs de technologie, comme des vaccins de haute technologie, pour les diffuser ensuite en Afrique. Il faudra d’ailleurs convaincre les Africains de se faire vacciner.
Le problème est donc global : il faut prendre en compte la question de la propriété intellectuelle, des intrants et de la production, mais aussi la volonté d’exporter ou de donner.
Enfin, monsieur Roger, il n’est pas possible que le Gouvernement autorise aujourd’hui la ratification d’un traité qui n’existe pas ! Je ne vois pas comment cela serait possible. Je souhaite qu’un tel traité existe et qu’il soit soumis au Parlement, mais ce n’est pas le cas pour l’instant.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er A est adopté.
I. – Le présent titre fixe jusqu’en 2025 les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et la programmation financière qui leur est associée. La présente programmation financière est actualisée avant la fin de l’année 2023, après consultation et vote du Parlement, afin d’examiner la possibilité d’atteindre en 2025 l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut consacrés à l’aide publique au développement.
II. – (Non modifié) Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui établit le cadre de partenariat global fixant les orientations, la stratégie, les modalités de pilotage au niveau central et dans les pays partenaires, ainsi que le cadre de résultats, de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
III. – La France consacrera 0, 55 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement en 2022.
IV. – 1. Les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement », hors charges de pension et à périmètre constant, évolueront comme suit :
En millions d ’ euros courants
Crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement »
2. (Supprimé)
3. À compter de 2022, une part de 60 % du produit de la taxe sur les transactions financières, avec un minimum de 1 020 millions d’euros, est versée au fonds de solidarité pour le développement.
4. (Supprimé)
V. – (Non modifié) L’évolution des autres ressources concourant à l’aide publique au développement de la France, qui contribuent également à l’effort visant à consacrer 0, 55 % du revenu national brut à celle-ci en 2022, est précisée de manière indicative dans le cadre de partenariat global annexé à la présente loi.
VI. – La hausse des moyens prévue au présent article contribuera notamment au renforcement, d’ici 2022, de la composante bilatérale de l’aide publique au développement de la France et de la part de cette aide qui est constituée de dons. La composante bilatérale de l’aide publique au développement française devra atteindre 70 % du total à compter de 2022 et sur toute la période 2022-2025. Les dons devront représenter au moins 65 % du montant de l’aide publique au développement française en flux bruts à compter de 2022 et sur toute la période 2022-2025. Ces moyens sont concentrés sur les pays les moins avancés, en particulier les pays prioritaires de la politique française de développement. En 2025, au moins 30 % de l’aide pays programmable (APP) de la France devra bénéficier à ces pays prioritaires.
VI bis. – (Non modifié) Les services de l’État concourant à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales disposent de moyens humains cohérents avec les ressources prévues au présent article.
VII. – Le montant de l’aide publique au développement allouée à des projets mis en œuvre par des organisations de la société civile actives dans le domaine du développement international augmentera en vue d’atteindre, en 2022, 1 milliard d’euros. La France s’engage à maintenir la progression de ce montant afin de tendre vers la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
VIII. – (Non modifié) L’État reconnaît le rôle, l’expertise et la plus-value des organisations de la société civile, tant du Nord que du Sud, et de l’ensemble des acteurs non étatiques impliqués dans la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Il met en œuvre, au profit des organisations de la société civile, françaises ou implantées dans les pays partenaires, appartenant à des catégories définies par décret, un dispositif dédié à des projets de développement qu’elles lui présentent, dans le cadre de leur droit d’initiative, en vue de l’octroi, le cas échéant, d’une subvention. Les projets financés participent à l’atteinte des objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
IX. – Le montant des fonds consacrés par l’État au soutien de l’action extérieure des collectivités territoriales augmentera en vue d’atteindre, en 2022, le double du montant constaté en 2017. Les dépenses de solidarité internationale des collectivités territoriales sont exclues de tout objectif national visant à encadrer l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre.
X. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement met en place, après consultation des parties prenantes, une base de données ouvertes regroupant les informations relatives à l’aide publique au développement bilatérale et multilatérale de la France. Cette base de données est mise en œuvre par l’État et les opérateurs dont il assure la tutelle. Le Gouvernement encourage les parties prenantes à s’approprier ces données.
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l’aide publique au développement de la France.
XI. – Dans le cadre de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, et sous réserve de l’article 706-164 du code de procédure pénale, sont restituées, au plus près de la population de l’État étranger concerné, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel, le recel de blanchiment ou le blanchiment de recel de l’une des infractions prévues aux articles 314-1, 432-11 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-4, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsque la décision judiciaire concernée établit que l’infraction d’origine a été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un État étranger, chargée d’un mandat électif public dans un État étranger ou d’une mission de service public d’un État étranger, dans l’exercice de ses fonctions, à l’exclusion des frais de justice.
À cette fin, les recettes mentionnées au premier alinéa du présent XI donnent lieu à l’ouverture de crédits budgétaires au sein de la mission « Aide publique au développement », placés sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères, et financent des actions de coopération et de développement dans les pays concernés au plus près des populations, dans le respect des principes de transparence et de redevabilité, et en veillant à l’association des organisations de la société civile. Le ministère des affaires étrangères définit, au cas par cas, les modalités de restitution de ces recettes de façon à garantir qu’elles contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations et au renforcement de l’État de droit ainsi qu’à la lutte contre la corruption dans ce ou ces pays où les infractions mentionnées au précédent alinéa ont eu lieu.
Cadre de partenariat global
Préambule
La pandémie de covid-19 est une crise mondiale sans précédent qui n’épargne pas davantage les pays du Nord que ceux du Sud. Au-delà de ses conséquences sanitaires, cette crise renforce considérablement les défis globaux auxquels la planète est déjà confrontée : la survenance des pandémies du fait de la détérioration de la nature et l’apparition concomitante des zoonoses, l’accroissement des inégalités entre nos pays et dans nos pays, l’augmentation de la pauvreté, l’insécurité alimentaire, le développement des fragilités et des instabilités. Dans certaines régions du monde, elle remet en cause les progrès réalisés au cours des dernières décennies. Elle met à jour plus que jamais l’interdépendance des États et des populations, devant une multiplication et une imbrication des crises sanitaires, environnementales et sociales, qui se conjuguent dans un monde en plein bouleversement.
Ces crises appellent une réponse multilatérale et coordonnée, car il n’y a que collectivement, dans le dialogue et la coopération, que nous pourrons faire face durablement aux enjeux globaux contemporains. Elles appellent aussi un investissement renforcé pour prévenir les crises futures et protéger les biens publics mondiaux, en particulier la santé, le climat, la biodiversité et l’éducation, avec une attention particulière portée aux pays les plus vulnérables, notamment ceux d’Afrique, qui ne disposent pas des mêmes ressources pour faire face à la crise et poursuivre leur transition vers des modèles de croissance plus résilients, plus inclusifs et plus durables.
Cet effort est non seulement une priorité pour la planète, une exigence d’humanité, mais aussi notre intérêt collectif bien compris, puisque ces crises affectent directement les Français, à la fois dans leur vie quotidienne et dans leur capacité à se projeter dans un avenir sûr et prospère.
Dans ce contexte, la France prend ses responsabilités et fait le choix de redoubler d’efforts pour traiter les causes profondes des crises et des fragilités. À travers sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, notre pays est pleinement engagé pour bâtir avec ses partenaires une capacité de réponse multilatérale et solidaire face aux grands déséquilibres globaux. Cette politique s’accompagne de moyens en hausse en vue d’atteindre 0, 55 % du revenu national brut (RNB) consacrés à l’aide publique au développement (APD) en 2022 et d’un cadre d’action rénové, au service de priorités géographiques et sectorielles clairement définies ainsi que de résultats concrets sur le terrain. Elle constitue un pilier de la politique étrangère de la France.
Dans un contexte de remise en cause profonde du multilatéralisme et de la coopération internationale, de compétition accrue entre grandes puissances, qui mettent en avant des discours et des intérêts divergents, et alors que de nouveaux acteurs investissent le champ du développement sans nécessairement partager les règles et valeurs forgées par la communauté internationale au cours des dernières décennies, la politique de développement de la France permet de projeter à l’international ses valeurs, ses priorités et ses intérêts, ainsi que ceux de l’Europe, et de les faire valoir au sein des institutions multilatérales comme auprès des principaux acteurs du développement.
Le présent cadre de partenariat global fixe les objectifs et principes d’action de la politique de développement et les axes prioritaires d’intervention, sur les plans géographique et thématique. Il décline l’architecture renforcée du pilotage et les moyens de mise en œuvre de ces orientations stratégiques. Il renouvelle son cadre de résultats et détaille les prévisions d’APD.
I. – Objectifs et principes d’action
A. – Objectifs
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectifs principaux, d’une part, l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, la promotion de l’éducation et de la santé, d’autre part, la promotion des droits humains, en particulier des droits de l’enfant, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons, enfin la protection des biens publics mondiaux, la préservation du climat par la baisse des émissions de gaz à effet de serre et de la biodiversité.
Elle contribue à construire et assurer la paix et la sécurité en complément de l’action diplomatique et militaire, dans une approche globale intégrée. En soutenant les pays les plus pauvres et en investissant dans le développement durable de nos partenaires, en particulier en Afrique, elle contribue à la fois à répondre aux causes profondes des déséquilibres mondiaux et à renforcer la place de la France dans le monde.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales concourt à la politique étrangère de la France ainsi qu’à son rayonnement et à son influence culturels, diplomatiques et économiques. Elle œuvre également à la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits humains, de protection sociale, de développement et d’environnement.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France s’efforce de faire primer le pilotage par les résultats sur le pilotage par les engagements financiers. À cette fin, elle s’appuie sur les évaluations réalisées par la Commission indépendante d’évaluation créée par l’article 9 de la présente loi.
B. – Cadre multilatéral et européen
La France promeut le multilatéralisme, méthode efficace et indispensable de coopération pour faire face aux enjeux globaux contemporains et protéger les biens publics mondiaux. Ainsi, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales s’inscrit dans un cadre multilatéral et européen :
– celui des Nations unies, avec : a) les objectifs de développement durable (ODD), qui fixent un agenda universel dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté en septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies ; b) l’accord de Paris sur le climat ; c) le cadre stratégique mondial pour la biodiversité 2011-2020 et ses objectifs dits « d’Aichi » ; d) le programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement ; e) la Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme ;
– celui de l’Union européenne, avec la réalisation du consensus européen pour le développement adopté en juin 2017, cadre commun aux institutions de l’Union européenne et de tous les États membres, et celle du consensus européen pour l’aide humanitaire, renouvelé en octobre 2017. Alors que l’Union européenne et ses États membres fournissent plus de la moitié de l’APD mondiale et que la France est l’un des principaux contributeurs à l’aide européenne, la France favorise la convergence entre ses priorités géographiques et sectorielles et les orientations de la politique européenne de développement. Elle inscrit son action dans le cadre de la programmation conjointe entre l’Union européenne et les États membres et contribue à agréger l’aide d’autres partenaires européens pour créer des effets de levier, être plus efficace et démultiplier les résultats.
Dans le cadre de cette approche fondée sur le multilatéralisme, la France tient particulièrement compte, dans l’élaboration de sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, des obligations internationales résultant de l’application des traités et conventions auxquels elle est partie.
C. – Partenariats
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est définie et mise en œuvre dans le cadre de partenariats multipartites. À ce titre, la France reconnaît pleinement le rôle, l’expertise et la plus-value des collectivités territoriales, notamment d’outre-mer, des organisations de la société civile, tant du Nord que du Sud, impliquées dans la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, et de l’ensemble des acteurs non étatiques.
L’État mobilise l’ensemble des acteurs concernés en France et dans les pays partenaires, en particulier les citoyens, les parlementaires, les collectivités territoriales, les organisations de la société civile et acteurs non étatiques, dont les organisations syndicales, les entreprises, notamment celles de l’économie sociale et solidaire et de l’entrepreneuriat social, l’enfance et les jeunesses, les diasporas et les établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de formation. La mobilisation du secteur privé implique non seulement la mise en œuvre par les entreprises françaises de projets dans les pays partenaires mais aussi le renforcement du tissu économique local, en particulier celui des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Cette dimension partenariale lui permet de démultiplier l’impact de son action en faveur de la réalisation des ODD.
La France intègre les connaissances et les savoirs de la société civile et encourage les initiatives des diasporas en France, qui, au-delà de la mobilisation de moyens financiers, jouent un rôle clé par les compétences et l’expérience qu’elles peuvent mettre à disposition de leur pays d’origine. La France engage aussi l’ensemble de sa communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche à coopérer et soutenir leurs homologues dans les pays en développement, dans une perspective de renforcement des capacités scientifiques et technologiques de ces derniers. Elle reconnaît l’importance de l’engagement citoyen à l’international, notamment celui des jeunes. Elle encourage et soutient les initiatives des acteurs de l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale, cette dernière s’adressant non seulement à tous les jeunes et aux éducateurs, mais aussi aux adultes, autour d’un triptyque « informer, comprendre, agir ». La France encourage la participation de tous les citoyens, en particulier celle des publics traditionnellement les plus éloignés du champ de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. La France encourage l’accès de tous, en veillant à intégrer celles et ceux qui vivent en situation de pauvreté ou de vulnérabilité, aux dispositifs de volontariat à l’international, y compris dans le cadre de la mobilité croisée et des volontariats réciproques.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est fondée sur un dialogue étroit avec les pays partenaires, sur la prise en compte de leurs stratégies de développement et sur les besoins des populations. À cette fin, dans les pays partenaires en développement et jugés prioritaires par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), l’ambassadeur accrédité auprès du pays partenaire définit des orientations stratégiques, dans le cadre d’un dialogue partenarial renforcé avec les autorités locales et les parties prenantes locales de la solidarité internationale, en lien avec les opérateurs français présents, les conseillers des Français de l’étranger ainsi que les parlementaires des Français établis hors de France, les organisations françaises de la société civile et les acteurs de la coopération décentralisée. Il tient compte de la programmation européenne et de l’action des autres bailleurs internationaux, afin d’éviter les actions redondantes et de donner la priorité d’action au bailleur disposant de la compétence la plus manifeste ou s’étant déjà engagé de manière importante dans un secteur donné. Ces orientations contribuent à la stratégie-pays et à la programmation-pays élaborées sous l’autorité de l’ambassadeur dans le cadre du conseil local de développement.
D. – Efficacité, transparence et redevabilité
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France s’appuie sur des principes partagés en matière d’efficacité de l’aide, définis notamment par la Déclaration de Paris (2 mars 2005) et réaffirmés à Busan (1er décembre 2011) et à Nairobi (1er décembre 2016) dans le cadre du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement. Elle adhère aux principes de l’appropriation des priorités de développement par les pays partenaires, d’harmonisation, d’alignement, de priorité accordée aux résultats, de partenariats pour le développement ouverts à tous ainsi que de transparence et responsabilité mutuelle.
Afin de favoriser l’accès à l’information, l’appropriation et la lisibilité de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales pour l’ensemble des citoyens, la France met en œuvre les standards internationaux en matière de transparence de l’aide publique au développement, en particulier vis-à-vis du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et en matière de données ouvertes, conformément à la charte des données ouvertes du G8 pour l’ouverture des données publiques signée par la France en 2013. Elle donne également accès aux informations relatives à l’aide au développement, qu’elle publie sur une plateforme unique, à l’ensemble des pays en développement partenaires. Elle encourage tous les acteurs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales à contribuer activement à cet effort, en particulier en rejoignant les organisations non étatiques fournissant au Comité d’aide au développement de l’OCDE des données statistiques sur leur activité.
La France construit sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales dans un esprit de responsabilité partagée avec les autres bailleurs et les principales organisations internationales pour le développement. Elle fait preuve d’une exigence accrue vis-à-vis des pays partenaires en développement et promeut vis-à-vis d’eux une logique de réciprocité.
E. – Cohérence des politiques pour le développement durable
L’État favorise la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans la réalisation des ODD dans les pays partenaires, en particulier les politiques sociale, éducative et culturelle, commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, de recherche et d’innovation et d’appui aux investissements à l’étranger.
Une cohérence est également recherchée entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des politiques publiques nationales, en vue de la réalisation par la France des ODD et de l’accord de Paris. À cette fin, la France s’est dotée d’une feuille de route nationale de mise en œuvre des ODD en 2019. Élaborée sous la coordination du Premier ministre et en concertation étroite avec l’ensemble des ministères et parties prenantes concernés, elle propose une vision partagée et un plan d’action pour accélérer la mise en œuvre des grandes transformations à mener pour le développement durable. Elle assure la cohérence des politiques, sur les plans international et national, en vue de la réalisation de l’Agenda 2030 et permet d’assurer un suivi des progrès réalisés à l’aide d’un ensemble de quatre-vingt-dix-huit indicateurs français de développement durable, validé dans le cadre d’un groupe de travail multi-acteurs mis en place par le Conseil national de l’information statistique (CNIS) en 2018.
La France veille à cette cohérence ainsi qu’au respect des engagements pris dans le cadre des ODD et de l’accord de Paris pour toutes les politiques de l’Union européenne influant sur le développement des pays partenaires.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France protège et défend la diversité culturelle et linguistique, notamment l’usage de la langue française et du plurilinguisme au sein des enceintes multilatérales. Elle accorde une attention particulière à la francophonie et participe à la cohésion politique et économique de l’espace francophone. Face aux dynamiques démographiques et à l’évolution du paysage linguistique, notamment en Afrique, la France soutient les actions déployées par les institutions de la francophonie pour promouvoir la langue française et améliorer l’accès à une éducation de qualité pour tous favorisant l’insertion civique, sociale et professionnelle.
II. – Axes prioritaires de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales
A. – Priorités géographiques
La priorité géographique de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France est accordée aux pays d’Afrique, où convergent tous les défis contemporains, d’ordre social, économique, démographique, climatique, d’urbanisation accélérée, politique et sécuritaire et qui sont affectés de manière disproportionnée par les conséquences de la crise sanitaire liée à la covid-19, mais qui disposent d’atouts et sont des acteurs de premier plan dans la coopération internationale pour faire face aux enjeux globaux et protéger les biens publics mondiaux. Au sein du continent africain, la région du Sahel mobilise tout particulièrement les efforts et l’engagement de la France compte tenu du caractère aigu des crises et des fragilités qu’on y rencontre et des liens forts et anciens tissés avec les pays concernés.
La France a décidé de consacrer 75 % de l’effort financier total de l’État en subventions et en prêts et au moins 85 % de celui mis en œuvre via l’Agence française de développement (AFD) dans la zone Afrique et Méditerranée.
Face à la multiplication des facteurs de fragilité, la France renforce son action dans les pays en crise, en sortie de crise et en situation de fragilité. Elle concentre sa politique de développement sur dix-neuf pays prioritaires définis par le CICID du 8 février 2018, appartenant tous à la catégorie des pays les moins avancés (PMA) : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo. Ces pays concentrent les principaux défis pour atteindre les ODD, alors que leur capacité à financer des investissements dans les infrastructures de base est très limitée. Les dix-neuf pays prioritaires bénéficient dans ce contexte de la moitié de l’aide projet mise en œuvre par l’État, dont un tiers est concentrée sur les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), et des deux tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD.
Dans les pays à revenu intermédiaire, en particulier en Amérique latine, en Asie et dans le voisinage de l’Union européenne, notamment dans les pays des Balkans occidentaux, la France s’appuie largement sur l’instrument des prêts, dont elle se sert pour mobiliser d’autres apports financiers. Elle développe une gamme d’instruments étendue avec des acteurs non souverains, en particulier le secteur privé, les collectivités territoriales et les sociétés civiles. Dans ces pays, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France repose sur des principes de responsabilité partagée et de réciprocité, notamment en matière de gestion des biens publics mondiaux et de lutte contre le changement climatique ainsi que contre la pauvreté et les inégalités.
B. – Priorités thématiques
L’approche transversale au cœur de l’Agenda 2030 est indispensable pour relever les défis de la préservation des biens publics mondiaux, en prenant en compte leurs interconnexions et de façon à prévenir tout risque d’éviction. L’enjeu est d’accroître les synergies dans le traitement des questions liées au climat, à la biodiversité, à l’égalité entre les femmes et les hommes, aux crises et fragilités, aux droits humains et, en particulier, aux droits de l’enfant, mais également à la santé et à la recherche en matière de santé et de vaccins, à l’éducation, à la sécurité alimentaire, à la gestion de l’eau et de l’assainissement, au développement humain, à la protection de la planète et de ses ressources, à la croissance économique inclusive et durable, à la gouvernance démocratique et à la réduction de la fracture numérique. Pour engager les sociétés du Nord et du Sud sur des trajectoires plus justes et durables et mieux prévenir les crises, la politique de développement de la France adopte une approche intégrée de ces différentes problématiques.
a) Priorités transversales
1. Relever les défis environnementaux et climatiques les plus urgents de la planète
La France inscrit la diplomatie environnementale et climatique au cœur de sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Elle s’engage avec détermination en faveur de la mise en œuvre irréversible de l’accord de Paris sur le climat, en particulier son objectif central de limiter l’augmentation de la température à 2°C voire 1, 5°C si possible. Cette priorité se traduit par une augmentation des moyens consacrés à la lutte contre le changement climatique, notamment l’adaptation, que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat définit comme un ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d’atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des opportunités bénéfiques. L’objectif est d’atteindre un équilibre entre adaptation et atténuation tel qu’inscrit dans l’accord de Paris, que ce soit en milieu marin, afin d’accroître la résilience des États les plus vulnérables, ou en milieu urbain, les villes étant responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. La France est particulièrement active pour mobiliser les institutions multilatérales, afin que ces dernières fixent un montant croissant de cobénéfices climat à leurs interventions et excluent les investissements incompatibles avec les contributions déterminées au niveau national des pays bénéficiaires de l’aide.
La France concentre son action sur la mobilisation de flux financiers publics et privés pour financer la transition écologique, l’orientation des investissements vers un développement à faibles émissions et résilient aux impacts du changement climatique, la protection des populations vulnérables aux effets du changement climatique et à ses impacts irréversibles, ainsi que la mise en place de politiques publiques adéquates pour atteindre les objectifs fixés dans les contributions prévues déterminées au niveau national. La France s’est engagée à développer l’accès à l’énergie sur le continent africain, en particulier à travers le développement des énergies renouvelables et la mise en place de réseaux de transport et de distribution qui leur soient adaptés. À cet effet, la France, dans une démarche de dialogue avec ses partenaires étatiques et les sociétés civiles, participera à la création d’une communauté méditerranéenne des énergies renouvelables afin de contribuer à l’élaboration d’un partenariat inclusif en Méditerranée autour du développement durable. Elle accompagne ses partenaires dans l’identification de solutions pour une mobilité sobre en carbone et encourage le développement d’infrastructures vertes, inspirées de solutions fondées sur la nature, y compris pour assurer la résilience des villes côtières face aux effets des événements climatiques extrêmes. La France continue de soutenir l’initiative pour la transparence dans les industries extractives et s’assure de l’effectivité, dans son périmètre d’action, de l’application aux gouvernements responsables des industries extractives des réglementations européennes relatives à la transparence des paiements. La France veille à l’encadrement des exportations de déchets à l’étranger, en cohérence avec les principes de justice environnementale et de respect des droits humains.
Sur le plan bilatéral, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France dans le domaine environnemental est essentiellement mise en œuvre à travers le groupe AFD, sous la forme de ressources financières, de renforcement de capacités, de soutien à la recherche et à l’enseignement supérieur et de transfert de technologies. Dans le cadre de sa stratégie climat, l’AFD s’est engagée à ce que son activité soit compatible à 100 % avec l’accord de Paris d’ici à 2020. Elle accompagne donc les pays partenaires pour renforcer l’ambition des contributions déterminées au niveau national. À la lumière de l’accord de Paris, elle veille à ce que la transition écologique soit juste pour les populations en situation de vulnérabilité. La France intervient également à travers le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), instrument créé en 1994 à la suite du Sommet de la Terre de Rio et dont l’objectif est de préserver l’environnement dans les pays en développement.
Sur le plan multilatéral, la France s’est fortement mobilisée pour permettre d’atteindre la cible d’une recapitalisation du Fonds vert pour le climat à hauteur de quasiment 10 milliards de dollars américains en 2019, en doublant sa contribution, qui s’élèvera à 1, 5 milliard d’euros. Elle travaille pour renforcer la gouvernance de ce fonds et en faire un outil de transformation au service des États africains et des pays et populations les plus vulnérables. Elle mobilise également à ce titre son expertise technique au profit de ces États, au moyen notamment de l’agence Expertise France. La France est également le cinquième pays contributeur au Fonds pour l’environnement mondial (FEM), qui finance des projets dans le cadre de cinq conventions internationales majeures dans le domaine de l’environnement : les trois conventions issues de la conférence de Rio de 1992 (changements climatiques, diversité biologique, lutte contre la désertification) ainsi que les conventions sur les polluants organiques persistants et le mercure. Sa contribution à la septième reconstitution du FEM pour 2019-2020 s’élève à 300 millions de dollars. La France contribue également au Fonds d’adaptation au changement climatique et au Fonds pour les pays les moins avancés, qui financent exclusivement des projets d’adaptation au changement climatique dans les pays en développement, le second étant principalement actif sur le continent africain.
En matière de biodiversité, la France contribue à l’émergence d’un niveau d’ambition internationale à la hauteur des enjeux que représente la « sixième extinction de masse » des espèces. Dans le cadre de la préparation de nouveaux objectifs dits « post-Aichi » lors de la COP 15 de la convention sur la diversité biologique (CDB), la France promeut une approche globale du développement durable, intégrant la biodiversité (conformément aux ODD 14 et 15 de l’Agenda 2030). Sur le plan financier, la France accroît de plus de 300 millions d’euros ses contributions aux projets internationaux répondant conjointement à l’objectif de lutte contre le changement climatique et à l’objectif de protection de la biodiversité. La France plaide par ailleurs au niveau européen pour une prise en compte ambitieuse des cobénéfices environnementaux, climatiques et de biodiversité dans les instruments d’action extérieure de l’Union européenne relatifs au développement.
Enfin, la France prend part à la lutte contre le trafic des espèces sauvages en soutenant des projets et initiatives de lutte contre le braconnage et le commerce illégal d’espèces sauvages, particulièrement en Afrique subsaharienne, et s’attache à mettre en œuvre une politique de lutte contre la déforestation, y compris importée, tenant compte des enjeux environnementaux, climatiques et humains.
2. Soutenir la grande cause du quinquennat qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons
Les inégalités entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons perdurent partout dans le monde. Les évolutions récentes et les nouveaux enjeux globaux rendent nécessaire la poursuite d’une action résolue en faveur de la concrétisation de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’égalité entre les filles et les garçons et des droits des femmes, des filles et des adolescentes dans l’ensemble des régions du monde. L’autonomisation politique, économique et sociale des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes, promue dès le plus jeune âge, constituent un socle fondamental du développement durable. La France reconnaît les filles, adolescentes, jeunes femmes et femmes comme des actrices à part entière des dynamiques de transformation sociale, en ne les considérant pas uniquement comme des bénéficiaires de l’aide, et favorise leur participation effective à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des programmes et politiques publiques les concernant.
Dans le cadre de l’Agenda 2030 des Nations unies, et en vue d’atteindre l’ODD 5, la France a décidé de renforcer significativement son action, sur le plan stratégique et opérationnel, afin d’intégrer l’égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte systématique du genre, à la fois de façon transversale et spécifique, au cœur de son action. À travers sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, la France vise à assurer aux femmes et aux filles le libre et égal accès aux services sociaux de base, tels que l’éducation et la santé sexuelle et reproductive, à favoriser l’accès aux ressources productives et économiques ainsi que leur contrôle et l’accès à l’emploi décent et à garantir le libre et égal accès des femmes et des filles aux droits et à la justice et la protection contre toutes les formes de violence, dont les mutilations sexuelles. Elle vise à assurer la participation effective des femmes dans les espaces de décisions économiques, politiques et sociaux ainsi qu’aux processus de paix et sécurité.
Composante de sa politique extérieure féministe, la diplomatie féministe de la France se matérialise dans les engagements d’aide publique au développement et la mobilisation des opérateurs publics autour de l’objectif de l’égalité entre les femmes et les hommes, objectif transversal à tous les programmes et à toutes les interventions de la France. L’État s’engage à tendre vers un marquage « égalité femmes-hommes » conforme aux recommandations du plan d’action sur l’égalité des genres de l’Union européenne, soit en pourcentage des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale programmable française : 85 % comme objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal, suivant les marqueurs du comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Dans cette perspective, il s’engage à ce qu’en 2025, 75 % des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale programmable française aient l’égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif et 20 % pour objectif principal.
L’AFD met en œuvre une nouvelle génération de projets qui ciblent les déterminants de la fécondité et visent à éviter la déscolarisation des filles et à prévenir les grossesses adolescentes. Elle favorise l’émergence de la société civile et renforce sa capacité de mobilisation et de sensibilisation des populations, mais aussi d’influence auprès des gouvernements. L’AFD accorde une importance croissante à l’approche par les droits à la santé sexuelle et reproductive, à la lutte contre les mutilations sexuelles et aux dynamiques démographiques en Afrique subsaharienne.
Sur le plan multilatéral, la France s’est engagée à poursuivre son action pour l’accès aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR) et à œuvrer au renforcement des systèmes de santé néonatale, maternelle et infantile, notamment en Afrique de l’Ouest et du Centre, via le Fonds français spécifique « Muskoka », mis conjointement en œuvre par quatre organismes des Nations unies, et le Partenariat de Ouagadougou. Elle soutient l’organisation ONU Femmes et le Fonds des Nations unies pour les populations. Elle copréside en 2021 le Forum Génération Égalité, rassemblement mondial pour l’égalité entre les femmes et les hommes, organisé par ONU Femmes en partenariat avec la société civile. Au niveau européen, la France défend une prise en compte ambitieuse des cobénéfices en matière de genre en soutenant l’objectif de 85 % de projets intégrant des cobénéfices genre, conformément aux objectifs du plan d’action genre de l’Union européenne. Elle participe également, à travers l’UE, à l’initiative « Spotlight » pour éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles.
3. Prévenir et traiter les crises et les fragilités
Dans un monde marqué par les impacts négatifs croissants de la crise climatique et environnementale et la montée des crises humanitaires, politiques, sociales et sécuritaires, la France place la lutte contre les fragilités et les inégalités mondiales au cœur de sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. En 2030, si les tendances actuelles se poursuivent, les zones de fragilité et de crise, en particulier en Afrique subsaharienne, concentreront 80 % de l’extrême pauvreté dans le monde. La persistance de fragilités peut déboucher sur des crises politiques, sociales et économiques majeures, affecter durablement le développement et la stabilité de nombreux pays en développement et être à l’origine de crises humanitaires. Les enfants sont les premières victimes de ces crises compte tenu, notamment, des conséquences qu’elles entraînent sur les structures éducatives et les structures dédiées à la protection de l’enfance. Les changements climatiques et la dégradation des écosystèmes agissent comme des facteurs aggravants des crises. En accord avec l’ODD 16, qui reconnaît le lien étroit entre sécurité et développement, la France agit pour aider les États les plus vulnérables à répondre aux crises et à analyser et traiter les causes profondes des fragilités avant qu’elles ne débouchent sur des crises ouvertes. Sur le plan multilatéral, la France appuie aussi le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dont le mandat se focalise sur la promotion de la paix, de la stabilité et d’une gouvernance efficace fondée sur l’État de droit.
La France promeut une approche globale et de long terme pour mieux anticiper les risques et pour agir sur les causes profondes des fragilités et des crises. Elle s’efforce de mieux coordonner l’ensemble des acteurs mobilisés dans les domaines de la diplomatie, de la sécurité, du développement, de la stabilisation et de l’aide humanitaire, en recentrant les actions sur les missions de chacun dans le cadre d’une approche globale, pour appuyer les processus de sortie de crise et pour soutenir l’établissement de systèmes inclusifs de gouvernance répondant efficacement aux besoins des populations et leur garantissant un accès effectif à leurs droits en vue de permettre un retour à la sécurité intérieure découlant de la stratégie de sécurité nationale. Afin d’optimiser cette coordination et, plus largement, son action en faveur de la résolution des crises, la France met en œuvre tous les moyens de nature à permettre la bonne exécution des missions de chacun des acteurs en présence, en tenant compte, notamment, des contraintes qui leur sont inhérentes. Elle associe également, autant que faire se peut, les populations bénéficiaires à l’élaboration et au déploiement des initiatives qu’elle met en place dans le cadre de la résolution des fragilités et des crises. Au Sahel, dans les zones de crise où l’État est en fort recul, la France accompagne les approches territoriales intégrées permettant un retour des services de base en direction des populations.
Face à la multiplication des crises, l’action humanitaire de la France représente un pilier de sa politique étrangère et de développement solidaire et de lutte contre les inégalités : à l’échelle mondiale, le nombre de personnes nécessitant une assistance humanitaire a plus que doublé entre 2012 et 2017, pour atteindre près de 135, 7 millions de personnes en 2018. Ces diverses crises touchent plus particulièrement les femmes, comme l’illustre aujourd’hui celle liée à la covid-19. À travers son action humanitaire, la France vise à préserver la vie et la dignité des populations de pays touchés par des crises de toutes natures, en répondant à leurs besoins fondamentaux : accès à l’eau et à l’assainissement, à la nourriture, aux soins de santé et à un abri. Afin de se donner les moyens de répondre à ces besoins croissants, la France s’est dotée d’une stratégie humanitaire 2018-2022 et triplera sa contribution financière annuelle d’ici 2022. Au-delà du rehaussement des moyens, cette stratégie préconise une diplomatie humanitaire active promouvant le respect du droit international humanitaire et centrée sur l’accès aux populations les plus vulnérables, sur l’impératif de neutralité et sur l’objectif de régulation des conflits. De même, elle doit permettre à la France d’œuvrer tant à l’échelle internationale qu’à l’échelle nationale afin de soutenir l’action humanitaire menée par des organisations dont les missions et les actions répondent aux principes de neutralité, d’indépendance et d’impartialité.
Dans cette perspective, l’action de stabilisation de la France constitue également un des piliers de la réponse aux crises. Elle vise à appuyer un processus de sortie de crise par des actions de terrain couvrant de nombreux domaines : services de base, relèvement socio-économique, gouvernance, réconciliation, déminage. La stabilisation est un instrument clé s’inscrivant au cœur des articulations sécurité-développement et humanitaire-développement.
La France renouvelle, par ailleurs, son attachement au principe de non-discrimination des populations bénéficiaires de son assistance humanitaire.
4. Défendre une approche fondée sur les droits humains
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France promeut une approche fondée sur les droits humains, visant à renforcer les capacités des citoyens afin qu’ils soient en mesure de faire valoir leurs droits et à accompagner les États partenaires pour qu’ils se conforment à leurs obligations de respect, de protection et de mise en œuvre de ces mêmes droits, au premier rang desquels figure l’identité juridique, réalisable notamment via l’existence d’un état civil fiable et en permettant aux populations d’y avoir accès. La France, à cette fin, adhère au groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique et contribue au Fonds pour l’enregistrement des naissances qui lui est attaché. La France s’engage notamment en faveur des libertés d’expression, de croyance et d’information, de la lutte contre la peine de mort, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, de la dépénalisation universelle de l’homosexualité et pour la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Elle s’engage aussi en faveur de la protection de l’enfant et de ses droits tels qu’ils sont rappelés, notamment, dans la convention relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et signée par la France le 26 janvier 1990. Elle contribue au renforcement des médias libres et indépendants et de la société civile dans les pays en développement, notamment dans les pays où la désinformation des populations contribue activement à l’instabilité et à la résurgence de mouvements et d’activités terroristes. La France met également l’accent sur la protection des défenseurs des droits humains, y compris les membres des organisations syndicales, afin que leurs libertés d’expression et d’action soient respectées. La France s’engage à devenir un pays pionnier à l’avant-garde des efforts pour atteindre l’objectif de développement durable visant à l’éradication du travail forcé, de l’esclavage moderne, de la traite d’êtres humains et du travail des enfants.
b) Priorités sectorielles
1. Renforcer l’action pour lutter contre les maladies et soutenir les systèmes de santé
La santé est à la fois condition et outil du développement humain et économique. La promotion de la santé comme bien public mondial doit être désormais considérée comme un élément constitutif de la politique française de développement. Le droit à la santé, la promotion de l’objectif d’une couverture de santé universelle, le renforcement des systèmes de santé des pays, notamment primaires et communautaires, l’accès de tous à des produits et à des services essentiels de santé abordables, en particulier aux vaccins, médicaments et produits de santé dits essentiels et de qualité, font partie des priorités de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
La France a fait de la santé un axe majeur de son action au niveau international. Conformément aux Objectifs de développement durable 2 et 3, elle est engagée dans le renforcement des systèmes de santé, l’atteinte d’une couverture santé universelle, la lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme, la lutte contre les pandémies, la promotion des droits et de la santé sexuels et reproductifs, la lutte contre les mutilations sexuelles ainsi que le soutien à la santé maternelle, néonatale, infantile et des adolescents, y compris en luttant contre la sous-nutrition. À ce titre, la France souhaite donc inscrire la question des mille premiers jours de l’enfant au cœur de son action. Elle continue de défendre l’approche par les droits, marqueur fort de son action en matière de santé mondiale, et de prioriser les enjeux sanitaires affectant majoritairement les populations les plus pauvres ou en situation de vulnérabilité, pour atteindre la couverture santé universelle, selon une approche intégrée de la lutte contre les maladies transmissibles et non transmissibles, et pour renforcer la sécurité sanitaire au niveau international. Elle promeut le bien-être de toutes et tous, tout au long de la vie, sans aucune discrimination. La France joue un rôle moteur dans la recherche dans le domaine de la santé et place parmi ses priorités la formation, le recrutement, le déploiement et la fidélisation des personnels de santé et la mobilisation de son expertise.
La France soutient massivement les partenariats et les organisations internationales en matière de santé mondiale. Elle soutient le rôle central de coordination joué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dont elle est un État membre fondateur et à laquelle elle apporte un soutien financier accru. Elle s’appuie sur les partenariats en santé que sont le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Unitaid et GAVI l’Alliance du vaccin dont elle est respectivement le second, premier et cinquième contributeur. Lors de la reconstitution des ressources de GAVI en juin 2020, la France a annoncé une contribution de 500 millions d’euros sur le prochain cycle de financement 2021-2025. Ces choix traduisent la forte valeur ajoutée qu’apportent la mutualisation et la coordination des efforts en santé au niveau mondial.
La France s’efforce également de trouver des moyens de rendre l’action multilatérale dans le domaine de la santé mondiale plus efficace. C’est le sens de l’initiative Access to covid -19 Tools Accelerator (ACT-A) qu’elle a impulsée et dont l’objectif est d’accélérer la recherche, le développement et l’accès équitable aux vaccins, traitements et diagnostics liés à la covid-19 et de renforcer les systèmes de santé. Afin de garantir l’accès de toutes et tous à l’ensemble des traitements, molécules et technologies de santé à des prix abordables, notamment dans les pays en développement et à revenu intermédiaire, la France doit s’assurer, dans le cadre de l’initiative ACT-A et plus globalement, que la recherche et développement (R&D) financée par les fonds publics réponde à des besoins de santé publique. À ces fins, la France, aux côtés de l’Union européenne, promeut la signature d’un traité international sur la préparation et la riposte aux pandémies. Elle soutient le Plan d’action mondial, visant une meilleure coordination des bailleurs et agences multilatérales pour permettre à tous de vivre en bonne santé. À l’échelle nationale, les acteurs de la santé mondiale (ONG, établissements d’enseignement supérieur et de recherche, opérateurs, secteur privé notamment) sont étroitement associés à cette politique.
Pays fondateur et second contributeur historique au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la France a accueilli la sixième conférence de reconstitution des ressources du Fonds à Lyon en 2019 et montré l’exemple en augmentant de 20 % sa contribution. Elle s’est fortement engagée pour mobiliser les autres donateurs et permettre ainsi d’atteindre la cible de 14 milliards de dollars nécessaires pour remettre la communauté internationale sur la trajectoire de l’ODD 3, en termes de lutte contre les inégalités en santé et d’élimination des pandémies.
Les enjeux mondiaux de santé nécessitent aussi le renforcement de l’aide bilatérale, à travers l’AFD, notamment dans les pays prioritaires de la politique de développement française et sous forme de dons. Cette action bilatérale dans le domaine de la santé doit contribuer à réduire les inégalités d’accès à la santé en répondant aux défis démographiques, écologiques et sociaux contemporains, en améliorant la protection sociale des populations pour faire diminuer les barrières financières à l’accès aux soins et en prévenant et répondant aux épidémies.
Le soutien bilatéral au secteur de la santé doit également alimenter un cercle vertueux pour la réalisation de l’ensemble des ODD et contribuer à l’éducation, en particulier l’éducation complète à la sexualité, et à l’autonomisation des filles et des femmes, notamment au Sahel, ainsi qu’à la lutte contre les inégalités, à la prise en charge des personnes âgées et à l’atténuation de l’impact de l’urbanisation, de la pollution et du changement climatique sur la santé des populations.
L’initiative présidentielle pour la santé en Afrique lancée en 2019 intègre ces différents éléments de l’action de la France dans le domaine de la santé et vise à apporter un soutien politique, technique et financier à des pays engagés à augmenter leurs dépenses en santé, à renforcer leur système de santé et à accélérer leur lutte contre les grandes pandémies. Cette initiative s’appuie sur les acteurs de la recherche, l’expertise technique mobilisée dans le cadre de l’initiative 5 % gérée par Expertise France et l’augmentation des financements des projets dans le domaine de la santé, mis en œuvre par l’AFD. La France mobilise également, dans le cadre de son action bilatérale dans le domaine de la santé, ses centres médico-sociaux implantés à l’étranger.
La France plaide pour le renforcement de la dynamique de recherche innovante engagée autour du concept « Une seule santé ». Elle apporte son concours en matière de recherche, notamment dans les domaines de la santé publique, de l’agronomie et des sciences vétérinaires, à la coopération scientifique multilatérale entre l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Organisation mondiale de la santé animale et le Programme des Nations unies pour l’environnement.
2. Renforcer notre effort sur l’éducation, la formation professionnelle, l’apprentissage, l’enseignement supérieur, la mobilité internationale des jeunes, la recherche et l’innovation, au profit de l’employabilité des jeunes
L’éducation, la formation professionnelle, l’apprentissage, l’enseignement supérieur, la mobilité internationale des jeunes, la recherche et l’innovation sont au cœur de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France. Si d’importants progrès ont été réalisés, 265 millions d’enfants en âge d’être scolarisés au niveau primaire ou secondaire, pour majorité des jeunes filles, n’ont toujours pas accès à l’école, dont plus de la moitié en Afrique subsaharienne. Dans les pays du Sahel, la moitié des enfants atteignent l’adolescence sans maîtriser les apprentissages de base. Les voies de l’enseignement supérieur et professionnel sont peu nombreuses et peu diversifiées, alors que 440 millions de jeunes entreront sur le marché du travail en Afrique d’ici 2050.
Les impacts positifs de l’éducation, en particulier comme levier pour la réalisation des droits de l’enfant, et de la formation sur le développement humain et sur l’ensemble des enjeux du développement durable (égalité entre les femmes et les hommes, santé, emploi, lutte contre la pauvreté, cohésion sociale) justifient d’investir dans ce secteur sur la durée. La France prend sa part dans l’engagement renouvelé de la communauté internationale en faveur de l’éducation, en particulier comme levier pour la réalisation des droits de l’enfant, et de la formation professionnelle tout au long de la vie, conformément à l’Agenda 2030 et à l’ODD 4. Elle concentre ses efforts sur les pays les moins avancés, et particulièrement sur l’Afrique subsaharienne et le Sahel. Elle fait de l’éducation en situation de crises une priorité. Dans certaines régions, comme celle du Sahel, caractérisées par d’importants défis tels que l’insécurité, la disparition des services publics et l’évolution démographique, le renforcement de l’enseignement public, général et professionnel est nécessaire pour offrir aux jeunes des perspectives d’avenir leur permettant de s’insérer économiquement et socialement. Ce renforcement de l’enseignement est également un élément-clé du retour à la sécurité et à la stabilité de la zone.
Sur le plan bilatéral, la France, en particulier à travers les interventions de l’AFD, les activités des opérateurs dédiés à l’enseignement supérieur et à la recherche au Sud (CIRAD, CNRS, Institut Pasteur, IRD) et les projets de coopération menés par les ambassades, appuie l’accès universel à un socle de connaissances et de compétences fondamentales. Elle concentre ses efforts à la fois sur l’élargissement de l’accès gratuit à l’éducation de base (éducation primaire et jusqu’au premier niveau de l’éducation secondaire), l’inclusion dans l’éducation, en portant une attention particulière aux filles et aux enfants en situation de vulnérabilité, ainsi qu’à la petite enfance, l’amélioration de la qualité et de l’évaluation des apprentissages et l’émergence d’un enseignement supérieur et de capacités scientifiques de qualité, tout en promouvant le renforcement de la gouvernance des systèmes éducatifs. En matière de formation professionnelle, d’apprentissage et d’insertion, elle soutient les gouvernements partenaires pour développer une offre de formation professionnelle en adéquation avec les besoins du marché du travail dans des secteurs porteurs (agriculture, énergies, infrastructures, entrepreneuriat, etc.). En s’appuyant sur les établissements dédiés tels que l’IRD et le CIRAD, la France soutient des systèmes d’enseignement supérieur contribuant au continuum formation-recherche-innovation ainsi que l’émergence d’équipes scientifiques compétitives au plan international. Elle mobilise l’opérateur Expertise France pour appuyer les acteurs de la recherche français et leurs partenaires des pays du Sud pour obtenir des financements internationaux. Elle favorise le recours à des techniques pédagogiques innovantes, faisant appel, en particulier, aux potentialités des outils numériques.
Au niveau multilatéral, la France appuie en particulier l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), agence onusienne spécialisée pour l’éducation et la formation professionnelle, ainsi que le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), la Banque mondiale et l’Union européenne, principaux pourvoyeurs mondiaux d’aide au développement en matière d’éducation. La France a également renforcé en 2018-2020 sa contribution au Partenariat mondial pour l’éducation (PME), principal fonds dédié au renforcement des systèmes éducatifs et à l’éducation de base dans les pays à faible revenu. La France soutient également l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment pour l’appui à la mise en œuvre du travail décent dans les pays en développement.
La France engage l’ensemble de sa communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche en faveur du développement des pays partenaires. Son action vise à favoriser le développement des pays du Sud et à leur permettre d’être reconnus comme des partenaires à part entière dans la communauté scientifique internationale. Au-delà de la conduite de projets de recherche au Sud, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche français prennent en considération le renforcement des capacités locales dans la durée, dans l’objectif de pouvoir échanger avec des communautés scientifiques du meilleur niveau pour faire face ensemble aux défis mondiaux. Pour la circulation des étudiants, des scientifiques mais aussi de ces pays, la France doit mettre l’accent sur des programmes de mobilité de qualité, attractifs, lisibles, utiles et reconnus, dont la mise en œuvre est concertée avec l’ensemble des partenaires, notamment les programmes de volontariat international. La mobilité d’étudiants et de scientifiques venant des pays en développement doit être garantie en qualité et en nombre car elle est au cœur de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France, contribuant aux échanges culturels et scientifiques ainsi qu’au développement du capital humain des pays en développement. Ces mobilités Nord-Sud, Sud-Sud et Sud-Nord sont promues par des outils de partenariats innovants. La France appuie aussi les initiatives d’implantation d’établissements d’enseignement supérieur français à l’étranger, notamment en Afrique. La France s’attache particulièrement à renforcer la coopération culturelle, scientifique et d’éducation autour de la Méditerranée, notamment en favorisant les programmes de volontariat entre la jeunesse des deux rives.
3. Continuer à œuvrer pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable
La sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et la nutrition sont au cœur des enjeux de développement humain et de lutte contre la pauvreté : le coût social et économique de la malnutrition pèse sur les sociétés et entrave fortement leur développement. L’état de la sécurité alimentaire dans le monde est préoccupant : le nombre de personnes sous-alimentées a atteint 821 millions en 2017, soit 11 % de la population mondiale. En 2020, on évaluait à 135 millions dans 55 pays le nombre de personnes en insécurité alimentaire grave, chiffre qui pourrait augmenter très fortement avec les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à la covid-19. L’Afrique, notamment le Sahel et la Corne de l’Afrique, et l’Asie sont les régions les plus touchées. Par ailleurs près d’un quart des enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance (malnutrition chronique). En compromettant le développement physique et cognitif des enfants, la malnutrition retarde le développement humain et économique des pays. La malnutrition sous toutes ses formes (sous-nutrition, carences, surpoids et obésité) touche une personne sur trois à travers le monde.
La protection des populations face aux crises alimentaires ou aux situations d’insécurité alimentaire passe par l’amélioration de leur résilience aux chocs économiques et climatiques, par une meilleure prévention des risques (risques climatiques, de marchés ou sanitaires) et par la transformation vers des systèmes alimentaires produisant des aliments nutritifs, sains, sûrs, durables et accessibles à tous, garantissant la sécurité alimentaire des populations. Pour faire face à l’urbanisation croissante, elle porte une attention particulière à l’alimentation durable des villes. La France s’appuie en particulier sur l’action de son opérateur dédié, le CIRAD, et sur ses partenaires nationaux et européens, pour intégrer les résultats de la recherche agronomique dans la conception de nouveaux modèles.
Dans ce contexte, la France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois, respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité, et soutient un développement rural inclusif. La décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale 2019-2028 devra être appuyée à cet effet. Ce développement pourra se faire à travers des systèmes alimentaires durables, une intensification des approches agro-écologiques, la sécurisation de l’accès au foncier et à l’eau, le soutien aux petits producteurs, en particulier aux femmes, l’appui aux organisations paysannes, la lutte contre la dégradation et la pollution des terres et une amélioration de la nutrition des populations. La France s’attache, en particulier, à soutenir la structuration durable des filières agricoles et agroalimentaires. Elle promeut les partenariats entre des entreprises françaises et des filières de production agricole des pays partenaires, lorsque ceux-ci s’inscrivent dans des objectifs de durabilité économique et environnementale. Elle promeut également une intégration transversale de la lutte contre la malnutrition pour agir sur ses causes : sécurité alimentaire, pratiques de soins et d’alimentation, santé et assainissement. À travers l’aide alimentaire programmée et l’APD, soutenant en priorité les agricultures familiales et paysannes, la France s’engage pour aider les populations à lutter contre la malnutrition, renforcer leur résilience et leur permettre de retrouver une autonomie alimentaire tout en relançant la production et le commerce local. Dans ce cadre, elle accompagne et promeut les actions mises en œuvre dans le cadre du projet de la « grande muraille verte ».
La France considère le Comité des Nations unies pour la sécurité alimentaire mondiale comme la principale plateforme inclusive de recommandations sur les questions de politiques publiques pour la sécurité alimentaire. À l’échelle multilatérale, la France appuie le Fonds international de développement agricole (FIDA), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) et promeut une collaboration entre ces trois agences. La France met en œuvre la stratégie française pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable 2019-2024.
La France mobilise la recherche dans le domaine agricole et rural, cruciale pour accompagner les transformations profondes qu’appelle l’atteinte des ODD, notamment l’ODD 2.
La France met en œuvre le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la diversité biologique, adopté le 29 janvier 2000. Dans ses projets de coopération, la France ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de la forêt primaire.
La France considère que des droits fonciers sécurisés peuvent jouer un rôle majeur pour le développement économique des territoires, la réduction des inégalités, l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la réduction des conflits et les réponses aux défis écologiques et environnementaux, à travers notamment la séquestration de carbone et la protection de la biodiversité. À cette fin, elle s’engage dans la mise en œuvre effective des directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, notamment par l’augmentation des financements en faveur du soutien aux politiques foncières reconnaissant la légalité des droits de propriété et d’usage de la terre et mobilisant des outils de régulation de ces droits motivés par l’intérêt général. Parallèlement, la France apporte son concours à l’élaboration de directives internationales contraignantes permettant de lutter contre les formes d’accaparement des terres incompatibles avec un développement local équitable ou contre la privation des ressources naturelles des populations. Elle exerce en conséquence sa vigilance sur les projets agricoles à emprise foncière importante, publics ou privés, financés par les entités du groupe de l’Agence française de développement. Enfin, elle propose d’intégrer des clauses spécifiques au foncier dans les principes directeurs de l’OCDE concernant les investissements étrangers et d’apporter son soutien aux défenseurs des droits à la terre et à l’environnement.
4. Améliorer la gestion de l’eau et l’assainissement
Source de vie et de biodiversité, la ressource en eau est un bien public mondial. Sa préservation et son accessibilité constituent l’un des principaux défis environnementaux du XXIème siècle, d’autant plus que cette ressource est sous pression croissante, particulièrement vulnérable au changement climatique, à l’explosion démographique, à l’évolution des modes de production et de consommation et à l’urbanisation croissante.
En 2017, 2, 1 milliards de personnes n’avaient pas accès à des services d’eau potable et 4, 5 milliards de personnes à des services d’assainissement, avec des conséquences sanitaires, sociales, économiques et environnementales lourdes. 40 % de la population mondiale sera confronté
En millions d ’ euros
2017 (nouvelle méthode - à titre indicatif)
Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires
(i) Mission APD (hors prêts)
(ii) Prêts bilatéraux de l’AFD au secteur public
(iii) Instruments du secteur privé (prêts, prises de participation)
(iv) Autres
Dont bourses et écolages du MESR (P150, P231)
753
753
797
798
808
825
825
Dont frais d ’ accueil des demandeurs d ’ asile (P303)
502
502
613
835
833
852
859
Dont frais de santé des demandeurs d ’ asile
175
182
185
189
Dont recherche (P172)
342
342
341
332
338
339
339
Dont action extérieure de l ’ État (P105 et P185)
429
429
437
413
384
375
375
Autres prêts
(i) Prêts concessionnels du Trésor
(ii) Prêts multilatéraux
Contrats de désendettement (décaissements)
Contribution à l’APD financée par le budget de l’Union européenne (prélèvement sur recettes)
Allègement de la dette
Fonds de solidarité pour le développement
Total budget de l’État
Collectivités territoriales et agences de l’eau
Frais administratifs de l’AFD hors rémunération des opérations de l’AFD pour le compte de l’État
Total APD
APD en % du RNB (nouvelle série SEC 2014)
* Cette trajectoire d ’ aide publique au développement est fondée sur les données disponibles en septembre 2020.
** Dont 100 millions d ’ euros en 2022 à confirmer en fonction des dispositions du IV de l ’ article 1 er de la présente loi.
*** Hors nouveaux allègements de dette, le ratio APD/RNB s ’ établit à 0, 52 % en 2021.
La décomposition de l’APD française est la suivante :
1° L’aide financée par la mission « Aide publique au développement » (programmes 110 et 209) s’élève à 4, 8 milliards d’euros en 2022, 5, 6 milliards d’euros en 2023, 6, 4 milliards d’euros en 2024 et 7, 2 milliards d’euros en 2025, conformément à l’article 1er de la présente loi. Ces crédits permettent de financer l’activité en subventions de l’AFD (aide-projet), l’aide-projet du ministère des affaires étrangères (fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain – FSPI), les crédits de gestion et sortie de crise (fonds d’urgence humanitaire, aide alimentaire programmée, aide budgétaire) et de contribuer aux principaux fonds multilatéraux, ainsi qu’au Fonds européen de développement (la ligne « mission APD (hors prêts) » du tableau fourni à la fin du présent chapitre ne prend pas en compte les bonifications de prêts) ;
2° Les prêts bilatéraux de l’AFD (1) ;
3° Les instruments d’aide au secteur privé : les prêts, prises de participation et garanties accordés et appelés au bénéfice du secteur privé (2) ;
4° Les autres programmes du budget de l’État et de ses opérateurs, qui comprennent en particulier les frais de formation en France d’étudiants issus des pays inscrits sur la liste des pays éligibles à l’APD (écolages), les frais d’accueil et de santé de réfugiés provenant de ces mêmes pays, ainsi que les travaux de recherche sur le développement, conduits notamment par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) ;
5° Les autres prêts, principalement les prêts du Trésor ;
6° Les prêts multilatéraux au bénéfice des organisations éligibles à l’APD ;
7° La contribution française au budget de l’Union européenne finançant l’APD européenne. L’APD générée par le budget régulier de l’Union européenne est en effet attribuée à chaque État membre en fonction d’une clé de répartition représentant la part du RNB de chaque État dans le RNB total de l’Union. Elle correspond ainsi à l’APD de l’Union financée par le biais du prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne ;
8° Les opérations de traitement de la dette, y compris les contrats de désendettement, qui tiennent compte des allègements et annulations qu’il est possible de prévoir actuellement. D’autres allègements ou annulations pourraient intervenir d’ici 2022 ;
9° L’APD financée par les taxes affectées au fonds de solidarité pour le développement (taxe sur les transactions financières et taxe de solidarité sur les billets d’avion) ;
10° Une dernière catégorie de dépenses comptabilisables en APD se situe hors du budget de l’État. Elle correspond en particulier à l’APD réalisée par les collectivités territoriales, qui ne peut être prévue avec exactitude, aux frais administratifs de l’AFD ainsi qu’à la capitalisation de fonds dédiés à des opérations de financement du développement (en particulier, le fonds STOA, véhicule d’investissement filiale de la Caisse des dépôts et consignations et de l’Agence française de développement, destiné à financer des projets d’infrastructures et d’énergie dans les pays en développement).
Certaines données, notamment des crédits non pilotables (frais d’accueil et de santé des demandeurs d’asile), n’ont qu’une valeur indicative et seront actualisées chaque année dans le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » annexé au projet de loi de finances. Ce document de politique transversale indique également le suivi annuel des décaissements en dons et en prêts, par pays et par thématique, ainsi que les annulations de dette.
VI. – Cadre de résultats
Le cadre de résultats fixe, pour chacune des priorités définies par la présente loi, des indicateurs de résultats de l’aide publique au développement bilatérale et multilatérale de la France, qui sont renseignés annuellement. Il s’appuie sur une méthodologie de collecte de données précise pour chaque indicateur.
Les indicateurs bilatéraux sont calculés par le ministère des affaires étrangères (indicateurs 1.1, 1.3, 1.16, 1.18, 1.23, 1.31, 1.32, 1.33), conjointement avec le ministère de l’économie (1.30, 1.32, 1.33) et par l’AFD (1.2, 1.6, 1.7, 1.10, 1.11, 1.12, 1.17, 1.22, 1.26, 1.27), sur la base d’une méthodologie agréée.
Les indicateurs multilatéraux rendent compte des résultats globaux obtenus par les organisations et fonds multilatéraux auxquels la France contribue, plutôt que de résultats pouvant être attribués à la France. Ils comprennent, pour chaque priorité sectorielle, un indicateur issu du cadre de résultats révisé de l’Union européenne de 2018 pour la coopération internationale et le développement (indicateurs 1.4, 1.5, 1.9, 1.13, 1.14, 1.15, 1.24, 1.29, 1.34), ainsi que, le cas échéant, un indicateur du cadre de résultats des fonds et organisations suivants : Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (1.21), Alliance GAVI (1.20), Partenariat mondial pour l’éducation (1.9), Fonds mondial pour l’environnement (1.14, 1.15), Banque mondiale (1.19, 1.28) et FIDA (1.25).
Le cadre de résultats intègre également la mesure de l’atteinte des objectifs de développement durable par les pays partenaires, selon les indicateurs définis par la Commission statistique des Nations unies.
Lorsqu’elles sont disponibles, les données sont désagrégées par sexe, afin de permettre la mesure de l’impact de l’action de la France en matière de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes.
Année de référence : 2014 pour les indicateurs de résultats issus de la LOP-DSI, 2019 pour les nouveaux indicateurs.
Axes prioritaires
ODD
Objectifs par axe prioritaire
Mesure de l’atteinte des ODD par les pays partenaires (3)
Indicateurs de résultat de la politique de développement solidaire et de la lutte contre les inégalités mondiales de la France (4)
Indicateurs bilatéraux
Indicateurs multilatéraux
Renforcer la résilience des populations impactées par les fragilités et les crises
1.1 Nombre de personnes bénéficiant de l’assistance alimentaire française
1.4 Nombre de personnes sous-alimentées recevant de l’aide européenne
Crises et fragilités
16.1.1 Taux d’homicides dans les pays prioritaires
1.2 Nombre de personnes vivant en zone de crise et/ou fragile bénéficiant d’une aide de la France
Accompagner les États fragilisés pour prévenir et répondre aux crises
1.3 Nombre de policiers formés grâce à l’aide française
1.5 Nombre d’institutions soutenues en faveur de la prévention des conflits grâce à l’aide européenne
Éducation
Appuyer l’accès universel à un socle de compétences fondamentales
4.6.1 Taux d’alphabétisation des 15-24 ans dans les pays prioritaires
1.6 Nombre d’enfants scolarisés au primaire (désagrégé par sexe) et au premier niveau du secondaire grâce à l’aide française
1.8 Nombre d’enfants accueillis dans le cycle scolaire primaire et secondaire (collège) grâce au Partenariat mondial pour l’éducation
Développer une offre de formation professionnelle adéquate
4.4.1- Taux de participation des jeunes et des adultes à un programme d’éducation et de formation au cours des 12 mois précédents, dans les pays prioritaires
1.7 Nombre de personnes ayant suivi une formation professionnelle grâce à l’aide française
1.9 Nombre de personnes bénéficiant de capacités en formation professionnelles (TVET) grâce à l’aide européenne
Favoriser la transition écologique et la lutte contre le changement climatique
7.2.1- Part de l’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie et dans les secteurs de l’électricité, chaleur et transport dans les pays prioritaires
1.10 Nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées grâce à l’aide française
1.13 Nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées grâce à l’aide européenne
Climat et environnement
1.11 Émissions de gaz à effet de serre évitées ou réduites à travers l’aide française
1.14 Émissions de gaz à effet de serre évitées grâce à l’aide européenne et à l’aide du Fonds mondial pour l’environnement
Lutter en faveur de la biodiversité
15.1.2 Proportion des sites importants pour la biodiversité terrestre et la biodiversité des eaux douces qui se trouvent dans des aires protégées dans les pays partenaires
1.12 Superficies bénéficiant de programmes d’amélioration de la biodiversité ou de gestion durable des ressources naturelles grâce à l’aide française
1.15 Superficies i) terrestre et ii) maritime bénéficiant de programmes d’amélioration ou de gestion durable de la biodiversité grâce à l’aide européenne et l’aide du FME
Promouvoir l’autonomisation économique des femmes
5.5. Proxy - Proportion de femmes parmi la population active dans les pays prioritaires
Égalité femmes/hommes
Assurer la participation effective des femmes dans les espaces de décisions économiques, politiques et sociaux
5.5.1 Proportion de sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux et les administrations locales dans les pays prioritaires
1.16 Part de projets financés par la France ayant pour objectif l’égalité entre les femmes et les hommes et l’autonomisation économique des femmes
Adopter des politiques bien conçues et des dispositions législatives applicables en faveur de la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles
Assurer le libre et égal accès aux services, notamment les services sociaux de base tels que la santé sexuelle et reproductive
5.6.1 Proxy - Taux de prévalence des méthodes modernes de contraception dans les pays prioritaires
Promouvoir la santé maternelle, néonatale et infantile
3.1.1- Taux de mortalité maternelle dans les pays prioritaires
1.17 Nombre de personnes dont l’accès aux soins de qualité a été amélioré grâce à l’appui de la France
1.19 Nombre de personnes ayant bénéficié d’un ensemble de service de base de santé, de nutrition et de services aux personnes grâce à l’aide de la Banque mondiale
Santé
Faciliter l’accès universel aux soins de base
3.8.1 Indice composite CSU dans les pays prioritaires.
1.18 Nombre de pays appuyés par la France pour la mise en œuvre du Règlement sanitaire international de l’OMS
1.20 Nombre d’enfants vaccinés par GAVI
Mettre fin aux épidémies mondiales
3.3 Proxy Taux de mortalité attribuable au VIH, à la tuberculose et au paludisme dans les pays prioritaires
1.21 Nombre de personnes traitées contre le VIH, la tuberculose et le paludisme par le Fonds mondial FMSTP
Améliorer la résilience des populations
1.4. - Proxy : Part de l’agriculture dans le PIB dans les pays prioritaires (WDI Data)
1.22 Nombre d’exploitations familiales agricoles soutenues par la France
1.24 Écosystèmes agricoles et pastoraux où des pratiques de gestion durable ont été introduites avec le soutien de l’UE (ha)
Sécurité alimentaire, nutrition et agriculture durable
Aider les pays partenaires à renforcer leurs capacités productives agricoles de manière durable
Lutter contre la malnutrition
2.1.2- Prévalence de la malnutrition dans les pays prioritaires de la France
1.23 Part de projets financés par la France dont l’objectif principal ou significatif concerne la nutrition
1.25 Nombre de personnes dont la résilience s’est renforcée (en millions de personnes) (FIDA)
Eau et assainissement
Réduire le nombre de personnes souffrant de la rareté de l’eau
6.1.1- Proportion de la population utilisant des services d’alimentation en eau potable en toute sécurité dans les pays prioritaires
1.26 Nombre de personnes bénéficiant d’un service élémentaire d’alimentation en eau potable
1.28 Nombre de personnes ayant gagné un accès à des sources d’eau améliorée grâce à l’aide de la Banque mondiale
Favoriser l’accès à l’assainissement et à l’hygiène pour tous et toutes et de façon durable
6.2.1 Proportion de la population utilisant des services d’assainissement gérés en toute sécurité dans les pays prioritaires
1.27 Nombre de personnes bénéficiant d’un service élémentaire d’assainissement
1.29 Nombre de personnes bénéficiant d’une amélioration de leur service d’assainissement et/ou en eau potable grâce à l’aide européenne
Croissance inclusive et durable
Promouvoir l’intégration régionale et insertion au commerce mondial
Promouvoir le respect des normes sociales et environnementales
8.a / 8.4 Taux des échanges intra et extra-régionaux, baisse des coûts liés à la facilitation des échanges, demande d’Assistance technique par les pays en développement
1.30 Nombre de pays appuyés dans leur intégration au commerce mondial, par le biais du Programme de renforcement des capacités commerciales et des actions conduites dans le cadre de l’OMC
Promouvoir le respect des droits humains
16.10.1 Proxy : Score « voix citoyenne et redevabilité » de la Banque mondiale dans les pays prioritaires
1.31 Part de projets financés par la France ayant pour objectif le développement participatif, la démocratisation, la bonne gestion des affaires publiques ou le respect des droits de la personne
Gouvernance
Renforcer l’efficacité des institutions
16.6 Proxy : Score « efficacité du gouvernement » de la Banque mondiale dans les pays prioritaires
1.32 Nombre de fonctionnaires ayant bénéficié de formations initiale et continue dans le pays bénéficiaire, la sous-région et en France
1.34 Nombre de victimes de violations des droits humains recevant de l’aide européenne
Promouvoir une mobilisation des ressources internes efficace et équitable
17.1.1 Total des recettes publiques en proportion du PIB, dans les pays partenaires
1.33 Nombre de contribuables inscrits sur les bases fiscales
(1) Jusqu’en 2017, un prêt était comptabilisé (i) pour la totalité de sa valeur faciale dès lors qu’il est considéré éligible à l’APD, (ii) au rythme des décaissements (APD positive) et des remboursements (APD négative. La méthodologie en vigueur depuis 2018 consiste à (i) ne comptabiliser comme APD positive que l’équivalent-don du prêt mais (ii) à ne plus déduire les remboursements comme APD négative. (iii) Pour être comptabilisable en APD, un prêt doit comporter un élément-don d’au moins 45 % dans les pays les moins avancés (PMA) et autres pays à faible revenu (PFR), 15 % dans les pays à revenu intermédiaire – tranche inférieure (PRITI) et 10 % dans les pays à revenu intermédiaire – tranche supérieure. L’équivalent-don du prêt (le taux de concessionnalité) est arrêté lors de l’engagement du prêt. Ce taux est ensuite appliqué à chaque décaissement des différentes tranches du prêt considéré, pour calculer l’APD générée au fur et à mesure des décaissements.
(2) Les instruments d’aide au secteur privé sont comptabilisés en flux nets (APD positive lorsque le prêt ou la prise de participation est décaissé ou lorsque la garantie est appelée, APD négative lorsque le prêt est remboursé ou lorsque la prise de participation est revendue ou génère des dividendes).
(3) Intègrent les indicateurs ODD, si disponibles, pour les 19 pays prioritaires de la France ou pour l’ensemble des pays partenaires en fonction du champ d’action.
(4) Les indicateurs seront désagrégés par sexe dans la mesure du possible.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui nous est présenté comme une loi de programmation. Dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous vous êtes félicité de l’adoption de ce texte, à l’unanimité, à l’Assemblée nationale.
Quelle n’a donc pas été notre surprise lorsque le projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat : en fait de programmation, l’ambition est plus que limitée ! En effet, si l’objectif tant vanté de consacrer 0, 7 % du RNB à l’aide publique au développement est inscrit à l’article 1er, on n’en trouve aucune traduction concrète dans le texte.
De plus, vous parlez d’une augmentation « significative », monsieur le ministre, en galvaudant certains chiffres. Selon une dépêche de l’Agence France Presse aujourd’hui, la France n’aurait consacré que 0, 37 % de son RNB à l’APD en 2017, année de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. J’ignore d’où proviennent ces calculs, mais l’OCDE considère pour sa part que ce taux s’était établi à 0, 43 % en 2017…
À la lumière de ces chiffres, force est de constater que la hausse tant vantée est plus un effet d’annonce qu’une augmentation significative.
Telle n’est pas notre conception d’une loi de programmation. Un texte de programmation doit être clair, lisible ; ses objectifs financiers doivent être prévisibles.
C’est d’autant plus regrettable que ce projet de loi, qui nous est annoncé depuis deux ans, est censé traduire en actions concrètes un effort financier considérable en faveur de l’aide publique au développement portée par la France. Nous nous attendions à des perspectives, mais les alinéas consacrés aux objectifs financiers relèvent plus du bilan.
L’article 1er constitue le nœud gordien de ce projet de loi de programmation, après l’article 1er A, qui définit en quelque sorte la philosophie de l’aide publique au développement. À la lecture de cet article, nous avons l’impression que le travail a été fait à moitié et la sensation désagréable que vous vous êtes arrêté au milieu du chemin, monsieur le ministre.
Peut-être l’aile progressiste de la majorité présidentielle n’a-t-elle pas eu, une fois de plus, le poids suffisant pour faire fléchir Bercy, dont chacun connaît l’orthodoxie budgétaire, mais le résultat est là.
On peut bien évidemment discuter des objectifs de l’APD, de ses modalités et des moyens de l’évaluer, et c’est très important. Néanmoins, pour porter toutes les ambitions figurant dans ce projet de loi, que nous nous apprêtons à nourrir encore, il faut un solide nerf de la guerre. Tel n’est malheureusement pas le cas, le texte prévoyant que la France consacrera 0, 5 % de son revenu national brut à l’APD. Le nerf nous semble bien mollasson !
L’argent est primordial, car il permet aux acteurs du développement d’avoir de la prévisibilité et de mener à bien avec efficacité tous les projets qu’ils souhaitent entreprendre.
Donnons-nous, donnez-vous enfin les moyens d’atteindre l’objectif de 0, 7 % du RNB.
Si j’interviens sur cet article, c’est parce que j’aimerais que nous abordions le financement de l’aide au développement dans la plus grande transparence. Nous le devons aux populations les plus pauvres dans le monde. Des clarifications sont nécessaires sur les intentions des uns et des autres.
Monsieur le ministre, votre texte ne prévoit que la « possibilité » de consacrer 0, 7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement en 2025. Aucun engagement n’est pris pour y arriver. Il y a donc un problème – un loup, comme dirait l’autre !
Pour notre part, nous défendrons l’objectif, fixé par les Nations unies depuis les années 1970, de consacrer 0, 7 % du revenu national brut à l’APD dans trois amendements dont nous discuterons dans quelques instants.
Contrairement à vous, nous ferons des propositions concrètes et chiffrées. Nous proposerons ainsi de modifier, à l’alinéa 5, le montant des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » et de les porter à 8, 166 milliards d’euros en 2025.
La différence entre vous et nous est là : si vous ne prenez aucun engagement de programmation, c’est que votre objectif d’atteindre le taux de 0, 7 % manque de sincérité et n’est qu’un effet d’affichage.
Si vous voulez être complètement transparent sur vos engagements, alors vous devez faire vôtre le tableau retraçant les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » pour les années 2022-2025, tel que le groupe socialiste propose de le modifier.
Lorsque l’on affiche un taux, il est normal d’indiquer le montant auquel il correspond, sinon on peut imaginer que cela cache quelque chose.
Nous en reparlerons au cours de l’examen des amendements sur l’article, mais je tenais à vous dire, mes chers collègues, que nous ne nous engagerons en aucune manière sur des chimères. Nous soutiendrons toute proposition qui pourrait permettre d’avancer vers un consensus et, surtout, de trouver des moyens nouveaux, afin d’accroître toujours plus notre aide publique au développement.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai pour ma part la question des biens mal acquis.
En 2019, sur l’initiative du groupe socialiste, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi prévoyant que ces biens, qui représentent plus de la moitié de l’aide mondiale au développement, soit des milliards de dollars, reviennent, lorsqu’ils sont confisqués par la justice, aux populations spoliées, lesquelles vivent souvent dans la misère.
Le texte qui nous est aujourd’hui soumis, grâce à une conjonction de bonnes volontés, ou plutôt de convictions, je l’espère, permettra enfin, une fois qu’il aura été définitivement adopté, que ce soit une réalité en France. Votre ministère et vous-même, monsieur le ministre, vous êtes engagés sur cette question, ainsi que le ministère de la justice et le ministère des finances, il faut le dire. L’Assemblée nationale a également joué un rôle positif.
Le texte prévoit qu’une ligne budgétaire consacrée à l’aide publique au développement sera gérée par votre ministère, ce qui est positif. Il faudra associer à cette gestion les représentants des organisations non gouvernementales et les populations civiles des pays concernés.
Il y a quatorze ans exactement, un premier procès a été intenté par Transparency International, Sherpa et le Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD. Depuis lors, ces associations se battent. Je pense que le mérite de cette mesure leur revient en grande partie ; je tenais à le dire ici.
C’est un honneur pour la France de voter cette disposition, car je ne doute pas qu’elle sera adoptée, comme l’a votée la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l’unanimité.
Mes chers collègues, je vais poursuivre sur le thème des biens mal acquis que vient d’évoquer à l’instant Jean-Pierre Sueur.
En 2017, au nom de la commission des finances, j’ai fait un premier bilan de l’Agrasc, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, créée en 2010. Dans la foulée, et à l’occasion de la condamnation en cette même année 2017 du fils du président de la Guinée équatoriale et de la confiscation de ses biens en France, à hauteur de 100 millions d’euros, s’est posé le problème de la restitution de ce type d’avoirs, issus de la corruption transnationale.
La proposition de loi de notre collègue Sueur, dont j’ai été le rapporteur, a alors pris tout son sens. Elle avait pour but de garantir l’affectation des avoirs illicites confisqués aux pays et aux populations qui en avaient été privés, mais elle est restée pendante à l’Assemblée nationale.
Cependant, la restitution d’acquis issus de malversations avérées par certains dirigeants condamnés bute toujours sur le choix des différents véhicules juridiques et opérationnels. Elle est impossible par l’Agrasc, qui réaffecte les biens à l’État français. Elle ne l’est pas non plus par un fonds spécial, comme il était prévu dans la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, ni par l’Agence française de développement.
Lors de sa réunion à Biarritz à la fin du mois d’août 2019, le G7 a souligné l’importance de la lutte contre la corruption internationale, mais aussi du recouvrement et de la restitution, tels qu’ils sont définis dans la convention des Nations unies contre la corruption.
Enfin, à la suite du rapport que les députés Jean-Luc Warsmann et Laurent Saint-Martin ont remis à sa demande à Édouard Philippe, alors Premier ministre, à la fin du mois de novembre 2019, dont la proposition 34 invitait à « mettre en œuvre un dispositif législatif, budgétaire et organisationnel ad hoc et pragmatique », le présent texte prévoit – il était temps ! – un dispositif au XI de son article 1er, lequel pourrait toutefois se heurter à des difficultés d’application dues à l’articulation des lois de finances.
La proposition de notre rapporteur pour avis Jean-Claude Requier de confier les modalités de restitution au ministère des affaires étrangères, par le biais de l’aide publique au développement, mais sur des lignes budgétaires dédiées, au cas par cas et localement, sur des projets clairement identifiés et, pourrait-on dire, labellisés, constitue un premier pas.
Il faudra que tout ceci soit clairement identifié et articulé, notamment dans les prochaines lois de finances, car il faut bien avouer que nous marchons – pardon, que nous avançons – lentement sur ce dossier.
Certes, les cas ne sont pas si nombreux, mais ils sont très emblématiques, et il est de notre devoir de veiller à respecter les populations spoliées, ainsi que notre engagement d’une restitution responsable.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit au cours de la discussion générale, la politique d’aide au développement de la France porte sur de très nombreux aspects : la lutte contre la pauvreté, pour l’éducation, la culture, la coopération scientifique, la solidarité, la santé et bien d’autres encore.
Je regrette toutefois qu’elle ne prenne pas en compte un domaine important et en plein essor : le sport.
En 2017, à Ouagadougou, le président Macron présentait pourtant le sport comme le « deuxième ciment » pour un avenir commun. Ce discours fort et ambitieux a été largement salué et a bénéficié d’une grande résonnance, mais la France est-elle à la hauteur de ses aspirations ? Je ne le pense pas, et l’absence de la dimension sportive dans ce texte le prouve encore une fois.
La France doit affirmer une diplomatie sportive durable et pleinement engagée pour le développement solidaire et la lutte contre les inégalités, face à la puissance de nouveaux acteurs sur la scène internationale et en réponse aux diplomaties sportives agressives, à l’image de celle de la Chine et des pays du Golfe, qui financent la construction de stades dans les pays en développement ou le sport professionnel au travers du rachat de clubs.
S’il est hors de question de rivaliser avec ces pays, nous pouvons en revanche intervenir, avec un réel savoir-faire et de l’expérience, en nous appuyant sur un collectif qui comprend le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, les fédérations, Paris 2024, l’AFD, l’ambassadrice pour le sport, les ministères et j’en oublie.
Notre pays pourrait être leader sur le continent africain, mais aussi en Inde et dans d’autres pays, pour promouvoir une approche pertinente fondée sur le sport sur des sujets aussi importants que la santé, l’environnement, la formation, la gouvernance, l’organisation de grands événements, etc.
À trois ans des jeux Olympiques de Paris en 2024, il est de notre devoir de décupler les moyens de notre ambition. Inscrire le sport dans la politique de développement de la France est aujourd’hui nécessaire, afin que cette politique soit véritablement reconnue. Tel est l’objet des amendements que je vous présenterai sur cet article.
Les acteurs sont prêts, les moyens sont présents : pour que le sport devienne réellement l’un des ciments de notre avenir commun, nous devons désormais inscrire explicitement le sport dans ce projet de loi et reconnaître ainsi pleinement le rôle qu’il joue.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d’aborder assez longuement les orientations de notre politique d’aide au développement lors de l’examen de l’article 1er A.
Nous allons à présent évoquer la trajectoire financière, que le groupe Union Centriste souhaite ambitieuse, bien sûr, mais également rationnelle. Il faut en effet tenir compte des contraintes budgétaires actuelles, du fait notamment des dépenses induites par la pandémie.
Un certain nombre d’orientations sont proposées dans l’article 1er, mais aussi dans le cadre du partenariat global. Ainsi, il est dit qu’il faudrait que, en 2025, quelque 30 % de l’aide par pays programmable soient destinés aux pays les moins avancés, que 50 % au moins de l’aide-État puissent aller vers les pays prioritaires et que les dons représentent 65 % de l’AFD.
Le groupe Union Centriste considère pour sa part que l’essentiel des crédits de l’aide publique au développement de notre pays doit très rapidement aller aux 19 pays prioritaires, quel que soit le porteur du projet. C’est important, car ces pays doivent rattraper leur retard.
En outre, c’est une question de cohérence : puisque nous avons défini une liste de pays prioritaires, nous devons concentrer nos moyens sur ces pays, afin qu’ils puissent se développer.
Tel est le souhait du groupe Union Centriste, dont nous espérons qu’il sera partagé au sein de cet hémicycle.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est belle et grande quand elle est solidaire et généreuse.
À cet égard, le texte qui nous est soumis est un symbole : il montre que la France n’est pas rabougrie, repliée sur elle-même, inattentive aux autres et enfermée dans d’improbables frontières, contrairement à ce que souhaitent certaines personnes, pour ne pas dire une certaine personne. Nous, nous l’aimons telle qu’elle est, notamment telle que ce texte la donne à voir, monsieur le ministre.
Certains font reposer leur politique d’aide au développement sur des routes, qu’il s’agisse de la route du pétrole, de la route du soja ou de la route de la soie. La France souhaite que sa politique d’aide au développement soit la plus dynamique et la plus exemplaire qui soit.
Dans ce cadre, il est important de se rappeler que, en aidant les autres, on s’aide soi-même. Un ventre creux et une tête vide sont toujours une cible privilégiée pour les mouvements terroristes.
À cet égard, aucune politique sécuritaire ne sera possible à l’échelon international sans une réelle stratégie de développement et de partage des richesses. Ce texte est un élément important, car il y contribue à bien des égards.
Nous partageons donc l’ambition qui est la vôtre, monsieur le ministre, ainsi que la volonté que vous avez affichée. Certains ironisent bien sûr sur le fait qu’une partie de cette trajectoire se déroulera après 2022. Il nous appartiendra collectivement de faire en sorte de la poursuivre le moment venu.
Nous insisterons simplement sur deux éléments : le premier, c’est la francophonie – j’en ai déjà dit quelques mots – et le second, qui nous paraît très important, c’est la place de nos outre-mer.
Ce qui différencie à certains égards la France d’autres pays, c’est sa capacité à être au plus près des pays en développement grâce à ses territoires d’outre-mer, qui lui permettent de ne pas avoir une vision trop hexagonale et autocentrée. Nous devons profiter de cette merveilleuse possibilité pour mieux rayonner et aider les pays voisins de ces territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler à l’ordre, car je constate un certain relâchement dans le respect des mesures sanitaires… Le masque se porte sur le nez ! Je vous remercie d’y veiller, car nous pouvons tous être touchés de près par cette maladie.
La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
Nous allons défendre plusieurs amendements à l’article 1er visant à prévoir une programmation plus ambitieuse de l’aide publique au développement, mais, avant d’entrer dans le débat sur cette trajectoire budgétaire, je tiens à attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet dont nous n’allons malheureusement pas pouvoir discuter, alors qu’il me semble essentiel.
Une politique d’aide au développement n’a de sens que si elle s’accompagne d’un changement d’approche global de l’accès au financement et à la création monétaire des pays bénéficiaires de cette aide. La seule APD ne suffira pas à leur développement.
J’évoquerai brièvement deux questions, à commencer par celle des droits de tirage spéciaux, les DTS. Les banques centrales émettent en ce moment des milliers de milliards de dollars à des taux très faibles, voire négatifs.
Les pays qui bénéficient de cet argent n’utilisent pas leurs quotas de DTS. Des centaines de milliards de DTS dorment ainsi dans les coffres du Fonds monétaire international, le FMI. De nombreuses voix s’élèvent en ce moment et réclament la mise à disposition des pays en développement, qui en ont besoin, de ces droits de tirage non utilisés par les pays les plus développés.
Gordon Brown, ancien Premier ministre britannique, estimait le 16 décembre 2020 que quelque 1 200 milliards de dollars pourraient ainsi être libérés en deux tranches, en 2021 et 2023, et que les montants ainsi dégagés pourraient atteindre les 2 000 milliards dollars, ce qui permettrait de financer le développement de l’Afrique à travers les banques de développement régionales. Le FMI travaille sur une nouvelle allocation de DTS, à hauteur de 650 milliards de dollars.
La France doit intervenir au conseil d’administration du FMI en juin prochain en faveur de la réaffectation des DTS non utilisés par les pays de l’OCDE. Une telle décision permettrait d’accompagner efficacement notre politique d’aide au développement.
Ma seconde remarque concerne l’accès à la création monétaire de ces pays. Nous venons de procéder à une réforme du franc CFA, laquelle n’a rien changé en vérité. Or nous savons que les pays de cette zone ont besoin de pouvoir accéder à une banque de création monétaire – une banque centrale –, qui détienne un pouvoir souverain.
Je suis saisie de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 324, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La programmation financière est complétée avant la fin de l’année 2022, après consultation et vote du Parlement, pour les années 2023, 2024 et 2025.
II. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et s’efforcera d’atteindre 0, 7 % de ce revenu national brut en 2025
III. – Alinéa 5, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
En millions d ’ euros courants
Crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement »
IV. – Alinéa 6
Rétablir le 2 dans la rédaction suivante :
2. 50 millions d’euros de crédits de paiement de la mission « Plan de relance » sont alloués à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales en 2021.
V. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
3. Les ressources du fonds de solidarité pour le développement, alimentées par le produit des financements innovants, sont augmentées de 100 millions d’euros en 2022 par rapport à leur niveau de 2020 et 2021 et sont ainsi fixées à 838 millions d’euros en 2022, afin de financer les biens publics mondiaux. À défaut d’une telle augmentation, les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » prévus au 1 du présent IV sont fixés à 4 900 millions d’euros en 2022.
VI. – Alinéa 8
Rétablir le 4 dans la rédaction suivante :
4. En conséquence des 1 à 3 du présent IV, la somme des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement », des crédits de paiement de la mission « Plan de relance » alloués à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et des crédits du fonds de solidarité pour le développement s’établit à 3 989 millions d’euros en 2020, à 4 713 millions d’euros en 2021 et à 5 638 millions d’euros en 2022.
La parole est à M. le ministre.
Je tiens tout d’abord à rappeler quelques faits.
Monsieur Cozic, le taux de 0, 37 % date de 2014. Vous me suspectez de ne pas dire la vérité, alors que je ne me suis jamais trompé sur ce point. Les stratégies d’évolution de la part de l’aide publique au développement dans le RNB partent du niveau de 2014, qui est le plus bas. Depuis lors, nous avons progressé, année après année.
J’en prends le Sénat à témoin : depuis 2017, chaque année, la part de l’aide publique au développement augmente dans la loi de finances initiale. Nous avons dépassé le seuil des 10 milliards d’euros en 2017, puis la part de l’APD s’est établie à 0, 43 % du RNB en 2018, à 0, 44 % en 2019 et à 0, 53 % en 2020, sans que ces hausses soient dues à la baisse de notre revenu national brut, le Gouvernement n’ayant pas fait le choix de diminuer le numérateur.
Nous atteindrons notre objectif en 2022. Selon les toutes dernières prévisions de Bercy, nous pourrions d’ailleurs dépasser les 0, 55 % cette année-là. Nous sommes donc au rendez-vous.
Permettez-moi également de rappeler que la part véritablement pilotable de notre APD, soit les crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » et du Fonds de solidarité pour le développement, le FSD, est en forte hausse sur la période 2017-2022 : elle représentera 40 % du total de l’APD en 2022, contre 33 % en 2017.
Voilà pour les faits. En ce qui concerne la programmation, nous allons chacun jouer notre rôle.
Il est vrai que ce texte peut donner l’impression d’être une loi de programmation à l’envers, mais nous avons atteint l’objectif que nous nous étions fixé de consacrer 0, 55 % du RNB à l’APD en 2022. Nous allons même dépasser ce taux. Pour cela, il nous aura fallu respecter nos engagements lors de chaque échéance budgétaire, ce que nous avons fait.
Un autre point me paraît très important. Lors du débat à l’Assemblée nationale, une échéance a été fixée, et l’année 2025 a été retenue pour atteindre le taux de 0, 7 %.
J’ai une sensibilité un peu différente à cet égard et, sur l’objectif de 0, 7 % du RNB, je préfère la rédaction de l’Assemblée nationale à celle du Sénat.
Sourires sur les travées du groupe SER.
Cela étant, l’objectif est désormais inscrit dans la loi, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Les députés ont retenu la formulation « s’efforcera », car, en la matière, la programmation est parfois difficile.
D’une part, en cette période de crise sanitaire et économique, les prévisions sur le dénominateur qu’est le revenu national brut sont particulièrement hasardeuses. Certes, je peux comprendre que vous souhaitiez vous faire plaisir et vous projeter dans l’avenir. Reste qu’il vous faudra alors tenir vos prévisions, car on pourra les rappeler, quelles que soient les circonstances futures. En ce qui me concerne, je ne m’y risquerais pas.
D’autre part, une partie du numérateur, notamment les crédits qui correspondent à l’APD non pilotable, comme les frais d’écolage ou d’accueil des réfugiés, n’est pas maîtrisable à l’avance, à plus forte raison, là encore, dans le contexte actuel.
En revanche, nous nous sommes engagés à revenir devant le Parlement pour compléter la programmation financière avant la fin de l’année 2022. C’est l’ensemble de ce dispositif que l’Assemblée nationale, après avoir débattu et formulé des propositions, a accepté.
C’est pourquoi le Gouvernement souhaite, par cet amendement, revenir à la version antérieure du texte.
Premièrement, sur la clause de rendez-vous, nous souhaitons que la programmation financière soit complétée avant la fin de l’année 2022, et non en 2023.
Deuxièmement, nous préférons retenir la formulation de l’Assemblée nationale, qui nous semble plus ambitieuse.
Troisièmement, nous ne pouvons pas nous engager sur le tableau des crédits de paiement jusqu’en 2022. Je pense en particulier aux crédits de la mission « Aide publique au développement », à ceux du plan de relance qui sont consacrés à l’APD ou encore à ceux du fonds de solidarité pour le développement (FSD).
Ainsi que M. le président de la commission le sait, je ne peux pas aller plus loin.
Néanmoins, nous pouvons collectivement constater l’ensemble des progrès qui ont été accomplis. Ce projet de loi de programmation arrive tard, mais il arrive. Comme vous le savez, les retards ne sont pas seulement dus au calendrier parlementaire ; ils sont aussi le fait de nécessités sanitaires.
Je ne reviendrai pas sur chacune des propositions de financement et de programmation. J’appelle simplement l’attention des auteurs des différents amendements sur le fait qu’il existera une mémoire de ce débat.
Néanmoins, je conçois très bien que vous vous soyez lancés dans un tel exercice.
L’amendement n° 107, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer les mots :
d’examiner la possibilité d’atteindre en 2025 l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut
par les mots :
de planifier les crédits budgétaires et les ressources fiscales permettant d’atteindre en 2025 un investissement de 18 milliards d’euros
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – La France consacrera en 2025 18 milliards d’euros à l’aide publique au développement.
III. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
0, 55 % du revenu national brut à celle-ci en 2022
par les mots :
18 milliards d’euros à celle-ci en 2025
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Cet amendement s’inscrit dans le débat plus large sur la pertinence à fixer des objectifs en termes de taux.
Aujourd’hui, la France consacre environ 14 milliards d’euros à l’aide publique au développement. Pour atteindre ces objectifs, il faudrait trouver 4 milliards d’euros supplémentaires. Il nous semble essentiel, dans le contexte sanitaire actuel, d’inscrire clairement cette nécessité dans la loi.
Traduire les résultats de la France en matière d’aide publique au développement en volumes et non en taux permet de sécuriser cette politique publique. Il faut s’attendre à des fluctuations de notre revenu national brut et à une augmentation des besoins de la part des États dans les années à venir.
Il y a donc urgence à sécuriser tout le processus de solidarité internationale.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 185 est présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 210 est présenté par M. Cozic, Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer les mots :
d’examiner la possibilité
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 185.
Adopter cet amendement permettrait de concrétiser ce que vous venez d’expliquer, monsieur le ministre. Celui-ci vise en effet à consacrer de manière contraignante la date butoir de 2025 comme horizon définitif pour atteindre la part de 0, 7 % du RNB consacrée à l’aide publique au développement.
Cet engagement solennel a été pris par la France à la tribune des Nations unies voilà plus d’un demi-siècle, le 24 octobre 1970, et il n’est toujours pas tenu. Du fait de ce manquement, sur les dix dernières années, ce sont plus de 60 milliards d’euros qui n’ont pas été consacrés au développement. Or, pour les pays bénéficiaires, l’aide est une source de financements essentielle. Ces 60 milliards d’euros sont supérieurs à dix années de budgets cumulés de la santé, de l’agriculture et de l’éducation pour l’ensemble des pays du Sahel. Une telle somme aurait permis de vacciner 1, 4 milliard d’enfants, de distribuer au moins 1, 5 milliard de traitements préventifs contre la tuberculose et de faire bénéficier 300 millions de personnes d’un traitement antirétroviral pour un an. Que de temps perdu !
Dans ce texte, nous nous flattons d’engagements solennels. Il y est indiqué que la France prend ses responsabilités dans le contexte de la crise sanitaire et redouble d’efforts pour traiter les causes profondes des crises et des fragilités. Comment applaudir une telle déclaration si nous manquons toutes les occasions de prendre de réels engagements ?
Nous ne comprenons pas bien ce qui empêche d’inscrire dans le marbre de la loi un engagement plus ferme, d’autant que cette loi est avant tout déclarative et ne lie pas les mains du futur gouvernement et du futur Parlement. Au demeurant, avec la crise économique qui s’annonce et la probable contraction de notre RNB, cet objectif relatif sera plus facile à atteindre.
Pour toutes ces raisons, nous invitons le Sénat à inscrire un objectif plus ferme à l’horizon 2025, afin de consacrer l’ambition du projet de loi. C’est une occasion unique de poursuivre nos efforts et de revaloriser ce pilier essentiel de notre politique étrangère.
Il n’y a point de règle sans contrainte. Cet amendement vise à faire du 0, 7 % du RNB consacré à l’aide au développement l’objectif de référence à atteindre de manière contraignante en 2025.
L’actualisation de la trajectoire budgétaire en 2023 doit être l’occasion d’évaluer non pas si un tel objectif peut être atteint, mais comment il peut l’être. Il est essentiel de conserver l’ambition de 0, 7 % du RNB. Ce projet de loi offre une occasion unique de poursuivre la dynamique enclenchée.
Investir aujourd’hui dans l’aide au développement, c’est s’assurer que celle-ci constitue réellement un outil d’influence et de puissance, alors que le préambule du cadre de partenariat global (CPG) souligne sa complémentarité avec l’action diplomatique et militaire, ainsi que sa contribution à la politique étrangère de la France. Par conséquent, c’est s’assurer qu’elle dispose des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs, mais aussi pour s’adapter aux défis mondiaux actuels.
L’amendement n° 105, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer les mots :
d’examiner la possibilité
par les mots :
de planifier les crédits budgétaires et les ressources fiscales permettant
II. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
Puis 0, 7 % de son revenu national brut en 2025
III. – Alinéa 9
Après l’année :
insérer les mots :
et 0, 7 % de son revenu national brut en 2025
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
L’examen de ce projet de loi dans un contexte de pandémie mondiale doit nous inciter à nous poser la question de l’aide publique au développement. La France a un retard de cinquante ans sur un engagement onusien, mais le texte ne prend aucun engagement concret en la matière.
Certes, le projet de loi mentionne l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut, ce qui est un élément intéressant. On en reste toutefois encore au stade de l’incantation. Or, plus la France prend du retard, plus il lui sera difficile d’atteindre l’objectif.
Il est donc urgent de réunir enfin les conditions de notre ambition. Cela implique un principe simple : la France fera en sorte que, en 2025, 0, 7 % du RNB soit consacré à l’aide publique au développement.
Notre amendement s’inscrit en cohérence avec le rapport du député Hervé Berville sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale.
Par ailleurs, comme le rappellent les organisations non gouvernementales, les pays récipiendaires paient aujourd’hui un lourd tribut du fait du manque d’engagement des États. Sur la dernière décennie, ce sont plus de 60 milliards d’euros qui n’ont pas atteint leur cible. Cela représente dix ans de budgets consacrés à l’éducation ou à la santé au Sahel !
Au regard des conséquences à long terme de la crise sanitaire que nous pouvons anticiper, les pays en développement ne peuvent plus se permettre d’attendre.
Oui, il est heureux que le cadre de partenariat global réaffirme avec force l’objectif d’atteindre rapidement le seuil onusien, mais il s’agit d’un véhicule dépourvu de valeur normative, comme l’a rappelé la jurisprudence constitutionnelle. C’est pourquoi il nous semble essentiel d’intégrer une mesure forte dans le projet de loi.
L’amendement n° 37, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
1° Remplacer les mots :
d’examiner la possibilité d’
par les mots :
de maintenir les efforts pour
2° Remplacer le mot :
consacrés
par le mot :
consacré
La parole est à M. Richard Yung.
La formulation « s’efforcera d’atteindre 0, 7 % [du] revenu national brut en 2025 », adoptée par l’Assemblée nationale, est directement issue de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies de 1970. Une telle inscription dans la loi répond à une demande forte de la société civile, pour laquelle atteindre 0, 55 % est une première étape vers 0, 7 %.
Cet amendement vise donc à faire en sorte que la France se conforme à la résolution onusienne.
Il s’agit également de garantir une APD à la hauteur des attentes, conformément à la position des rapporteurs.
L’amendement n° 328, présenté par MM. Saury et Temal, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer le mot :
consacrés
par le mot :
consacré
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 111, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une seconde réactualisation est examinée par le Parlement en 2025 afin de pérenniser ce taux jusqu’en 2030.
II. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et atteindra 0, 7 % de ce revenu national brut en 2025 avec l’objectif de pérenniser ce taux jusqu’en 2030
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vient compléter les amendements présentés par Michelle Gréaume.
Nous souhaitons inscrire dans le texte la nécessité d’une réactualisation de la programmation examinée par le Parlement en 2025, afin d’en pérenniser les acquis jusqu’en 2030.
Nous venons d’ailleurs d’inscrire la date de 2030 dans l’article 1er A. C’est un choix logique. Pour des objectifs aussi importants et ambitieux, une période de programmation de dix ans nous paraît raisonnable.
Je sais bien que M. le ministre parle de programmation « dans le rétroviseur ». La référence à l’année 2025 n’a plus de sens. En revanche, la référence à l’année 2030 en a.
Afin de véritablement ancrer nos objectifs, définir un nouveau rendez-vous en 2025 pour pérenniser les acquis jusqu’en 2030 donnerait un sens durable à l’ambition de développement de l’APD française.
L’amendement n° 211, présenté par M. Cozic, Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et 0, 7 % de son revenu national brut en 2025
La parole est à M. Thierry Cozic.
Cet amendement vise à rappeler que l’objectif de 0, 55 % en 2022 ne constitue qu’un objectif intermédiaire.
À nos yeux, si l’on veut que l’APD soit réellement audacieuse, il est primordial de garder l’objectif-cible défini par les Nations unies en 1970. En effet, consacrer 0, 7 % du RNB à l’aide au développement correspond à un engagement passé lourd de sens.
Nous ne saurions être crédibles en dessous de cette barre. Le monde nous regarde ; soyons à la hauteur !
L’amendement n° 109, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5, tableau, seconde ligne
1° Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
2° Troisième colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
3° Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
4° Dernière colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement vise à traduire en chiffres l’engagement que j’ai évoqué précédemment. Nous proposons une programmation chiffrée pour atteindre les objectifs fixés.
L’amendement n° 187, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 5, tableau, seconde ligne
1° Deuxième colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
2° Troisième colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
3° Quatrième colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
4° Dernière colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement vise à rehausser la programmation des crédits annuels de la mission « Aide publique au développement » de 1 milliard d’euros supplémentaires jusqu’en 2025.
Rappelons-le, la plupart des augmentations de l’APD observées depuis 2017 résultent de la comptabilisation de flux qui ne quittent en réalité jamais le territoire français ou, du moins, qui ne représentent pas d’argent additionnel pour les pays en développement.
Selon l’OCDE, l’augmentation de 4, 2 % de nos apports d’APD entre 2018 et 2019 résultait de l’augmentation des dons en lien avec une hausse du coût d’accueil des réfugiés et du soutien destiné à des instruments du secteur privé.
Ainsi, en 2018, près de 16 % de notre aide ne quittait pas le territoire français. Elle était dépensée sous la forme de frais d’accueil de réfugiés, de bourses et de frais d’écolage ou d’allégement de dette.
Ces dépenses sont essentielles, mais elles ne relèvent pas de l’aide publique au développement. L’accueil des réfugiés est une obligation de la France au regard du droit international, pas une dépense facultative visant à soutenir le développement des pays bénéficiaires. Les bourses et les frais d’écolage versés pour l’accueil d’étudiants étrangers en France ne contribuent pas au développement des systèmes éducatifs des pays des bénéficiaires de notre aide. Pourtant, ils constituent l’essentiel de notre aide bilatérale à l’éducation. L’éducation de base, qui est pourtant absolument indispensable pour le développement des pays les moins avancés, est quasiment invisible : elle représente 3 % de notre APD totale.
On observe aussi une comptabilisation croissante des financements destinés à soutenir des projets du secteur privé. Ainsi, la comptabilisation depuis 2018 d’une partie des financements de la filiale de l’Agence française de développement (AFD) Proparco est à l’origine d’une augmentation de l’APD en trompe-l’œil d’environ 500 millions d’euros entre 2018 et 2019.
Par conséquent, consacrer 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année aux crédits de la mission « Aide publique au développement » permettrait de compenser la comptabilisation de ces flux, qui vont gonfler les chiffres de notre aide sans se traduire par une réelle contribution au développement des pays bénéficiaires. Ce milliard d’euros permet de s’assurer que l’augmentation de l’APD française ne repose pas sur une augmentation des dépenses domestiques.
L’amendement n° 212, présenté par M. Cozic, Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5, tableau, seconde ligne
1° Troisième colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
2° Quatrième colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
3° Dernière colonne
Remplacer le montant :
par le montant :
La parole est à M. Thierry Cozic.
Cet amendement vise à donner une traduction financière aux propositions que j’ai formulées dans le cadre des amendements n° 210 et 211.
D’une part, il s’agit d’établir une véritable programmation financière pour les années 2022 à 2025 tout en rehaussant les crédits de la mission « Aide publique au développement » dès 2022. Cette mission gérant la partie « pilotable » de l’APD, nous souhaitons qu’elle représente 50 % de l’APD totale de la France. Le dispositif proposé permet de prolonger la programmation jusqu’en 2025 pour atteindre l’objectif de 0, 7 % du RNB.
D’autre part, il convient de donner une traduction chiffrée à cet objectif de 0, 7 %, qui a été défini par les Nations unies en 1970 et qui est notamment revendiqué par le Président de la République. La France doit respecter cet objectif : elle l’a pris devant l’ONU, ce qui lui confère une certaine sacralité. Elle doit donc l’atteindre pour respecter le droit international. Il y va de la crédibilité de notre Nation.
Par cohérence, les montants alloués à la mission « Aide publique au développement » sont indiqués dans l’amendement, afin de soutenir cet objectif. Actuellement, celui-ci est systématiquement repris dans les discours. Pour notre part, nous souhaitons qu’il soit retranscrit dans la loi.
Comme dit l’adage, « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Faisons en sorte que l’objectif ne s’envole pas.
L’amendement n° 11, présenté par M. Requier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 5, tableau, seconde ligne
1° Troisième colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
2° Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
3° Dernière colonne
Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement de la commission des finances vise à établir une trajectoire budgétaire de 2022 à 2025 et à concilier deux objectifs : proposer une programmation ambitieuse pour continuer l’effort en faveur de la politique de l’aide au développement et avoir une vision réaliste dans un contexte de fortes tensions sur les places publiques.
La commission des finances propose d’augmenter les crédits de paiement de 500 millions d’euros par an de 2022 jusqu’en 2025. C’est un montant qu’elle a toujours avancé.
Voilà qui permettrait de concilier ambition et réalisme !
Je formulerai quelques remarques avant de me prononcer sur les différents amendements.
L’article précédent portait sur les objectifs. Chacun a pu s’exprimer à cet égard. À présent, nous devons faire preuve de réalisme et déterminer comment agir. Deux options se présentaient, ainsi qu’en atteste ce débat.
Le Gouvernement et certains intervenants considèrent qu’il faut faire preuve de générosité et que l’objectif de 0, 7 % du RNB peut être atteint. Ils préfèrent toutefois ne pas avancer de chiffres, car d’aucuns pourraient avoir de la « mémoire » – je reprends votre terme, monsieur le ministre. Cela permet d’affirmer que l’on tient l’objectif, même s’il n’y a aucune garantie en loi de programmation. Or le principe même, c’est la programmation.
Je rappelle d’ailleurs que certaines lois de programmation vont au-delà de 2022. Il n’y a donc pas de date intangible, sauf à faire une loi de programmation jusqu’à la prochaine élection présidentielle, mais ce n’est pas le sujet du jour. Il nous semble donc compliqué d’être sur cette ligne.
Certes, du point de vue de l’affichage, il sera toujours possible d’expliquer aux associations que c’est le méchant Sénat qui aura reculé sur l’objectif de 0, 7 % du RNB. La vérité, c’est que le Sénat aura simplement vérifié si les moyens existaient en face ou non.
D’autres veulent aller encore plus loin, mais leur volonté se heurte à la difficulté que nous connaissons.
La commission a donc fait le choix, et c’est ce qui motivera sa position sur les différents amendements, de trouver une voie d’équilibre, et il lui semble l’avoir trouvée avec la commission des finances. Je vous renvoie aux déclarations de mon collègue sur les montants. Je rappelle également l’avancée significative sur la taxe sur les transactions financières (TTF), qui passera de 30 % à 60 %. C’était, je le crois, une demande majeure de la commission. Cela permettra aussi une avancée substantielle sur les moyens qui seront attribués à l’APD.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 324, sur l’amendement n° 107, sur les amendements identiques n° 185 et 210 et sur l’amendement n° 105, qui ne correspondent pas à ses propositions en termes de trajectoire budgétaire.
Il en est de même pour l’amendement n° 37, qui vise en plus à revenir sur la clause de réexamen, comme pour les amendements n° 111, 211, 109, 187 et 212, pour les raisons que j’ai déjà indiquées.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 11, qui a été déposé par la commission des finances. Comme je l’ai évoqué, le dispositif proposé permet d’avoir à la fois une évolution significative sur les montants et le maintien de la TTF. Au demeurant, j’ai oublié de préciser que l’amendement du Gouvernement tend à retirer cette évolution significative sur les montants : il y aurait donc un « double effet Kiss Cool » ne permettant pas d’avancer.
J’ai exprimé un avis général tout à l’heure.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés par le Sénat, à l’exception de l’amendement n° 328, qui est rédactionnel.
Monsieur le ministre, je souhaite réagir à votre propos liminaire.
Vous parlez de responsabilité, mais il n’y a pas de programmation.
Vous parlez de détermination, mais vous vous gardez bien de vous engager sur des objectifs chiffrés, que d’aucuns ne manqueraient évidemment pas de vous rappeler dans quelque temps…
En tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat – ce n’est pas son président qui me contredira –, j’ai l’impression que cela devient une habitude de votre gouvernement. Les lois de programmation s’arrêtent à 2022, même si l’on nous dit que tout est prévu jusqu’à 2025, voire au-delà.
Sur la loi de programmation militaire (LPM), c’est pire ! Il est prévu que le Gouvernement revienne devant le Parlement, alors même qu’il ne le fera pas. Nous sommes alors obligés, avec le président de la commission des affaires étrangères, M. Christian Cambon, de faire un travail d’inventaire.
Je remercie les rapporteurs de notre commission et le rapporteur pour avis de la commission des finances d’avoir, eux, formulé des propositions permettant une visibilité au-delà de l’élection présidentielle de 2022.
Très bien ! sur les travées des groupes SER et CRCE.
Je souhaite également formuler quelques observations.
D’abord, sur la question de l’objectif de 0, 7 % et du caractère contraignant ou non de la loi, voilà cinquante ans que cela dure !
Mme Marie-Arlette Carlotti acquiesce.
Ensuite, plusieurs intervenants arguent de « contraintes budgétaires ». Certes, il en existe toujours, mais de quelles contraintes budgétaires parle-t-on ? Des contraintes budgétaires qui existaient avant la pandémie ? La règle des 3 % de déficit public, qui était un tabou – aucun débat sur le sujet n’était autorisé –, a volé en éclats ! On parle aujourd’hui de « déficit acceptable ». Qui l’a fixé ? Le Parlement a-t-il débattu du budget d’après-pandémie ? C’est le moment de nous donner des objectifs.
La question posée est simple : l’APD va-t-elle rester une variable d’ajustement soumise à d’autres contraintes dans les choix politiques ou l’augmentation jusqu’à 0, 7 % va-t-elle devenir l’un des repères de la construction budgétaire ? Nous discutons d’un projet de loi de programmation : c’est donc le moment de prendre une telle décision. Donnons-nous des repères pour la construction budgétaire dans les choix politiques que nous aurons à faire.
Or, compte tenu des enjeux mondiaux et de la pandémie, l’augmentation régulière de l’APD pour atteindre le plus vite possible le taux de 0, 7 % doit faire partie de ces repères. Sinon, ce serait se moquer du monde une fois de plus.
Cela dure depuis cinquante ans. Cela peut donc durer encore autant…
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 131, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Dans une logique de lisibilité et de cohérence, l’impact des contrats de désendettement et de développement n’est pas comptabilisé dans la répartition de l’aide publique au développement française.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Nous abordons le premier amendement relatif aux contrats de désendettement et de développement (C2D). Cet amendement est un peu technique, mais, à nos yeux, il est absolument essentiel.
Rappelons tout d’abord que les C2D constituent une opération de retraitement des dettes : une fois que le pays endetté a remboursé sa dette, la France réalloue le remboursement des créances bilatérales sous forme de dons.
Entrons dans le détail.
Le remboursement des échéances implique une écriture en APD négative équivalente au remboursement du capital et une écriture en APD positive lors du versement du don, qui comprend le capital et les intérêts. Le solde positif pour le calcul de l’APD française équivaut donc au seul montant des intérêts payés par le pays débiteur. En revanche, les refinancements par dons ont un effet significatif sur les composantes de l’APD, puisqu’ils en réduisent la composante par prêts en écriture négative du montant du capital remboursé, tout en augmentant sa composante par dons par l’écriture positive précédemment évoquée. Je le disais, c’est un peu technique…
Ce jeu d’écriture a des conséquences très importantes. En effet, sur la période 2012-2019, les C2D augmentent ainsi de 8, 9 % en moyenne le volume des dons comptabilisés en APD française tous bénéficiaires confondus, tandis qu’ils réduisent de 10 % en moyenne le volume des prêts nets de cette même APD.
Les contrats de désendettement et de développement ont ainsi contribué à ce que la composante par dons atteigne un niveau historique en euros courants à la fin de la décennie 2010, alors que, hors C2D, elle resterait inférieure à ce qu’elle était en 2006-2007.
Pour mettre un terme à cet effet de gonflement artificiel, nous demandons que l’impact des contrats de désendettement et de développement sur la répartition de l’aide publique au développement française ne soit pas comptabilisé.
Cet amendement vise à exclure les C2D de la comptabilisation de l’aide publique au développement française. S’il est exact que ces contrats transforment des prêts en dons, ils n’ont souvent pas une efficacité moindre que les autres projets de développement. Il est donc logique qu’ils soient comptabilisés comme de l’APD. Par ailleurs, s’agissant du rapport prêts-dons, la commission a justement adopté une disposition visant à augmenter la proportion des dons dans l’APD.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Pierre Laurent ayant été très technique et très précis, je le serai également. Les C2D ont été lancés lors du G7 de Cologne en 1999 pour annuler, au titre de l’aide publique au développement, la totalité des dettes contractées par les pays pauvres très endettés, les PPTE.
La France, comme d’autres pays européens, utilise cet instrument au service de sa stratégie de développement, en mettant en œuvre ces conversions de dettes par la voie d’accords conclus dans le cadre du Club de Paris. Depuis 2001, elle a signé 39 C2D avec 18 États différents.
Les C2D ayant le même coût budgétaire qu’une subvention, les exclure de la comptabilisation de l’APD aurait pour effet de sous-estimer significativement l’effort budgétaire réel de la France en matière d’APD. Au demeurant, cette pratique est conforme au dispositif de l’OCDE régissant l’APD.
J’entends beaucoup de propos injustes sur les C2D. Quand je me rends dans un pays qui a bénéficié d’un C2D, je demande toujours à voir ce qui a été fait. Lors de mon dernier déplacement à Kinshasa, par exemple, j’ai pu constater que le contrat signé avec la République démocratique du Congo (RDC) avait permis à un demi-million de personnes d’accéder à l’eau potable.
Cela s’appelle du développement, ou je ne m’y connais pas… Et c’est la France qui en est à l’origine.
Nous sommes en désaccord avec l’analyse du ministre, j’ai essayé de m’en expliquer. Nous continuerons à défendre notre position.
Nous avons également déposé un amendement pour veiller à ce que le rapport annuel contienne une évaluation précise des C2D.
Prenons rendez-vous, monsieur le ministre. Sur l’impact réel des C2D, nous verrons, après une évaluation sérieuse, qui a raison. À nos yeux, ces contrats engendrent un effet de gonflement artificiel qui pose problème et nous souhaitons en faire la démonstration.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 345, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10, deuxième à dernière phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
La composante bilatérale de l’aide publique au développement française devra atteindre, en moyenne, 70 % du total sur la période 2022-2025. Les dons devront représenter au moins 75 % du montant de l’aide publique au développement française hors allègement de dette, mesurée en équivalent-don, en moyenne sur la période 2022-2025. En 2025, au moins 25 % de l’aide pays programmable (APP) et de l’aide humanitaire de la France devra bénéficier à ces pays prioritaires.
La parole est à M. le ministre.
Le Sénat a souhaité cibler certains sujets pour s’assurer que les objectifs sont atteints. Nous partageons la méthode, mais il nous paraît important de fixer des cibles à la fois atteignables et compatibles avec les autres objectifs de notre politique de développement, en particulier l’investissement dans les biens publics mondiaux.
C’est pourquoi, sur les trois sujets qui font l’objet d’un ciblage, il convient de procéder à quelques ajustements pour adapter vos objectifs aux réalités concrètes.
Vous souhaitez tout d’abord que la composante bilatérale de l’APD, passée de 55 % en 2018 à 61 % en 2019 et 65 % en 2020, atteigne 70 %. Nous conservons cette cible tout en la lissant sur la période 2022-2025. Nous devons nous autoriser, à certains moments, à avoir davantage d’aide multilatérale en raison de certains événements – je pense notamment au sommet de Glasgow sur le climat ou au Forum Génération Égalité, qui se tiendra à Paris. Le projet de loi fixe toujours l’objectif de 70 %, mais en autorisant un lissage sur la période.
La part des dons dans l’APD, qui est passée de 77 % en 2017 à 81 % en 2019, s’établit à 72 % en 2020, compte tenu de l’impact des décaissements de l’initiative « Santé en commun », mise en œuvre par l’Agence française de développement. En volume, l’APD en dons est passée de 7, 8 milliards d’euros en 2017 à près de 9 milliards d’euros en 2020.
La cible de 75 % de dons inscrite dans le texte par la commission est difficilement atteignable, en raison des contraintes dues aux allègements de dette, qui font baisser la part des dons dans l’APD totale. C’est la raison pour laquelle nous proposons, tout en retenant la cible de 75 %, d’exclure les traitements de dettes du périmètre de calcul et de lisser la cible sur la période 2022-2025. Il s’agit de l’adapter pour une meilleure mise en œuvre.
Vous souhaitez enfin cibler à 30 % l’aide pays programmable (APP) à destination des 19 pays prioritaires. Nous préférons 25 % à l’horizon 2025, ce qui est déjà ambitieux, mais atteignable.
Dans cet amendement, le Gouvernement a donc repris vos propositions de ciblage quasiment au pourcentage près.
L’amendement n° 188, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 10, troisième phrase
Remplacer les mots :
et sur toute la période 2022-2025
par les mots :
et au moins 85 % à compter de 2025
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement vise à renforcer les dons au sein de l’aide publique au développement française.
C’est une mesure indispensable dans le cadre de notre volonté de renforcer la priorisation géographique de l’APD, étant donné que cet instrument a vocation à toucher les pays les plus vulnérables et à financer les secteurs prioritaires comme l’éducation, la santé ou l’adaptation au changement climatique.
Certains pays comme le Danemark ou l’Australie ont une APD exclusivement constituée de dons. La France, quant à elle, fait partie des plus gros prêteurs, dépassée seulement par le Japon et la Corée du Sud.
Selon l’OCDE, en 2018, près de 50 % de l’APD brute bilatérale française était versée sous forme de prêts, contre 16 % en moyenne pour l’ensemble des pays du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE.
Les recommandations du CAD sont critiques envers cette répartition très inégalitaire.
En effet, privilégier les prêts revient non seulement à favoriser comme partenaires de l’APD des pays à revenus intermédiaires, qui ont moins besoin de notre aide, mais également à accentuer la dette de nos pays partenaires.
Cette répartition de notre APD n’est pas tenable si nous souhaitons réellement atteindre les objectifs que nous nous fixons avec ce texte. Par conséquent, la réduction des prêts dans l’aide française doit être une priorité afin de lutter contre les inégalités mondiales.
En complément de l’objectif de 65 %, ajouté en commission, et dans une perspective réaliste, nous proposons donc d’inscrire l’objectif de 85 % de dons en flux bruts à l’horizon 2025, ce qui nous ferait rejoindre la moyenne des pays du CAD de l’OCDE.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 119 est présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 213 est présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10, troisième phrase
Remplacer le taux :
par le taux :
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 119.
Ce projet de loi tend à renforcer les dons au détriment des prêts, ce qui est une réelle avancée. Le choix stratégique opéré jusqu’à présent pose deux problèmes : d’une part, il éloigne de l’aide publique au développement les pays qui en ont le plus besoin, d’autre part, il aggrave l’endettement de ces pays, ce qui grève leur capacité d’investissements dans les infrastructures.
Dans l’un de ses derniers rapports, la Banque mondiale a alerté sur le niveau d’endettement extrêmement élevé des pays pauvres. Celui-ci a par ailleurs augmenté de 5, 3 % en 2018, soit 7 810 milliards de dollars.
Dans les 76 pays les plus pauvres du globe, la dette a ainsi doublé en dix ans, avec certains cas extrêmes comme l’Éthiopie, qui connaît une augmentation de 885 %, ou la Zambie, pour qui cette hausse atteint 521 %.
Pour ne prendre qu’un exemple, le Maroc a une dette de près de 3 milliards d’euros envers la France.
Cet endettement alimente une course au surendettement, puisque cela freine les pays emprunteurs dans leur recherche d’investissements nationaux massifs et de développement des services publics locaux.
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour présenter l’amendement n° 213.
La France fait partie des plus gros prêteurs et nous souhaitons à notre tour rééquilibrer l’aide au développement en faveur des dons, à hauteur de 85 %.
J’insiste sur le fait que ce rééquilibrage permettra aussi de mieux cibler les pays les plus pauvres, qui sont prioritaires selon la France.
L’amendement n° 117, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
En 2025, au moins 50 % de l’aide publique au développement (APD) de la France sera consacrée aux pays les moins avancés.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il est essentiel que l’aide publique au développement française soit rééquilibrée, à l’issue de l’examen de ce projet de loi.
En l’état, le texte apporte déjà de réelles améliorations en fixant une priorité pour les pays les moins avancés (PMA) et en fléchant 30 % de l’aide publique au développement vers les pays prioritaires définis par la France, tous inscrits sur la liste des PMA selon l’OCDE. Il s’agit là d’une première avancée.
Il me semble toutefois que nous aurions intérêt à élargir la cible pour ne pas exclure les 28 pays les moins avancés qui ne font pas partie de la liste française.
Par ailleurs, le retard pris par la France à l’égard des pays les moins avancés exige un réinvestissement massif, qui implique de faire le lien avec le débat sur la balance prêts-dons.
En effet, si un seul pays de la liste établie par l’OCDE fait aujourd’hui partie des dix premiers récipiendaires de l’APD française, c’est en grande partie parce que la France a choisi de s’orienter vers les prêts, ce qui exige une solvabilité dont ne disposent pas ces pays. Le résultat de ce choix stratégique, c’est un recul de l’APD aux pays les moins avancés estimé à 26 % depuis 2015.
Ce constat, qui n’est pas uniquement français, va jusqu’à inquiéter le Fonds monétaire international (FMI), qui estime qu’il faudrait un réinvestissement massif à hauteur de 500 milliards de dollars annuels d’ici à 2030 pour atteindre la cible de l’agenda de l’ONU.
C’est d’autant plus important que, trop souvent, on réduit l’aide publique au développement aux PMA à des annulations de dettes. Bien évidemment, ces mesures peuvent être essentielles pour donner des marges de manœuvre : elles répondent souvent à une situation devenue intenable.
Ainsi, la Mauritanie dépense six fois plus dans le remboursement de sa dette que dans ses budgets sanitaires. Reste que ces États ont aussi besoin de liquidités. Il serait inquiétant de répéter les mêmes erreurs qu’après la crise de 2008, où l’on avait aggravé les inégalités mondiales au lieu de les réduire.
L’amendement n° 214, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10, dernière phrase
Après l’année :
insérer les mots :
la moitié de l’aide publique totale sera consacrée aux pays les moins avancés et
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Cet amendement vise à renforcer la concentration des moyens de la composante bilatérale de l’aide au développement française en direction des pays les moins avancés et de conforter ainsi la stratégie française.
Le ciblage géographique de l’aide française souffre encore d’une forte dispersion et ne priorise pas les pays les moins avancés, qui concentrent pourtant les poches d’extrême pauvreté dans le monde.
Ce projet de loi met l’accent sur les pays africains les moins avancés dans son exposé des motifs, mais il stagne sur les objectifs de ciblage, inchangés depuis la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Il ne concrétise donc pas cette priorisation.
Monsieur le ministre, cet amendement est important pour renforcer et conforter la cohérence de la stratégie annoncée sur le terrain. La situation actuelle des pays les moins avancés nécessite cet effort, qui viendrait par ailleurs soutenir les engagements de la France, notamment au Sahel.
Ce serait l’occasion de faire reculer la misère dans cette région et, par là même, de faire reculer le terrorisme qui se nourrit de cette situation. Marie-Arlette Carlotti l’a souligné : nous connaissons les racines du mal et les raisons qui poussent les populations dans les bras des terroristes. C’est la colère des peuples, qui s’élèvent contre la mal-gouvernance et la corruption.
Hélas, cette colère se reporte aujourd’hui contre nos forces armées. Aux côtés de notre force Barkhane, l’autre volet de la lutte contre le terrorisme, c’est bien une politique de développement volontariste au Sahel.
L’amendement n° 186, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 10, dernière phrase
Remplacer le taux :
par le taux :
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement vise à augmenter l’effort consacré aux pays prioritaires de l’aide publique française, en le fixant à 40 %.
Ce chiffre doit nous permettre de traduire l’effort auquel nous nous engageons de concentrer l’aide bilatérale et les dons aux pays les moins avancés, en particulier les pays prioritaires. L’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, dont nous faisons notre priorité, n’est pas un objectif crédible s’il n’est pas accompagné d’un ciblage effectif vers les pays et les populations qui en ont le plus besoin.
Or notre aide française ne priorise toujours pas les pays les moins avancés, qui concentrent pourtant les poches d’extrême pauvreté dans le monde. Les 19 pays qui ont été identifiés comme prioritaires par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), et qui sont tous des PMA, ne font pas partie des dix principaux récipiendaires de l’APD française.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : là où les pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE consacrent en moyenne 24 % en aide bilatérale aux PMA, la France ne consacre à ces derniers que 15 %, et seulement 13 % de son aide pays programmable. Par ailleurs, l’APD qui leur est destinée a reculé de 26 % depuis 2015.
L’objectif fixé par la commission de consacrer 30 % de notre aide pays programmable aux pays prioritaires est louable, mais il n’est pas à la hauteur des ambitions de ce texte. Cela représenterait moins de 2 milliards d’euros distribués entre 19 pays. Cette somme fait pâle figure, alors que le FMI déclarait que 500 milliards de dollars supplémentaires devraient être alloués chaque année aux pays prioritaires afin de respecter les engagements de l’Agenda 2030.
L’adoption de cet amendement, qui vise à porter cette part à 40 %, traduirait mieux notre volonté de renforcer le ciblage géographique de l’aide et de prendre ainsi les mesures nécessaires à l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes.
Vous l’imaginez, mes chers collègues, nous souhaiterions un objectif encore plus ambitieux, mais, dans l’esprit de compromis qui préside à nos débats, nous vous proposons de rehausser ce volume dans des proportions raisonnables, qui restent en phase avec les annonces de M. le ministre.
La commission n’a pas pu examiner l’amendement n° 345, qui nous a été communiqué par le Gouvernement en début d’après-midi. Si l’on peut entendre l’idée d’un lissage de l’aide publique dans le temps, il s’agit néanmoins de prévoir une évolution notable des assiettes et des périmètres, notamment une baisse de l’APP. À ce stade, j’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement, qui ne me semble pas correspondre à l’esprit du texte adopté par la commission.
J’en viens aux autres amendements. Jusqu’où faut-il aller ? C’est bien cette question qui se pose.
L’amendement n° 188 tend à proposer un objectif de 85 % de dons en flux bruts, contre 65 % dans le texte. Ce dernier niveau me semble déjà suffisamment ambitieux en termes de projection. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, comme sur les amendements identiques n° 119 et 213, pour les mêmes raisons : l’objectif de 85 % nous semble inatteignable dans les délais prévus.
Les auteurs des amendements n° 117, 214 et 186 font montre d’une ambition supplémentaire, à destination des PMA cette fois. Le texte de la commission, qui fixe un objectif de 30 %, contre 15 % aujourd’hui, est déjà ambitieux par rapport au texte initial, et il y aura matière à faire après 2022. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’amendement n° 188.
Bien sûr, monsieur le rapporteur, 85 %, c’est plus que 65 %, mais il est bien précisé que nous avons jusqu’en 2025 pour atteindre cet objectif. La trajectoire annuelle de progrès dans laquelle nous comptons nous inscrire jusqu’à cette date rejoint selon moi la logique de la commission et ne me paraît pas totalement inatteignable, à condition, bien entendu, de le vouloir.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 121, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Par ailleurs, au moins 50 % de l’aide publique au développement (APD) française sera dédiée aux services sociaux de base.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Une nouvelle fois, nous tenons à préciser comment l’aide publique au développement de la France devrait s’organiser et être fléchée, la situation d’extrême urgence que nous connaissons rendant encore plus nécessaire sa concentration sur les services sociaux de base.
Avant même la crise sanitaire, des instances onusiennes alertaient sur la stagnation des progrès réalisés ces dernières décennies en matière d’accès à certains services essentiels.
La situation de l’éducation était ainsi préoccupante, pour ne prendre que cet exemple. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, l’Unesco, par le biais de son institut de statistiques, l’ISU, estime que six jeunes sur dix environ iront jusqu’au bout de l’enseignement secondaire.
L’Unesco relève un autre élément : l’arrêt soudain de la croissance de l’aide à l’éducation aux pays à faibles revenus après la crise financière. Une nouvelle fois, les pays occidentaux ont fait le choix de sacrifier les populations fragilisées.
Se pose dès lors la question de la crédibilité du discours de la France en matière d’aide publique au développement. En effet, si Paris consacre près de 1 milliard d’euros d’aide bilatérale à l’éducation, en plus de ses contributions aux instances multilatérales, il alloue moins de 2 % de cette somme à l’éducation de base. En parallèle, la France n’a consacré que 2, 3 millions de dollars au Fonds d’urgence Education Cannot Wait, devant permettre le maintien en éducation de 9 millions d’enfants touchés par la crise sanitaire.
De nombreux amendements portent sur des demandes sectorielles. Si celles-ci sont bien évidemment louables, nous devons aussi nous interroger sur un éventuel excès de fléchage et de rigidification. Par ailleurs, si nous additionnons toutes les propositions, nous risquons d’être confrontés à un problème d’enveloppe globale.
C’est pourquoi, ma chère collègue, même si, sur le principe, elle partage votre position, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ma part, je suis très favorable au ciblage souhaité par le Sénat. C’est un apport utile et pertinent au débat.
Je regrette l’absence d’accord sur le contenu de ce ciblage, mais je reconnais le caractère relativement tardif de nos propositions. Vous comprendrez toutefois que je les ai avancées lorsque j’étais en mesure de le faire. Je vous laisse deviner les différentes étapes qui ont précédé…
J’espère que nous pourrons in fine nous entendre et que la navette parlementaire le permettra. Je pense qu’il faut conserver le ciblage.
En revanche, je ne crois pas qu’il faille aller au-delà des trois objectifs de ciblage majeurs qui figurent dans le projet de loi. On risque sinon de ne plus rien pouvoir faire…
Je ne dis pas que les nouvelles cibles que vous proposez ne sont pas justifiées dans leur principe, mais, dès lors qu’elles sont exprimées en pourcentage, on ne s’en sort plus !
Il faut adapter les exigences en fonction des priorités des pays dans lesquels nous intervenons, à condition de rester fidèles aux trois ciblages principaux.
J’entends vos explications, monsieur le ministre, mais l’amendement n° 121 vise un fléchage vers les services sociaux de base, qui englobent notamment la santé et l’éducation. Un tel fléchage ne me semble pas impossible à mettre en œuvre !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 144, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Par ailleurs, au moins 10 % de l’aide publique au développement (APD) française sera dédiée au soutien au renforcement des systèmes fiscaux des pays en voie de développement.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Il s’agit en l’occurrence de flécher une part de l’aide publique au développement vers le soutien au renforcement des systèmes fiscaux.
Les recettes fiscales sont primordiales pour construire les conditions d’un développement durable des États et leur permettre de réduire la pauvreté, d’assurer des services publics et de renforcer leurs capacités.
Si les recettes fiscales représentent en moyenne 34 % du PIB dans les pays de l’OCDE, elles sont deux fois moins importantes dans les pays en développement.
Au-delà du volume de recettes fiscales récoltées se pose la question de la nature de la ponction fiscale, qui, pour être efficace, gagne à être guidée par des critères de justice sociale n’aggravant pas la situation des populations les plus pauvres et les plus laborieuses, en mettant à contribution les profits du capital local et du capital étranger.
Se pose enfin la question de la redistribution des recettes, pour promouvoir une croissance efficace répondant aux objectifs.
L’organisation économique internationale en vigueur, qui se traduit par les actuels traités de libre-échange, est un obstacle à cet objectif, puisqu’elle alimente une course au moins-disant fiscal particulièrement avancée dans les pays en développement, à travers des législations qui distribuent à tout-va des cadeaux fiscaux, notamment aux multinationales.
Ce sont ainsi 854 milliards de dollars qui ont été détournés des seuls pays africains de manière licite et illicite de 1970 à 2010, selon les estimations du FMI. De son côté, l’organisme Global Financial Integrity évaluait en 2013 la perte de recettes à 1 800 milliards de dollars.
C’est donc une question essentielle et c’est pourquoi il nous semble utile de flécher l’APD vers des dépenses structurellement utiles au développement durable de ces pays.
On ne peut que partager le propos de Pierre Laurent.
Reste, encore une fois, qu’il est difficile de rigidifier à l’excès les critères de répartition. Il a été question des services sociaux de base, c’est maintenant la fiscalité ; il y aura aussi des propositions sur l’écologie… Tout cela risque de poser problème.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 190, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La hausse des moyens prévue au présent article contribuera à l’accroissement du montant de l’aide publique au développement répondant à l’objectif de lutte contre le changement climatique, ainsi qu’à la protection de la biodiversité. Conformément aux engagements internationaux de la France, ce montant atteindra au minimum 1, 8 milliard d’euros en 2025.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Par cet amendement, il s’agit de rendre le projet de loi cohérent avec les engagements internationaux pris par la France – nous n’avons bien sûr aucun doute sur le fait qu’ils seront respectés… – en ce qui concerne les financements visant à lutter contre le changement climatique et à préserver la biodiversité. Ces engagements doivent se traduire par des moyens financiers adéquats inscrits dans l’article 1er de ce texte.
Pour rappel, lors de la quatrième édition du One Planet Summit qui a eu lieu au mois de janvier 2021, la France s’est engagée à accroître la part des financements de l’AFD favorables à la biodiversité, en portant à 30 %, d’ici à 2025, la part de la finance climat directement favorable à la biodiversité et à 1 milliard d’euros à la même échéance le montant annuel de financements engagés par l’AFD en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité.
La France s’est parallèlement engagée, à l’occasion du sommet Ambition Climat du 12 décembre 2020, à maintenir le montant de la finance climat au niveau atteint en 2020, soit près de 6 milliards d’euros.
Par conséquent, il est nécessaire de porter le montant annuel des financements climat favorables à la biodiversité de 1 milliard d’euros en 2019 à 1, 8 milliard d’euros en 2025.
Cet amendement vise à insérer dans le projet de loi une référence expresse à ces engagements de la France et à inscrire dans la programmation un objectif chiffré nous permettant de respecter ces mêmes engagements. Cela nous semble particulièrement pertinent dans la mesure où l’article 1er A consacre la protection des biens publics mondiaux, dont la protection de la planète est la composante principale, comme l’un des objectifs premiers de notre politique d’aide publique au développement.
Mes chers collègues, à la lumière des débats que nous avons dans cet hémicycle depuis hier et qui démontrent clairement l’urgence de la lutte contre le changement climatique et pour la protection de la biodiversité, je vous demande d’adopter cet amendement.
L’amendement n° 310 rectifié, présenté par MM. Gold, Guérini, Bilhac et Guiol, Mme M. Carrère et MM. Corbisez, Fialaire et Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – La hausse des moyens prévue au présent article contribuera notamment à l’accroissement du montant de l’aide publique au développement répondant aux objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité.
La parole est à M. André Guiol.
Depuis plusieurs années, l’aide mondiale au développement a pris un tournant, en intégrant la problématique du développement durable dans ses stratégies. C’est en particulier le cas depuis 2015, année où le programme d’action d’Addis-Abeba a insisté sur l’importance des actions en faveur du climat. Les objectifs de développement durable adoptés dans le cadre de l’Agenda 2030 ont confirmé cette orientation.
Je n’oublie pas l’accord de Paris, dont l’article 9 promeut la nécessité d’aider les pays en développement à mettre en œuvre des mesures d’atténuation du changement climatique.
La France, en première ligne pour encourager cette évolution, rappelle régulièrement ses engagements. Au mois de janvier dernier, lors du One Planet Summit, le Président de la République a décidé de porter à 1 milliard d’euros d’ici à 2025 le montant annuel des financements engagés par l’AFD en faveur de la gestion durable de la biodiversité. Dans le cadre du sommet Ambition Climat qui s’est déroulé au mois de décembre 2020, la France s’est également engagée à maintenir le montant de la finance climat au niveau atteint en 2020, soit 6 milliards d’euros.
Cet amendement vise à rappeler à l’article 1er du projet de loi, qui est relatif aux principaux objectifs de la politique de développement solidaire, les engagements de financement en faveur de la biodiversité et du climat annoncés par notre pays.
Le ministre a parlé de mémoire. Certains insistent sur le fait que le One Planet Summit n’a donné lieu qu’à des annonces. En ce qui me concerne, je préfère les accords fermes, comme l’accord de Paris. C’est peut-être cela qui différencie deux politiques !
Je rappelle aussi que l’AFD tend vers une compatibilité complète de ses projets avec l’accord de Paris, accord signé sous le précédent quinquennat. Par ailleurs, la France finance massivement le Fonds vert pour le climat. En outre, les alinéas 43 et suivants du cadre de partenariat global (CPG) sont consacrés à cette question.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 190. Il en est de même pour l’amendement n° 310 rectifié, à peu près pour les mêmes raisons.
Je rappelle que la France consacre aujourd’hui 1 milliard d’euros en APD bilatérale à l’adaptation au changement climatique et 1, 8 milliard d’euros à l’atténuation du changement climatique.
En outre, le contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et l’AFD prévoit que, sur la période qu’il couvre, 50 % de l’ensemble des autorisations d’engagement dans les États étrangers du groupe, y compris Proparco, doivent avoir un cobénéfice climat.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à faire de la biodiversité et du changement climatique des priorités de notre action diplomatique. Cela sera le cas à l’occasion de la conférence des parties à la convention sur la diversité biologique qui aura lieu en Chine au mois d’octobre prochain, ainsi que durant la COP26 qui aura lieu à Glasgow au mois de novembre prochain. Nous sommes donc bien au rendez-vous de nos engagements.
Ajouter une nouvelle cible à tout ce qui a déjà été acté, comme y tendent ces amendements, aboutirait à rigidifier complètement le pilotage global de l’APD.
C’est pour cette raison, et non pour une question de fond, que le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
J’ai un peu de mal à comprendre les arguments du rapporteur comme ceux du ministre.
Le One Planet Summit et le sommet Ambition Climat ont débouché sur des promesses identiques. §Certes, monsieur le rapporteur, les promesses n’engagent que ceux qui les font !
Nous proposons simplement d’inscrire ces promesses dans le projet de loi, notamment l’objectif de 1, 8 milliard d’euros en 2025. Il ne s’agit nullement de rigidifier ; je ne comprends donc pas les explications du ministre à cet égard. Je crois sincèrement que le texte serait plus clair s’il intégrait explicitement ces promesses présidentielles.
Je tiens à répondre à l’argument qui nous est avancé depuis plusieurs minutes maintenant, selon lequel l’adoption des amendements que nous proposons, comme l’amendement n° 190, renforcerait les contraintes sur le pilotage de l’APD, au point de rendre celui-ci impossible.
Il est question de mémoire. Nous en avons tous ! Souvenons-nous des discours sur la priorité qu’il fallait accorder aux pays les moins avancés, alors même que la répartition effective de l’APD française était totalement contraire à cette ambition affichée ! Combien de temps les a-t-on entendus ?
Un projet de loi de programmation comme celui dont nous débattons doit s’appuyer sur une exigence de précision. D’ailleurs, plus les objectifs seront précis, plus l’évaluation pourra être réalisée dans de bonnes conditions. Or je rappelle que ce texte met en place une commission indépendante d’évaluation des projets et programmes d’aide publique au développement pour renforcer cet aspect.
Nous pouvons parfaitement fixer des objectifs précis sans pour autant rigidifier le pilotage de l’APD ou rendre ce pilotage impossible, comme vous semblez le craindre. De telles précisions me semblent même indispensables au regard du fossé, pour ne pas dire du divorce, qui a longtemps existé, en matière d’aide au développement, entre les intentions affichées et la réalité des engagements tenus et qui nous a échaudés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 191 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’État s’engage à ce qu’en 2025, 85 % des volumes annuels d’engagements de l’APD bilatérale programmable française aient l’égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif, avec comme étape intermédiaire un volume de 60 % en 2022. L’État s’engage également à ce que 20 % des volumes annuels d’engagement aient comme objectif principal, suivant les marqueurs du comité d’aide au développement de l’OCDE à l’horizon 2025.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Depuis 2019, la France prône publiquement une « diplomatie féministe » dans les différents forums internationaux, mais celle-ci peine à se traduire de manière concrète dans une véritable aide publique au développement féministe.
Le rapport réalisé par Claudine Lepage au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes comme les différents rapports statistiques de l’OCDE confirment le retard de la France au sein des pays donateurs quant à l’APD ayant l’égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou même significatif. Le Canada, la Suède, l’Irlande, l’Islande, pour ne citer que ces pays, dépassent les 80 % d’APD « genre », quand la France peine à atteindre les 40 % en 2017. Elle se situe ainsi en deçà de la moyenne du CAD de l’OCDE et même de celle de l’Union européenne.
Nous proposons donc via cet amendement de rehausser la part d’APD « genre » pour atteindre 85 %, d’ici à 2025, ainsi que cela est recommandé par les institutions européennes et le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour cela, nous proposons une trajectoire cohérente et graduelle, portant la part d’APD « genre » à 60 % en 2022, puis à 85 % en 2025. Cet objectif transversal est tout à fait possible.
J’ajoute qu’il est particulièrement nécessaire, compte tenu des conséquences terribles de la pandémie de covid-19 pour les femmes dans le monde. Selon une étude du Forum économique mondial de Davos, la covid-19 a fait perdre trente-six ans à la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Selon l’Organisation internationale du travail, en 2020, la perte d’emploi des femmes a atteint 5 %, contre 3 % pour les hommes ; ces 2 points de différence sont très significatifs.
Seule une APD « genre » ambitieuse est à même d’amorcer une réduction de la pauvreté et une transformation des rapports sociaux pour les projets d’agriculture et d’accès aux soins ou à l’éducation.
L’adoption de cet amendement permettra à la France d’honorer ses ambitions en 2025 et de prendre sa place parmi les meilleurs pays quant à la diplomatie féministe.
Je partage naturellement le terrible constat qui vient d’être dressé et l’importance de développer une diplomatie féministe.
Pour autant, le cadre de partenariat global comporte déjà des objectifs très ambitieux en matière d’égalité entre les femmes et les hommes : 85 % de l’aide publique au développement bilatérale programmable doit avoir cet objectif comme objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal.
Le texte de la commission fixe un objectif de 75 % en 2025 ; vous proposez de porter cet objectif à 85 %. Atteindre 75 % constituera déjà une évolution importante ; aller au-delà nous semble une marche trop difficile à gravir.
Pour cette raison, tout en étant d’accord avec le constat et l’ambition affichée, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 148, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les pertes de recettes des pays membres de l’Union monétaire ouest-africaine consécutives de la suppression de la rémunération des réserves de change placées sur le compte bloqué du Trésor français dédié à la garantie sont compensées, à due concurrence, par l’aide publique au développement.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement porte sur une question particulière liée à la réforme du franc CFA, celle du compte d’opérations.
À nos yeux, cette réforme a laissé en place l’essentiel des mécanismes de la domination monétaire de la France sur les États de l’Afrique de l’Ouest. Il me semble qu’à l’occasion de l’examen de ce projet de loi nous pouvons corriger l’un des effets néfastes de cette réforme, dont je dirais même que c’est un effet étrange…
Comme l’ont récemment démontré l’économiste N’dongo Samba Sylla et la journaliste Fanny Pigeaud, malgré la suppression apparente du compte d’opérations, le Trésor français a maintenu son rôle putatif de garant de la convertibilité du franc CFA à taux fixe, ce qui signifie qu’il autorise la possibilité d’un découvert non plafonné en euros à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en cas d’épuisement de ses réserves officielles. Or une telle disposition requiert l’ouverture préalable d’une ligne de trésorerie dans les écritures comptables de l’État français.
En résumé, on peut dire que le compte d’opérations a disparu pour réapparaître sous une autre forme ! Surtout, et c’est là le tour de force du Trésor, cette nouvelle forme est moins onéreuse pour l’État français, car il n’est plus tenu de verser à la BCEAO des intérêts sur ses réserves au taux nominal de 0, 75 %, alors que ce nouveau système assure à la France le même contrôle politique qu’auparavant.
Cet amendement vise à réaffecter à l’APD l’économie ainsi réalisée par l’État français, laquelle représente tout de même 40 millions d’euros annuels !
L’idée de cet amendement m’est venue à la lecture d’un article de presse de Vincent Ledoux, député membre de la majorité présidentielle, qui a analysé cette question. Je ne crois pas qu’il ait lui-même défendu cette idée à l’Assemblée nationale et j’espère qu’il ne m’en voudra pas de l’avoir transformée en amendement. Il me semble que le Gouvernement pourrait être sensible à cette proposition de justice, d’autant qu’elle émane en fait d’un membre de sa majorité…
M. Rachid Temal, rapporteur. La commission n’est pas franchement concernée par le jeu de ping-pong entre M. Laurent, M. Ledoux et le Gouvernement. Je laisserai donc le ministre répondre sur ce point…
Sourires.
La question de la suppression de la rémunération des réserves de change des pays du franc CFA n’a pas vocation à être traitée dans un article relatif à la trajectoire financière globale de l’APD. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Laurent, nous avons déjà eu ce débat ici même. En tout cas, je discuterai avec M. Ledoux de votre proposition et je pourrai ainsi vérifier s’il la soutient…
Sur le fond, la réforme de la coopération monétaire avec l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) a maintenu la garantie de convertibilité à la demande des États membres de l’UMOA. Cette garantie constitue un facteur de stabilité pour le cadre macroéconomique de la zone ; elle est très utile pour la conduite des politiques économiques.
Les moindres recettes pour la BCEAO sont susceptibles d’être compensées, au moins en partie, par les produits de placements de ses réserves de change que la banque réalisera librement. Par ailleurs, les États membres de l’UMOA ont vocation à bénéficier de l’aide française au développement.
Dans ce contexte et sous réserve de l’entretien que je ne manquerai pas d’avoir avec M. Ledoux, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Sans rouvrir le débat sur la réforme du franc CFA – chacun a eu l’occasion de donner son avis à ce sujet –, je souligne que cette réforme a eu comme conséquence étrange de faire faire des économies à l’État français. Il me semble qu’au moment où nous discutons de l’aide au développement, en particulier de celle destinée aux pays de cette zone, nous pourrions décider de réaffecter à ces pays les économies réalisées à l’occasion de la réforme du franc CFA. Cela me paraîtrait assez naturel.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 12, présenté par M. Requier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à supprimer une disposition selon laquelle les services de l’État concourant à la politique du développement disposent de moyens humains cohérents avec les ressources prévues dans le projet de loi. Cet objectif est louable, mais il ne nous paraît pas adapté à la conduite de cette politique publique.
En effet, l’aide publique transite par plusieurs canaux. De ce fait, si la contribution de la France à l’aide multilatérale est doublée, nous n’avons pas nécessairement besoin de fonctionnaires en plus.
En outre, parmi les effectifs de l’État à l’étranger, il est difficile de distinguer ceux qui concourent à la politique de développement et dans quelle mesure. Ainsi, les ambassadeurs y concourent, même si ce n’est évidemment pas leur seule activité.
Enfin, l’AFD et Expertise France constituent les principaux piliers de la mise en œuvre de la politique française de développement. Or, on le sait, leurs effectifs ont connu une hausse importante ces dernières années.
C’est pour ces raisons que nous proposons de supprimer cet alinéa.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n’a pas la même lecture de cet alinéa que la commission des finances.
Il ne s’agit pas de rendre la hausse des effectifs automatique, si les crédits de l’APD augmentent. Il est vrai qu’il existe un débat sur la répartition des agents entre le siège et les postes et personne ne dit qu’il faut augmenter les effectifs de l’AFD. Pour autant, il ne nous semble pas pertinent de supprimer purement et simplement cet alinéa.
J’ai été rapporteur pour avis des crédits du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » et chacun sait qu’à la suite de la baisse conséquente des effectifs dans les ambassades et consulats depuis de nombreuses années les postes sont à l’os. Je rappelle aussi qu’il est demandé aux ambassadeurs de s’impliquer davantage sur les questions d’APD, puisque nous créons un conseil local du développement.
Je le répète, l’alinéa 11 de cet article ne prévoit pas d’automaticité, mais permet un lien entre les ressources de l’APD et les moyens humains destinés à la gérer. Si nous votons des crédits supplémentaires sur telle ou telle politique, il est nécessaire de prévoir des moyens pour que cette décision entre concrètement en application.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement a donné son accord à la rédaction de cet alinéa adoptée lors des débats en séance publique à l’Assemblée nationale. En effet, contrairement à la proposition initiale formulée par la commission des affaires étrangères, il n’est plus question de trajectoire des moyens humains des services de l’État : on parle seulement de cohérence entre ces derniers et les moyens accrus dédiés à la politique de développement.
Je crois que cette disposition traduit l’importance accordée au pilotage de cette politique sur le terrain et en administration centrale, notamment vis-à-vis des opérateurs de l’APD, en particulier l’AFD.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable au maintien de cet alinéa et émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. Gold, Guérini, Bilhac et Guiol, Mme M. Carrère et MM. Corbisez et Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 12
1° Première phrase
Après l’année :
insérer les mots :
au moins
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
afin de tendre vers la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques
La parole est à M. André Guiol.
L’article 1er, qui définit notamment les grands axes de la programmation financière de la politique solidaire, précise que les moyens transitant par la société civile devront doubler en 2022 par rapport à 2017. Cette évolution correspond à l’objectif fixé par le dernier Cicid.
L’aide publique au développement bilatérale de notre pays qui transite par la société civile française et internationale connaît actuellement une trajectoire ascendante, ce qui est une bonne chose : 460 millions d’euros en 2019 contre 241 millions en 2016. Cette évolution positive souligne l’importance du soutien qu’apporte la société civile au développement solidaire ; l’article 2 bis introduit en commission le rappelle fort justement.
Cet amendement tend à conforter la rédaction de l’article, en précisant que ces moyens devront atteindre « au moins » 1 milliard d’euros.
Il est également proposé de supprimer la référence à l’objectif de la moyenne des pays de l’OCDE. Si la France est actuellement en retard au regard de l’effort fourni par les bailleurs issus de ces pays, le contexte de récession économique mondiale pourrait fragiliser la référence à cette moyenne. En effet, compte tenu de la dégradation de leurs finances publiques, les principaux pays de l’OCDE réduisent leur budget consacré à l’aide au développement. C’est le cas du Royaume-Uni qui a choisi de faire passer son budget consacré à l’aide publique au développement de 0, 7 % à 0, 5 % de son revenu national brut.
De leur côté, les ONG rencontrent des difficultés de financement liées à la pandémie. Par conséquent, la France doit afficher clairement sa propre ambition.
L’amendement n° 200, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 12, seconde phrase
Remplacer les mots :
maintenir la progression de ce montant afin de tendre vers
par le mot :
rejoindre
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement, qui va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté, vise à consacrer l’objectif d’augmenter le montant de l’aide publique transitant par les organisations de la société civile (OSC) pour atteindre la moyenne des pays du CAD de l’OCDE.
La rédaction actuelle est très peu ambitieuse et permet encore une fois, comme c’était le cas pour l’objectif de 0, 7 % du RNB, d’afficher un objectif louable, sans prendre d’engagement contraignant.
Or les OSC sont essentielles dans l’écosystème de l’aide publique au développement pour parvenir jusqu’aux populations, en particulier dans les situations de crise humanitaire. Elles ont des capacités importantes d’innovation, de mobilisation citoyenne et de financement. En bref, leur centralité dans l’aide publique au développement n’est plus à démontrer.
Reconnaître leur rôle et leur plus-value, comme c’est le cas à l’alinéa 13 de cet article, est un premier pas dans la construction d’une politique d’aide véritablement partenariale, mais il faut désormais dépasser les déclarations de bonne volonté et s’engager à consacrer les moyens qui permettront de bâtir cette politique.
Comme le disait avec ses mots l’ancien ministre de l’environnement sénégalais Haïdar El Ali, si, pour accompagner les gens qui prennent des initiatives, vous n’avez que les gens qui savent faire des dossiers, des séminaires ou des rapports, vous n’allez pas en sortir, parce que ceux qui font cela ne font rien d’autre !
Les accompagner, cela veut dire aller réellement sur le terrain et vous verrez alors la différence.
Ce sont également les recommandations du député Hervé Berville dans son rapport sur l’APD en 2018 et celles de la revue par les pairs du CAD de l’OCDE, publié la même année. Ce sont enfin les préconisations du Conseil économique, social et environnemental dans son avis du 26 février 2020.
Tous constatent que la France est largement en retard sur la moyenne des pays du CAD de l’OCDE : 4 % de son aide sont dirigés vers et acheminés par les ONG, contre 15 % pour les pays du CAD.
La reformulation de l’alinéa 12 vise à donner aux organisations de la société civile les moyens pour que les objectifs de la politique de développement et de lutte contre les inégalités mondiales puissent être atteints dans un cadre véritablement partenarial.
L’amendement n° 215, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12, seconde phrase
Remplacer les mots :
de tendre vers
par les mots :
d’atteindre en 2025
La parole est à M. André Vallini.
Cet amendement concerne lui aussi l’aide qui transite par les ONG. Guillaume Gontard vient de rappeler le rôle très important des ONG en matière de développement – tout le monde est d’accord sur ce sujet.
La commission a accordé une suite favorable à notre amendement qui porte à 1 milliard d’euros la part d’aide transitant par les ONG. C’est une bonne chose, mais nous souhaitons compléter cet engagement par une date cible qui serait 2025.
En effet, la France est très en deçà de ses partenaires de l’OCDE en matière d’aide au développement transitant par les ONG, puisque la moyenne de ces pays se situe autour de 15 %, alors que la France n’en était qu’à 6, 96 % en 2019 et 7 % en 2020.
Il est important de s’aligner sur nos partenaires à ce sujet, si nous voulons que l’aide au développement soit efficace – ce que nous souhaitons tous.
Comme l’a rappelé André Vallini, la commission a déjà intégré dans le projet de loi le fait que 1 milliard d’euros d’APD devraient transiter par les organisations de la société civile en 2022. M. Gontard estime sûrement que cet engagement est insuffisant, mais on ne peut nier le fait que la commission a inscrit clairement cet engagement dans le texte et qu’il est ambitieux par rapport à la situation actuelle.
Augmenter encore cette ambition nous paraît délicat. D’ailleurs sera bientôt en discussion un amendement qui tend à revenir sur cet objectif. Vous le voyez, les choses ne sont pas si simples et il vaut souvent mieux tenir que courir…
J’ajoute que la commission a inséré un article dans le projet de loi qui reconnaît le rôle essentiel de la société civile dans la politique de développement.
Je crois vraiment que fixer un objectif de 1 milliard d’euros constitue déjà une avancée significative. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Je veux partager avec les auteurs de ces amendements le constat qu’en ce qui concerne l’APD qui transite par les OSC nous venons de loin, de très loin, de très, très loin même… Le retard de la France par rapport aux normes de l’OCDE était impressionnant.
Nous sommes en train de combler ce retard, puisque, entre 2017 et 2022, nous sommes passés de 310 millions d’euros à 620 millions d’euros. J’avais annoncé ici même, lors des débats sur un projet de loi de finances, que cette part allait doubler. Je suis au rendez-vous de mon engagement ! Les OSC ont elles-mêmes constaté le respect de cet engagement.
Ce doublement a été rendu possible par la mise en place d’un guichet spécial « Initiatives OSC » mis en œuvre par l’AFD et par plusieurs autres dispositifs. J’ai le sentiment que les OSC se rendent parfaitement compte des efforts qui ont été fournis en la matière.
J’ajoute, en anticipant sur le débat que nous aurons à l’occasion de l’amendement n° 322 du Gouvernement, que, si l’on souhaite encore doubler cette part de l’aide transitant par des OSC, il faudra m’expliquer comment on s’y prend ! Il faudra même m’expliquer, monsieur le rapporteur, comment on fait pour passer à 1 milliard d’euros. D’ailleurs, pourquoi pas 2 milliards d’euros, voire 3 milliards d’euros ? Sur quelles lignes budgétaires pensez-vous prendre une telle enveloppe ?
Je suis tout à fait déterminé à assurer l’augmentation de l’aide transitant par les OSC. Je suis d’ailleurs, je le répète, au rendez-vous de l’engagement que j’ai pris en 2017 : ces aides ont d’ores et déjà doublé ! Je préfère m’en tenir à cet objectif, la surenchère n’étant pas nécessairement synonyme de bonne politique.
Je précise, monsieur Gontard, qu’à chacun de mes déplacements je rencontre les gens qui travaillent sur le terrain, y compris les représentants des associations. Je participe aussi, lorsque je suis dans un pays, aux réunions que l’ambassadeur organise déjà sur ces sujets avec l’ensemble des acteurs, avant même que la loi ne formalise la création du conseil local du développement. Il est vrai que les OSC demandent toujours un peu plus, c’est assez naturel, mais nous avons déjà doublé l’aide qui transite par elles.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.