Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est aujourd’hui une satisfaction de pouvoir débattre de ce projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, que nous attendions depuis plus de deux années. Notre commission suit depuis longtemps cette politique avec beaucoup d’attention, car les enjeux en sont essentiels. En particulier, ni la France ni l’Europe ne peuvent se désintéresser de la situation du continent africain, notre voisin.
Le texte transmis au Sénat comporte, monsieur le ministre, de nombreuses avancées. Notre commission s’est toutefois efforcée de l’améliorer sur plusieurs points.
D’abord, ce projet de loi dit « de programmation » ne couvre en réalité que l’année 2022. Cela nous a paru insatisfaisant et nous nous sommes efforcés d’y remédier.
Certes, les incertitudes de la situation économique rendent l’exercice délicat. Nous sommes partis des prévisions du FMI (Fonds monétaire international), pour dessiner une trajectoire avec des marches annuelles d’environ 800 millions d’euros.
Parallèlement, nous avons prévu un rendez-vous en 2023, pour réviser cette évolution en fonction de la conjoncture et, éventuellement, remettre au premier plan les 0, 7 % du RNB (revenu national brut). Nous pourrons toutefois débattre de la forme exacte de cette programmation, notamment à l’occasion d’un amendement qui sera présenté par le rapporteur pour avis de la commission des finances.
Par ailleurs, le volume de nos engagements financiers ne doit pas constituer l’alpha et l’oméga de cette politique de développement solidaire. Le choix des pays vers lesquels nous orientons nos financements, la nature des projets financés, la manière même dont nous les finançons sont tout aussi importants. Ainsi, seulement 18 % de notre aide dite « pays programmable » va vers les pays les moins avancés, quand la plupart de nos partenaires sont à 30 % ou à 40 %.
Nous avons par ailleurs la deuxième plus faible part de dons et de dépenses bilatérales de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Sur ces points essentiels, le texte initial ne faisait que reconduire des objectifs qui datent de 2013. Notre commission a adopté des amendements pour remédier à cette situation de manière progressive. Ils permettront de recentrer notre aide au développement sur les pays qui en ont le plus besoin ainsi que sur les services essentiels : éducation, santé, agriculture et alimentation. Car notre aide au développement s’est parfois un peu égarée en s’efforçant de maximiser les volumes de prêts, le plus souvent à taux de marché, au bénéfice des pays émergents.
Si les apports de notre commission peuvent conduire à stabiliser, voire à freiner un peu l’activité bancaire de l’AFD (Agence française de développement) au profit de sa gestion des dons, nous l’assumons. Il s’agit aussi de redonner du sens à cette politique et de la rendre plus lisible pour nos concitoyens.
Troisième sujet, traité selon nous de manière incomplète par le projet de loi : la question du pilotage et de la gouvernance de cette politique.
La Cour des comptes, dans son rapport de 2020 sur les opérateurs de l’action extérieure de l’État, en a souligné la complexité actuelle. Les instances de direction, de concertation et de consultation sont nombreuses, leurs missions enchevêtrées. Les dispositions qui figurent au sein du cadre de partenariat global annexé n’apportent pas de simplification majeure dans ce domaine. Notre commission a donc adopté des modifications afin de réaffirmer le rôle prééminent du ministre chargé du développement.
Nous saluons cependant la création d’un conseil local du développement, placé auprès de l’ambassadeur. Il contribuera à l’un des impératifs que nous souhaitons particulièrement souligner : celui d’un meilleur alignement de notre politique de développement solidaire, non seulement avec les orientations de la diplomatie française, mais aussi avec nos autres politiques publiques. Car l’aide au développement ne doit pas être coupée de nos propres réalités.
L’« Équipe France » doit promouvoir de manière cohérente nos objectifs de solidarité avec ceux qui sont les nôtres en matière de développement économique, de sécurité globale ou encore de rayonnement de la langue française au travers du soutien à son apprentissage.
Autre apport majeur du texte, la création d’une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire. Il s’agit là d’une de nos préconisations de longue date.
Le nouvel organisme, inspiré de la commission d’évaluation britannique, possédera à la fois l’indépendance et l’expertise technique.
Il fournira ainsi au Gouvernement, mais aussi au Parlement, les éléments pour instaurer un véritable « pilotage par les résultats ».
Nous avons souhaité mieux définir la composition de ce nouvel organisme, en entérinant son placement auprès de la Cour des comptes, gage d’indépendance, mais aussi en prévoyant la présence de deux parlementaires de chaque assemblée en son sein. En outre, nous avons précisé le pouvoir de saisine des assemblées et le délai de réponse de la commission.
Sous réserve de ces modifications, le présent projet de loi nous semble constituer un cadre pertinent pour cette politique de développement solidaire, dont la pandémie actuelle nous rappelle, s’il en était besoin, l’absolue nécessité. Les apports issus des nombreux amendements déposés permettront sans nul doute d’aller plus loin et d’améliorer encore le texte.