Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à ce projet de loi, si les planètes sont alignées, peut-être tiendrons-nous à partir de 2025 la promesse française, vieille de plus d’un demi-siècle, de consacrer 0, 7 % de notre richesse nationale à l’APD.
Depuis cinquante et un ans que la France tente péniblement de tenir cette promesse, l’extraordinaire explosion de la richesse mondiale a permis de faire reculer l’extrême pauvreté. Toutefois, elle n’a nullement réduit les inégalités entre les êtres humains ou entre les pays riches et les pays pauvres.
Aujourd’hui encore, quelque vingt pays concentrent 90 % du PIB mondial. Aujourd’hui encore, 690 millions de personnes, soit près de 10 % de l’humanité, souffrent de la faim. Et ce chiffre augmente, pour la quatrième année consécutive, sur fond de guerres, de catastrophes climatiques, de pandémie et d’accroissement des inégalités. L’ONU estime que, faute d’action suffisante, le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait quasiment doubler d’ici à 2080. Plus que jamais, l’effort de solidarité internationale doit être décuplé.
Naturellement, l’APD n’est que le pansement sur la jambe de bois du système capitaliste. Elle ne permet pas de lutter contre les effets délétères du changement climatique et de la prédation des pays riches sur les ressources des pays en développement. Elle ne permet pas non plus de lever les brevets des vaccins et d’assurer l’immunité rapide des populations des pays pauvres face au covid-19. Elle ne permet pas, enfin, d’assurer une meilleure répartition des richesses mondiales ou de prévenir les velléités belliqueuses des Nations.
Toutefois, faute de grand soir, faute de révolution écologiste, il est indispensable d’agir sans attendre pour venir en aide à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Le présent projet de loi a vocation à servir cette ambition. Il est désormais porteur d’une trajectoire budgétaire renforcée, ainsi que de l’esquisse d’un chemin pour parvenir enfin, en 2025, à une part de 0, 7 % du RNB consacrée à l’APD ; il prévoit aussi une timide augmentation des dons, de l’aide bilatérale et du partenariat avec les organisations de la société civile.
Notre responsabilité est de consolider ces acquis en s’assurant d’une priorité absolue consacrée aux PMA ; d’un renforcement net de la part des dons, plutôt que des prêts, dans le volume de l’APD française ; de l’accroissement des moyens transitant par les organisations de la société civile ; de l’augmentation, au moins au niveau de la moyenne de l’OCDE, des programmes ayant pour objectif l’égalité entre les femmes et les hommes, entre les filles et les garçons ; du renforcement des financements mobilisés pour la protection de la biodiversité ; enfin, de la transparence sur les données de l’APD française.
Nous vous proposerons à cet effet des amendements visant à renforcer l’ambition de cet article 1er.
L’Assemblée nationale a fait le choix judicieux d’inscrire dans le corps de la loi les principaux objectifs de la politique de développement française. De l’éradication de la pauvreté à la préservation des biens publics mondiaux, de la défense des droits humains à la promotion de l’accord de Paris, de la diplomatie féministe au renforcement de la démocratie : nous nous retrouvons dans cette feuille de route exigeante.
Il nous semble néanmoins nécessaire de la compléter, pour accroître l’attention portée à certains publics fragiles, mais également de renforcer l’indispensable cohérence entre la politique française de développement et les autres politiques publiques.
En effet, trop souvent, nous défaisons d’une main ce que nous construisons de l’autre. Prenez le projet Feronia : de 2012 à 2020, Proparco, filiale de l’AFD, a financé un funeste projet de production d’huile de palme sur une superficie équivalant à celle de la Belgique, entraînant des accaparements fonciers, des écocides, des violations des droits humains et même des meurtres… Feronia n’est pas une exception ; les projets agricoles néfastes pour l’environnement et les économies locales sont, hélas, encore fréquents dans les financements français.
La restructuration de l’AFD, le renforcement de la tutelle de l’État et la mise en place d’une commission d’évaluation indépendante qui sont prévus par le texte permettront, je l’espère, de lutter contre ces graves violations de nos engagements.
Nous aurons le regret, toutefois, que l’intégration d’Expertise France à l’AFD se rapproche d’une simple juxtaposition et ne garantisse pas à nos experts de la coopération technique internationale le statut des personnels de l’AFD, fragilisant du même coup la cohésion du groupe AFD et la qualité de notre aide.
Monsieur le ministre, un tiens valant toujours mieux que deux tu l’auras, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires se prononcera, non sans exigence, non sans espoir, en faveur de ce projet de loi.