Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin ! Enfin, nous abordons, avec beaucoup de retard, l’examen de ce qui devait être l’une des grandes priorités du quinquennat. Ce retard a forcément des conséquences sur une programmation 2020-2025 qui commence en 2021 et se termine en 2022.
Au-delà, nous n’avons pas d’objectifs chiffrés, et les 0, 7 % du RNB, dont vous vous félicitez, me paraissent relever du simple affichage. Mon collègue Thierry Cozic en parlera plus longuement tout à l’heure.
Sur l’ensemble du texte, je dois dire que, grâce au travail de nos deux rapporteurs et grâce au vote de l’ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, nous examinons un projet de loi qui porte de réelles avancées. Veillons à ce qu’il ne soit pas « détricoté ». Et, sur de nombreux points, nous pouvons encore progresser.
C’est possible sur le ciblage géographique. La qualité de l’APD dans la lutte contre l’extrême pauvreté va de pair avec un ciblage efficace vers les pays et les populations qui en ont le plus besoin. Or l’aide française souffre d’une forte dispersion. Les 19 pays dits « prioritaires » ne reçoivent que 13 % de l’aide. La loi fixe des priorités qui ne se traduisent pas dans les faits.
C’est la même chose pour les pays du G5 Sahel. Tous, nous connaissons les racines du mal : c’est la misère qui pousse les populations dans les bras des terroristes, c’est la colère des peuples qui s’élève contre la mal-gouvernance et la corruption et qui, en juin 2020, a provoqué la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta au Mali.
Cette colère se porte malheureusement aujourd’hui aussi contre la présence des forces françaises dans la région. Nos soldats nous le disent, l’autre volet de la lutte contre le terrorisme, c’est une politique de développement volontariste au Sahel.
Je voudrais souligner ici l’une des grandes avancées portées par les socialistes, soutenue par les corapporteurs et, j’y insiste, par l’ensemble des membres de la commission : consacrer un article dédié aux organisations de la société civile, reconnaissance formelle de leur rôle dans la politique d’aide au développement.
Cette dimension partenariale, dans l’élaboration comme dans la mise en œuvre de cette politique, me paraît indispensable dans un texte de loi. Si le Gouvernement ne nous suivait pas sur ce point, ce serait un très mauvais signe en direction de celles et de ceux qui sont engagés au quotidien sur le terrain.
Tout aussi remarquable est l’avancée sur les biens mal acquis. Grâce à l’action de Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste et questeur de cette institution, et, je dois le dire, grâce au soutien de l’ensemble de cette assemblée, un travail a pu être engagé, qui a abouti à un accord avec le Gouvernement. Les fonds provenant de la confiscation des biens mobiliers et immobiliers que s’approprient les brigands de tous bords seront directement reversés aux populations spoliées. Un mécanisme a été trouvé.
Félicitons-nous de cette avancée et continuons de lutter contre la corruption internationale et les paradis fiscaux. Posons le principe d’un devoir de vigilance à l’égard de nos entreprises, qu’elles soient publiques ou privées.
L’enregistrement des naissances doit aussi figurer au premier rang de nos objectifs. En effet, 237 millions d’enfants n’ont pas d’acte de naissance : ils n’existent pas. On ne peut donc pas les protéger contre la prostitution, l’esclavage, le travail forcé, l’enrôlement comme enfants-soldats… Ils deviendront des adultes invisibles.
La France doit contribuer au fonds qui est en train de se mettre en place en faveur de l’enregistrement des naissances, sous l’égide des Nations unies. Nous vous le demandons instamment, monsieur le ministre.
L’urgence d’une vaccination mondiale est réelle. Si une vaccination massive n’intervient pas d’ici à un an, la situation sanitaire dans les pays les plus pauvres deviendra incontrôlable. Le mécanisme de solidarité Covax n’a pas produit les effets escomptés. Il est temps d’aller plus loin et de supprimer tous les obstacles juridiques liés aux droits exclusifs de la propriété intellectuelle, qui limite artificiellement la production massive de vaccins anti-covid.
Il aura fallu la déclaration de Joe Biden pour qu’Emmanuel Macron emboîte le pas. Je ne doute pas que l’ensemble du Gouvernement s’alignera désormais derrière la nouvelle position du Président de la République, et que, à rebours de vos déclarations passées ici même, monsieur le ministre, vous soutiendrez nos amendements en faveur de la levée des brevets contre la covid-19.