Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 11 mai 2021 à 14h30
Développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, annoncé par le Président de la République en 2017, ce projet de loi a été plusieurs fois reporté. Même s’il intervient très tard, nous avons de bonnes raisons d’y être attentifs.

Premièrement, l’article 15 de la loi de 2014 prévoyait une révision cinq ans après sa promulgation. Nous saluons le respect de cette loi, d’autant que cela ne va pas de soi pour d’autres textes de programmation.

Deuxièmement, les volumes financiers consacrés à l’APD augmentent. On ne saurait imaginer qu’une hausse de 36 % sur cinq ans ne s’accompagne pas d’une véritable politique d’évaluation et de contrôle, alors même que la France et ses citoyens doivent supporter les graves conséquences économiques de la crise sanitaire.

Troisièmement, le domaine de l’APD connaît une révolution sur le fond et sur la forme. Aussi, la France, en tant qu’acteur traditionnel, doit s’adapter à un contexte évolutif pour se maintenir dans les premiers rangs des pays pourvoyeurs d’aide publique au développement. Il serait dommageable que ce projet de loi devienne un catalogue de bonnes intentions, une transposition de normes idéologiques inadaptées à la réalité du terrain et aux besoins des bénéficiaires de l’APD française.

Cette politique ne saurait être la projection de préoccupations propres à la société française et occidentale sur d’autres populations, dont les besoins sociétaux et les modes d’organisation divergent des nôtres.

L’aide publique au développement est autant un vecteur de sécurité globale qu’un outil d’influence internationale et diplomatique. Même s’il s’agit de soft power, c’est un nouvel espace de compétition entre les puissances. Rappelons que l’attractivité de l’APD tient autant à son universalisme qu’a son pragmatisme.

J’en arrive aux objectifs de notre politique d’APD. Les rapporteurs, que je remercie de leurs travaux, ont souhaité, à juste titre, les clarifier et les hiérarchiser autour de trois thématiques : tout d’abord, l’éradication de la pauvreté et l’accès aux services essentiels ; ensuite, la protection des biens publics mondiaux dont celle de la planète ; enfin, la promotion des droits humains et le renforcement de l’État de droit et de la démocratie.

Ce dernier principe a toute son importance, car il s’inscrit en cohérence avec l’approche des 3D, à savoir « diplomatie, défense et développement ». Comme le rappelait à l’instant le président Cambon, cela vient en complémentarité des missions de nos militaires en OPEX, notamment au Sahel. Pallier les difficultés des États et renforcer les structures de gouvernances sont des priorités. Nous avons, ici même, débattu des limites de l’opération Barkhane.

L’autre point clé du projet de loi qui mérite notre attention est la trajectoire financière. Monsieur le ministre, nous saluons votre démarche, mais nous regrettons, comme d’autres, que votre horizon s’arrête à 2022. Ce choix est surprenant, parce que, pour d’autres domaines, comme celui de la recherche, le Gouvernement propose une loi de programmation qui s’étend jusqu’à 2030.

Nous partageons l’approche de la commission des affaires étrangères, qui ne se contente pas d’une vision quantitative fondée sur le volume de crédits, mais qui prône une approche qualitative reposant sur un rééquilibrage entre dons et prêts et entre multilatéral et bilatéral. Ainsi, fixer un seuil minimum pour les dons à 65 % et un maintien de la part d’aide bilatérale à 70 % nous paraît tout à fait juste.

Par ailleurs, cette proposition de ventilation en faveur des dons permettra une meilleure visibilité, une meilleure traçabilité, voire une plus grande sécurisation de l’aide française, me semble-t-il.

Les prises de participations de l’AFD au sein de banques étrangères de développement ne sauraient incarner la politique française d’aide au développement.

En ce qui concerne le fonctionnement à venir de l’Agence française de développement, dorénavant autorisée à détenir tout ou partie du capital d’Expertise France, notre groupe souhaite rappeler que, si les objectifs de cette réforme structurelle sont d’achever la création d’une véritable holding de développement et de créer des synergies entre les deux opérateurs, la priorité des priorités reste le renforcement du pilotage stratégique.

Dans cette perspective, nous approuvons pleinement l’article 9 mettant en place la commission de contrôle et d’évaluation indépendante.

Nous espérons que le premier axe de travail de la future commission sera d’examiner attentivement le projet immobilier baptisé « Réconciliation », dont le montant avoisine les 836 millions d’euros. En outre, il sera primordial de veiller à la préservation de l’identité et des missions d’Expertise France au sein du groupe.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera ce projet de loi, afin d’amorcer une réforme de l’APD, laquelle ne doit être qu’une première étape vers une tradition de transparence.

C’est un effort important, une générosité qui fait honneur à notre pays, mais qui impose de mettre en place, sans plus attendre, un meilleur contrôle et une plus grande transparence des politiques d’aide au développement.

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