Intervention de Jean-Yves Le Drian

Réunion du 11 mai 2021 à 14h30
Développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales — Article 1er A

Jean-Yves Le Drian :

Il s’agit de la question importante du ciblage et de la non-discrimination.

Nous proposons d’en revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, en supprimant la deuxième phrase de l’alinéa 7.

Je le rappelle, lors de la dernière Conférence nationale humanitaire, le Président de la République a rappelé l’attachement de la France au principe de non-discrimination dans l’attribution de l’aide, conformément aux conventions de Genève, notamment celle de 1949.

Derrière ce principe, auquel nous sommes très attachés, se pose une question très sensible dans le cadre des actions humanitaires et de développement que nous finançons sur le terrain : le criblage des bénéficiaires finaux des projets.

La règle générale, c’est que l’action humanitaire implique la non-discrimination, raison pour laquelle nous considérons que le criblage des bénéficiaires finaux de l’action humanitaire ne doit pas être imposé.

À l’inverse, dans le domaine du développement, nos opérateurs, notamment l’AFD, sont soumis à un certain nombre d’obligations relatives, par exemple, à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En conséquence, ils sont tenus de veiller au criblage des bénéficiaires finaux.

Le problème est qu’il existe une zone grise, qui concerne les actions dites « de stabilisation ». Souvent, les modalités d’intervention des projets concernés doivent être appréciées au cas par cas. Je pense notamment aux transferts de cash, directs ou indirects, dans le cadre de projets axés sur l’employabilité des jeunes ou sur la formation professionnelle.

Dans ces cas, il existe des risques de détournement. Il nous faut donc être très précis sur les attributions et les destinataires, ce qui n’est pas toujours simple. Au Mali, par exemple, un projet sur l’employabilité des jeunes et la formation professionnelle débouche sur l’attribution d’un pécule à l’issue du stage : il faut s’assurer qu’il bénéficie bien aux jeunes, compte tenu de la situation pour le moins volatile de ce pays.

De même, en République centrafricaine, les actions de développement dites « de stabilisation » privilégient les activités à haute intensité de main-d’œuvre, ce qui est très bien. Là encore, sommes-nous certains qu’il n’y a pas de risque de détournement au profit des milices, qui sont très nombreuses dans ce pays ?

Pour ces raisons, je souhaite que l’on en revienne à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui avait également fait l’objet d’un débat. Je m’étais engagé auprès des députés, et je m’engage aussi auprès de vous à remettre un rapport très précis aux présidents des commissions concernées, pour apprécier la situation et identifier la méthode.

Je ne dis pas que tout est à risque, mais qu’il y a des risques. Je sais, pour les avoir rencontrées, que certaines ONG y sont défavorables, mais leur rôle n’est pas de s’assurer de la sécurité. En raison de mes responsabilités et des différentes fonctions que j’ai occupées, je pense qu’il y a un problème.

Il ne s’agit pas d’une position définitive. Je m’engage à remettre un rapport, qui à mon avis devrait aboutir à la définition de critères à prendre en compte, selon les types d’opérations – il s’agit simplement de savoir s’il faut procéder à un criblage pour engager certaines opérations. Ce rapport devra être prêt dans trois mois, car cette question appelle un examen attentif des commissions concernées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion