Intervention de François Bonhomme

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 mai 2021 à 9h00
Outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19 — Examen du rapport d'information

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur :

Les mesures d'accompagnement et les négociations amiables ne suffisent pas à résoudre toutes les difficultés.

Qu'elles se trouvent dans une situation trop compromise ou qu'elles se heurtent à la mauvaise volonté de leurs créanciers, certaines entreprises sont contraintes de se placer sous la protection de la justice ; à l'inverse, les intérêts légitimes des créanciers et des motifs tirés de l'ordre public économique peuvent justifier que l'entreprise soit placée sous le contrôle d'un tribunal. Tel est l'objet des procédures judiciaires de traitement de l'insolvabilité des entreprises, également dénommées procédures collectives.

Du point de vue économique, les procédures collectives doivent répondre à un double impératif : d'une part, assurer un filtrage entre les entreprises viables et non viables, et d'autre part, assurer une protection suffisante des créanciers pour ne pas pénaliser le financement des entreprises.

De ce double point de vue, le droit français est souvent critiqué. Nous avons constaté que les pouvoirs publics manquent d'outils statistiques pour mesurer l'efficacité des procédures collectives, si bien que nous légiférons parfois « à l'aveugle ». Nous formulons des propositions pour y remédier.

Selon nous, une réforme des procédures collectives suppose d'abord de clarifier leurs objectifs et de mieux les articuler avec d'autres politiques publiques. En particulier, on a trop souvent tendance à considérer les procédures collectives, soit comme une forme de sanction à l'égard des dirigeants, soit au contraire comme une bouée de secours pour ces derniers. Cela aboutit à des solutions aberrantes d'un point de vue économique. Dans le cadre des procédures collectives elles-mêmes, la seule chose qui doit compter, c'est l'intérêt public économique et sa conciliation avec les intérêts légitimes des créanciers.

Par ailleurs, notre législation n'a que trop peu évolué depuis la loi Badinter de 1985, alors que l'économie s'est transformée, notamment dans le sens d'une financiarisation accrue. Nos procédures collectives doivent prendre en compte ces évolutions.

Nous souhaitons d'abord que la transposition prochaine de la directive Restructuration et insolvabilité du 20 juin 2019 soit l'occasion pour la France de moderniser les conditions d'adoption des plans de restructuration judiciaire d'entreprises, en faisant en sorte qu'elles opèrent une sélection plus efficace entre entreprises viables et non viables tout en tenant compte des spécificités des petites et moyennes entreprises.

À cet égard, il nous semble que l'avant-projet d'ordonnance publié par le Gouvernement au mois de janvier comporte certaines imperfections, voire certaines contradictions. Pour de plus amples développements sur ce sujet assez technique, je vous renvoie au rapport écrit.

Au-delà de la directive, nous avons examiné les conditions dans lesquelles les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire pourraient être fusionnées. Plusieurs personnes que nous avons entendues ont plaidé en ce sens au nom de la simplification. Nous proposons également de revoir l'appréciation du critère de la cessation des paiements, qui conditionne l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, mais qui paraît en partie obsolète. Il existe d'autres indices de l'insolvabilité d'une entreprise. Il conviendrait donc que le ministère public puisse requérir l'ouverture d'une procédure collective s'il résulte de ces indices que l'entreprise est insolvable.

Nous proposons également d'imposer des garde-fous pour éviter les cessions à vil prix d'entreprises en procédure collective.

S'agissant enfin des entreprises pour lesquelles seule la liquidation est envisageable, il importe de favoriser le rebond des entrepreneurs, ce que notre droit ne fait pas suffisamment. Nous préconisons à cet effet d'autoriser la reprise d'une entreprise en difficulté par l'exploitant personne physique, les dirigeants de la personne morale ou leurs proches, si leur offre correspond au meilleur intérêt des créanciers, et en prenant en compte la contribution personnelle des dirigeants de PME à la viabilité de leur entreprise. Une incapacité d'acquérir assez stricte frappe aujourd'hui les dirigeants et leurs proches, ce qui a conduit le Gouvernement à assouplir cette procédure pendant la crise sanitaire : nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l'examen d'une proposition de loi de Sophie Taillé-Polian. Il nous semble opportun de pérenniser cette mesure tout en l'encadrant.

Dans le même esprit, nous reprenons une suggestion de notre collègue Nathalie Goulet, qui proposait d'étendre le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation aux personnes morales, afin de mettre fin à une différence de traitement entre petits entrepreneurs exploitant personnellement ou sous forme sociétaire.

Enfin, nous proposons plusieurs mesures visant à mieux protéger le patrimoine personnel des entrepreneurs, à revoir le régime de la faillite et des interdictions professionnelles et à faciliter les opérations de liquidation.

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