Ce texte important nous offre une opportunité historique d'engager définitivement la France dans ce nouveau siècle, de répondre à l'appel de la jeunesse, des citoyens, du pays tout entier pour associer écologie, démocratie et développement économique et agréger toutes les volontés afin de relever l'immense défi de notre génération.
L'Amazonie émet dorénavant davantage de carbone qu'elle n'en capture, par la faute des hommes ; il y a urgence à inventer un autre avenir que celui des sombres prévisions scientifiques, à sortir d'un modèle dépassé qui ne promet que le malheur aux futures générations, à tourner le dos à un système qui ravage la planète, le climat et la biodiversité, qui prépare déjà les canicules de cet été et les pandémies de demain ; il y a urgence à atteindre l'âge de raison, celui où l'humanité prend conscience de son poids et des liens entre les différentes composantes du vivant, l'âge de transformer nos modes de vie. C'est aujourd'hui possible, la société est mûre, les décideurs sont conscients et les Français attendent. Je vois partout, sur le terrain, des patrons, des maires, tout un tissu économique et social se mettre en mouvement, avec la certitude que l'écologie n'est pas une contrainte, mais le gage des réussites de demain. Saisissons cette opportunité, nous avons tout à y gagner !
Avant vous, parlementaires, 150 citoyens tirés au sort s'y sont essayés. Ils venaient de partout, ils étaient artisans, pilotes de ligne, lycéens, retraités, médecins, sans emploi, ils ont travaillé neuf mois durant et leur travail porte le retour en force du beau mot de « citoyenneté » : se confronter aux problèmes, sortir des postures, chercher les solutions qui marchent, c'est cela qui fonde notre République. À présent, un autre temps s'ouvre, le vôtre, celui du Parlement. C'est à vous qu'il incombe de reprendre ce fil et de le tisser un peu plus avant. Beaucoup diront que l'on ne va pas assez vite, d'autres que l'on va trop vite, mais à mon sens, le grand soir de l'écologie, cela n'existe pas. Je crois aux transformations incrémentales, à une écologie de bon sens, réaliste et concrète, loin du tout ou rien qui fait trop souvent florès dans notre pays, une écologie qui ne renie rien, mais qui se fait avec les 67 millions de Français et pour eux.
La transformation sans précédent que nous sommes en train d'opérer impose de prévoir des accompagnements pour chacun. Nous sommes la première génération à être à ce point consciente de la crise écologique et peut-être la dernière à pouvoir l'enrayer ; notre siècle sera celui de cette crise et nous devons y préparer les futurs citoyens. Cela commence à l'école de la République, c'est pourquoi cette loi fera entrer l'écologie dans les salles de classe, pour former les écocitoyens de demain ; pour ceux d'aujourd'hui, ces mesures leur permettront de devenir acteurs des changements au quotidien en favorisant une autre manière de consommer. Tel est le sens du titre Ier.
Cette transition est une chance pour l'économie. Avec ce texte, nous allons porter l'écologie au coeur des entreprises, nous allons intégrer des clauses environnementales dans les marchés publics afin d'en faire des vecteurs du verdissement de notre économie, nous allons réformer le code minier pour une exploitation minière responsable qui ne détruise pas l'environnement tout en produisant les matériaux nécessaires à la transition énergétique. C'est l'ambition du titre II.
Nous allons plus loin, pour protéger la santé des Français, qui respirent un air pollué qui tue chaque année 40 000 de nos concitoyens. Ainsi, nous créons des zones à faibles émissions dans toutes nos grandes villes, auxquelles s'ajoute, après la première lecture à l'Assemblée nationale, une prime à la conversion permettant d'acquérir un vélo électrique ou un vélo cargo ; nous interdisons les trajets en avion vers des destinations qui peuvent être atteintes en train en moins de deux heures trente. Telles sont les avancées concrètes du titre III.
Certains pourraient dire que c'est trop, mais c'est seulement le retour du bon sens, qui nous dit de préférer le train à l'avion, le vélo à la voiture, qui nous dit que nous ne pouvons plus continuer à croire que le monde est infini, à étendre nos villes. C'est pourquoi nous allons diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols. Le bon sens, c'est aussi de regarder en face la réalité des deux millions de foyers qui vivent dans des passoires thermiques. Ceux-ci souffrent du froid, de la chaleur et le payent cher, tout en émettant du carbone dans l'atmosphère. À cette fin, le premier axe sera d'interdire progressivement la mise en location des biens concernés pour inciter les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires, selon un calendrier clair et précis, depuis la classe G, en 2025, jusqu'à la classe E, en 2034. Il s'agit donc d'un cadre clair et prévisible, qui laisse à chacun le temps de s'organiser.
Nous souhaitons accompagner l'ensemble des propriétaires dans la durée. Pour cela, nous inscrivons dans la loi un principe d'engagement financier de l'État, garantissant un reste à charge faible, et nous créons des « accompagnateurs rénovation » agréés par l'État. C'est là une grande avancée : demain, les propriétaires disposeront d'un soutien, un allié de terrain, de la conception de leur projet jusqu'au dernier coup de marteau.
Ces rénovations, je le rappelle, représentent des milliers d'emplois dans nos territoires, des emplois locaux, durables et non délocalisables.
Le titre V porte encore davantage de possibilités pour nos territoires, au travers de la transformation de notre modèle agricole et alimentaire, avec une agroécologie pour et par les territoires, une lutte renforcée contre la déforestation, une alimentation plus saine et plus équilibrée.
Avec le titre VI, nous mettrons fin à l'impunité des pollueurs. Demain, ils seront poursuivis et sévèrement punis.
Enfin, l'insertion d'un titre VII lors de la première lecture à l'Assemblée nationale nous prouve que le temps du travail parlementaire, tel que nous le prenons ensemble, est le gage des vraies lois, de celles qui marquent, durent et transforment. Ce titre ancre les effets de cette loi dans le temps long. L'évaluation annuelle de sa mise en oeuvre sera un excellent moyen de maintenir nos efforts, notre exigence et nos ambitions.
Ce projet de loi est une nouvelle étape dans la construction d'une République écologique qu'il est de notre devoir de construire. Il fait suite à des décisions courageuses d'abandon de grands projets datés et se combine à un plan de relance historique, à l'adoption récente d'autres lois fondant l'avenir et à la mobilisation de la France au niveau international pour pousser sans relâche l'agenda pour le climat et la biodiversité.
Il vous revient désormais de poursuivre ce travail.
Nous cherchons, non pas à rigidifier, mais à donner des perspectives, et je partage votre point de vue, Madame la présidente : il faut maintenant des règles claires, qui puissent être appliquées dans le temps et apporter de la visibilité. Il faut aussi que nous ayons à coeur d'embarquer tout le monde ; on ne peut laisser personne au bord de la route, comme l'a rappelé la crise des « gilets jaunes » - d'où les dispositifs d'accompagnement prévus dans ce texte. Nous avons systématiquement veillé à l'application concrète de la loi et à son acceptabilité. La transition écologique n'est pas pour quelques-uns ; elle est pour tout le monde !