Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 mai 2021 à 14h35
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Je vous donne lecture des questions de Jean-Baptiste Blanc.

Les mesures proposées dans le cadre du projet de loi, censées traduire les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, s'en éloignent un peu. Ainsi, l'objectif « zéro artificialisation nette » a été fixé par le Gouvernement, et non défendu par la Convention. Celle-ci a retenu comme échelon pertinent pour la lutte contre l'artificialisation les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), alors que le projet de loi donne au schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), document récent et encore non éprouvé, un pouvoir prescriptif. Troisième exemple, tous les projets commerciaux artificialisant des sols sont soumis à moratoire alors que la Convention ne visait que les nouvelles zones d'activité en entrées de ville.

L'esprit de votre texte relève davantage de contraintes et n'offre que peu de moyens dédiés à la sobriété foncière, alors que les coûts supplémentaires de « désartificialisation » et de « ville sur la ville » peuvent représenter jusqu'à quatre fois le coût d'une opération normale. Vous imposez des bilans chiffrés obligatoires aux maires, mais un outil de mesure n'arrivera qu'en 2023 au mieux, et la production de données est renvoyée à des décrets. Les besoins en ingénierie ne sont pas traités, alors même que vous demandez la révision de tous les documents d'urbanisme de France. Les collectivités sont prêtes à agir, mais l'État sera-t-il au rendez-vous des moyens et de l'accompagnement, dans un contexte de fiscalité locale déjà tendu ? Dans mon département, par exemple, nous venons de terminer des PLUi, très longs et très chers, et dont la mise en oeuvre pose un problème de moyens.

Qui plus est, cette approche coercitive est extrêmement centralisée. Mieux vaudrait respecter la décentralisation plutôt que de confier aux Sraddet la tâche de fixer un objectif chiffré dont le niveau est défini par l'État. Nous considérons qu'il faut respecter la différence des territoires, et le choix d'imposer une réduction uniforme de l'artificialisation de 50 %, dans toutes les régions de France, quels que soient les enjeux et les efforts déjà réalisés, nous semble discutable.

Enfin, je ne suis pas convaincu de la pertinence du ciblage des mesures ni de leur caractère opérationnel. Pour le gel de l'implantation de nouveaux centres commerciaux, vous retenez comme critère la surface de vente - cela n'a rien à voir avec l'impact environnemental - plutôt que l'emprise au sol. Cela pénalisera les projets vertueux réalisés en élévation.

Autre exemple, la définition même de l'artificialisation n'est pas aboutie. Elle a été modifiée à chaque stade des travaux sur ce texte, lors de la concertation, de l'avant-projet, de la discussion en commission et de l'examen en séance à l'Assemblée nationale. Elle n'est toujours pas opérationnelle, ni pour les maires, ni pour les particuliers, ni pour les constructeurs.

Enfin, nous devons être attentifs aux injonctions contradictoires faites aux élus. Par exemple, en zone tendue, le PLU devrait être renforcé pour imposer des quotas de surface non artificialisée sur chaque terrain, ce qui reviendrait presque à refaire un plan d'occupation des sols (POS), alors que celui-ci avait été supprimé par Mme Duflot. Il faudrait en parallèle élargir les dérogations de droit au PLU. La loi ÉLAN, en 2018, voulait produire « plus de logement et plus vite » ; la loi Climat, en 2021, veut réduire par deux la construction nouvelle. Il convient, également, de ne pas oublier de limiter la hausse des prix des terrains. L'équation est difficile. Madame la ministre, comprenez que personne ne s'y retrouve...

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