Intervention de Barbara Pompili

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 mai 2021 à 14h35
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique

Barbara Pompili, ministre :

Ce n'est pas le choix qui a été fait en France, car ce n'est pas vraiment dans notre culture ! On trouvera plutôt ces protéines dans des légumineuses, ou encore dans une omelette aux pommes de terre. Il ne s'agit pas simplement de retirer la viande de l'assiette ! Le ministre de l'agriculture a par ailleurs annoncé un plan protéines végétales qui vise à améliorer notre autonomie alimentaire en la matière.

Concernant la taxe sur les engrais azotés, la mesure proposée vise à accompagner les agriculteurs dans une trajectoire de réduction des émissions d'ammoniaque. Celle-ci nous est imposée par une directive européenne, à hauteur de 13 % à l'horizon 2030. C'est aussi un enjeu de qualité de l'air et de santé publique : il faut prendre les décisions qui s'imposent pour la santé de nos enfants. Or les émissions d'ammoniaque proviennent essentiellement du secteur agricole, au travers de la gestion des déjections bovines et de l'épandage de fertilisants minéraux et organiques. Les incitations sont importantes, mais elles ne sont pas toujours suffisantes : depuis 2000, ces émissions ont très faiblement diminué. Si le travail d'accompagnement que nous comptons mener auprès des agriculteurs ne permet pas à lui seul de respecter la trajectoire imposée, pendant deux années consécutives, et qu'une mesure équivalente n'a pas été déjà mise en place à l'échelle européenne, alors seulement une redevance sera mise en place afin de modifier les comportements d'achat d'engrais azotés minéraux au profit de formes moins émettrices d'ammoniaque. S'il faut en fin de compte instaurer cette redevance, il est essentiel que son produit soit redistribué au monde agricole : il ne s'agit pas de punir les agriculteurs, mais de les motiver. Un meilleur usage des engrais permettra en outre de diminuer les émissions de protoxyde d'azote, gaz à effet de serre 260 fois plus puissant que le CO2.

Madame Berthet, l'interdiction du polystyrène n'était pas prévue dans la version initiale de ce texte, mais a été rajoutée par l'Assemblée nationale. Ce qui me pose problème dans cette interdiction, c'est qu'elle ne tient pas compte du recyclage. La loi AGEC prévoit de tendre vers 100 % de plastiques recyclés d'ici au 1er janvier 2025, ce qui suppose que les résines employées soient recyclables et qu'une filière de recyclage soit opérationnelle. Une telle filière n'existe pas encore en France pour le polystyrène, mais il peut être recyclé en Espagne. Plusieurs projets de recyclage chimique ont été annoncés ou sont à l'état pilote en France. Aucune interdiction générale n'est prévue par la directive européenne sur les plastiques à usage unique. De telles interdictions de principe ne sont pas une bonne solution, car elles seraient contraires au droit européen : seuls les emballages non valorisables peuvent être interdits. Toute interdiction serait vue comme une restriction à l'importation, ce qui est prohibé par le droit européen. En revanche, la France a joué un rôle moteur pour inscrire dans le droit européen la possibilité de mettre en place des incitations économiques à l'écoconception des emballages, sous la forme de bonus-malus fixés dans le cadre des filières à responsabilité élargie du producteur (filières REP). Une pénalité est applicable aux emballages qui ne peuvent intégrer une filière de recyclage. C'est ainsi qu'on pourra favoriser les emballages écoconçus. Un bonus est aussi offert pour l'incorporation de plastique recyclé dans le polystyrène comme dans d'autres résines. Par ailleurs, la toxicité du polystyrène a été soulevée lors des débats à l'Assemblée nationale : de fait, ce n'est pas lui, mais un monomère de ce polymère, qui est toxique : c'est donc lors de sa production qu'il faut prendre des précautions pour protéger les travailleurs. Il n'y a en revanche pas de risque de dégradation du polymère qui mettrait en danger le consommateur. Le Gouvernement travaille avec la filière de l'emballage pour avancer sur toutes ces questions ; on pourra avoir ce débat en séance, mais il me semble qu'une interdiction sèche telle que celle qu'a adoptée l'Assemblée nationale pose problème.

Quant au pastoralisme, rappelons qu'une de mes premières sorties en tant que ministre de la transition écologique a été pour aller dans les Hautes-Alpes à la rencontre des éleveurs durement touchés par des attaques de loups. J'ai voulu leur dire que j'étais à leurs côtés et que le Gouvernement souhaite protéger et encourager le pastoralisme. L'écologie, c'est aussi l'entretien des espaces et des paysages. Grâce au pastoralisme, non seulement on mange de bons produits, mais on préserve aussi des prairies très riches en biodiversité. Je suis aussi obligée de protéger le loup. On a réfléchi à des solutions qui permettraient aux éleveurs de mieux se protéger, jusqu'aux prélèvements. Il faut aussi qu'ils soient indemnisés ; en 2016, lors de mon arrivée au ministère, ces indemnités étaient versées avec des retards de plusieurs années ! Ce n'est heureusement plus le cas. On ne pourra pas avancer en opposant les uns aux autres, il faut travailler ensemble. Le loup est revenu sur notre territoire ; on ne peut pas avoir une politique de protection des grands prédateurs à l'étranger et ne pas l'appliquer chez nous. Ce n'est pas facile, mais il faut continuer le travail.

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