Intervention de Emmanuelle Wargon

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 mai 2021 à 16h30
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de Mme Emmanuelle Wargon ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique chargée du logement

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée à la ministre de la transition écologique, chargée du logement :

Merci beaucoup Madame la présidente. Je souhaite vous remercier pour l'organisation de cette audition afin de débattre de ce projet de loi « Climat et résilience ».

Je suis en effet en charge du titre « Se loger » du projet de loi, et notamment des articles 39 à 45 et 47 à 55 qui relèvent du champ de mon ministère. Ce projet de loi est le fruit d'un processus démocratique inédit voulu par le Président de la République, celui de la Convention citoyenne pour le climat. Je souhaite saluer le travail des 150 citoyens tirés au sort qui ont travaillé pendant près d'un an sur 149 mesures structurantes, majoritairement reprises dans ce projet de loi.

C'est un texte qui porte des ambitions majeures très ancrées dans le quotidien de nos concitoyens. Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de l'action menée par le Gouvernement depuis 2017 en faveur de la préservation du climat et de l'environnement. Il doit s'appréhender dans une dynamique d'ensemble en complément de nombreux textes déjà adoptés depuis le début de la législature : les lois hydrocarbures, Egalim, ELAN, « Énergie-climat » et « anti-gaspillage pour une économie circulaire ». S'y ajoutent des mesures prises en dehors du cadre législatif avec la fin de projets qui ne sont plus compatibles avec nos attentes : EuropaCity, Notre-Dame-des-Landes, la Montagne d'or en Guyane ; nos quatre dernières centrales à charbon qui sont en cours de fermeture et la centrale nucléaire de Fessenheim qui est fermée.

Enfin, nous consacrons un tiers du Plan de relance à la transition écologique pour un montant sans précédent de 30 milliards d'euros. Aucun gouvernement n'a jamais investi autant de moyens sur une période si courte pour ce secteur. Dans le champ de mon ministère, nous consacrons près de 7 milliards d'euros à la rénovation des bâtiments tous sujets confondus et à la construction durable. C'est l'ensemble de toutes ces mesures qui nous permettront d'atteindre nos objectifs : ceux de l'accord de Paris transcrits en France dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) et ceux en cours de fixation au niveau communautaire.

Sur le volet rénovation énergétique inclus dans les mesures du titre IV « Se loger » du projet de loi qui sont au coeur de l'action écologique de mon ministère, nous poursuivons le développement d'une politique publique extrêmement ambitieuse. Je souhaite souligner les progrès effectués sur cette question centrale de la rénovation énergétique durant ces trois dernières années. Ces sujets n'avaient finalement pas été traités dans la loi ELAN et ont été introduits par les parlementaires dans la loi « Énergie-climat » à force de compromis. Seize mois plus tard, un chapitre entier du projet de loi leur sera dédié.

La question de l'habitat devient centrale dans la lutte contre le réchauffement climatique, à l'image de l'intérêt grandissant de nos concitoyens pour la rénovation. « MaPrimeRénov' », lancée le 1er janvier 2020, a connu un véritable succès malgré la crise sanitaire, avec 220 000 demandes déposées l'année dernière. En 2021, alors que « MaPrimeRénov' » n'était accessible qu'à la moitié des Français l'année précédente, elle est devenue accessible à tous avec un barème plus favorable pour les ménages les plus modestes. 270 000 demandes ont déjà été déposées depuis le début de cette année, soit quatre fois plus de dossiers prévus en 2021 qu'en 2020. C'est une dynamique extrêmement forte, soutenue par une prise de conscience écologique de nos concitoyens, mais aussi par une demande de confort dans le logement, renforcée par la crise sanitaire.

Nous prenons également de nombreuses mesures structurantes dans cette loi en faveur de la rénovation énergétique. Le principe d'une programmation pluriannuelle de la rénovation énergétique y a été inscrit dans l'article 39 bis C, et sera adossé à la loi pluriannuelle de l'énergie à partir de 2023. Nous consolidons également un référentiel ambitieux pour le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui devient l'élément d'information, de confiance et d'évaluation de la rénovation énergétique en prenant appui sur ce que les Français connaissent. Ce DPE consolidé, applicable au 1er juillet 2021, sera désormais notre boussole pour évaluer la performance énergétique d'un logement.

S'agissant des travaux de rénovation à mener, nous avons distingué la situation des propriétaires bailleurs et celle des propriétaires occupants. Les propriétaires bailleurs sont des acteurs économiques et portent la responsabilité de mettre en location un logement suffisamment performant énergétiquement. Ainsi vient le critère de décence : l'article 42 prévoit l'interdiction effective des locations de « passoires thermiques » en 2025 pour les étiquettes G, en 2028 pour les étiquettes F, qui permettra la rénovation de 1,8 million de logements concernés en six ans. Cette mesure est importante, elle fixe un calendrier clair. Elle engage l'ensemble des parties prenantes dans la massification des travaux de rénovation. Nous consacrons également dans le Plan de relance 500 millions d'euros à la rénovation des logements sociaux afin que, dans ce calendrier, plus aucun logement social ne soit classé F ou G en France.

L'examen du texte à l'Assemblée nationale a permis de poursuivre cette trajectoire d'interdiction pour les logements E pour 2034. Cette dernière étape qui concerne plus de 2,5 millions de logements supplémentaires donne une perspective de long terme et encourage les propriétaires bailleurs des logements F ou G, et E à engager des rénovations suffisamment ambitieuses. À plus court terme, en 2023, un premier signal sera envoyé aux propriétaires bailleurs avec l'interdiction d'augmenter les loyers des logements F et G, ce qui permettra de protéger les locataires de la précarité énergétique.

Le propriétaire occupant devra être accompagné et convaincu d'effectuer des travaux de rénovation. Il est essentiel de l'aider dans ce parcours, plutôt que de le lui imposer. C'est le sens de la mission que le Gouvernement a confié à Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations, dont plusieurs propositions ont été inscrites dans le projet de loi lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale.

Nous avons ainsi fixé un cadre pour véritablement qualifier et massifier l'accompagnement à la rénovation énergétique, dans la continuité de la mise en place du service public de la rénovation énergétique dont nous précisons les bases. Les accompagnateurs seront des professionnels qualifiés, à l'écoute, qui pourront prendre en charge de bout en bout le parcours de travaux des ménages, et les encourageront dans des rénovations performantes. Sur le volet du financement du reste à charge, le Gouvernement s'est engagé à apporter la garantie publique pour les prêts avance mutation : les banques avanceront le reste à charge des travaux et le récupéreront lors de la vente du logement. Le fonds de garantie pour la rénovation énergétique doit permettre à ce type de prêt de décoller, notamment pour les ménages modestes, ou pour les ménages plus âgés qui ont un accès plus difficile aux crédits classiques.

Au-delà de ces mesures, le chapitre relatif à la rénovation porte d'autres dispositions essentielles pour favoriser le dépassement de travaux : l'obligation à partir de 2022 de réaliser un audit énergétique lors de la vente d'une maison individuelle classée F ou G, et en 2025 pour les maisons classées E, et l'obligation de déclencher un DPE et un plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés.

Sur le volet de la lutte contre l'artificialisation des sols, nous entamons un changement de paradigme en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Réduire le rythme d'artificialisation des sols est nécessaire afin de préserver la capacité de stockage de carbone dans le sol et de réduire les émissions de gaz à effet de serre indirectes liées à l'augmentation des distances et des déplacements, et également afin de préserver nos terres agricoles et notre biodiversité. Il s'agit d'un enjeu d'aménagement majeur, avec pour objectif de concilier la qualité du cadre de vie, la préservation de la nature en ville, le maintien de services de proximité et le développement de nos territoires.

Nous inscrivons pour la première fois dans la loi l'objectif « Zéro artificialisation nette » en 2050, avec une trajectoire claire de réduction de 50 % du rythme d'artificialisation des sols pour les dix prochaines années dans les articles 47 et 48. Pour cela, nous nous appuyons sur les territoires et sur les documents de planification existants qui traduisent déjà cette stratégie, en établissant un mécanisme pragmatique. Dans les dix prochaines années, nous réduirons de moitié la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous laissons le temps aux collectivités de s'adapter à ces nouvelles destinations, celles des surfaces artificialisées, afin d'assurer le déploiement concret et effectif de la transition écologique dans les territoires.

Ce chapitre répond à l'ensemble des demandes législatives formulées par les membres de la Convention citoyenne. Je souhaite souligner le travail effectué, à l'Assemblée nationale, de l'ensemble des parties prenantes, notamment les élus locaux, afin de maintenir l'ambition et la lisibilité des mesures de ce chapitre. Cette partie du texte a extrêmement mobilisé les parlementaires avec 1 000 amendements en commission et autant en séance.

Le travail mené à l'Assemblée nationale a permis d'avancer sur l'enjeu de territorialisation. Tous les territoires n'ont pas les mêmes besoins ni les mêmes trajectoires. Nous devons tenir compte des efforts passés sur la réduction de l'artificialisation et des enjeux spécifiques des territoires ruraux. Le niveau régional a été retenu car il est l'échelon adéquat pour territorialiser les objectifs des bassins de vie des communes et des intercommunalités.

Ce projet de loi cadre l'exercice de cette responsabilité et enrichit la boîte à outils des collectivités pour qu'elles réussissent à réduire effectivement de 50 % le rythme d'artificialisation des sols sur leur territoire. Je pense à la création d'observatoires de l'habitat et du foncier au niveau intercommunal, mais aussi à l'adaptation du calendrier d'évaluation des documents d'urbanisme.

Ce projet de loi favorise aussi l'identification de zones préférentielles de renaturation. Je pense également aux mesures encourageant la densification qui sont proposées à la main des maires pour favoriser les opérations vertueuses là où elles sont les plus pertinentes : la transformation de bureaux en logements, la construction de logements à proximité des transports en commun, la construction d'étages supplémentaires pour les bâtiments existants.

Enfin, l'article 52 met fin à tout nouveau projet de centres commerciaux qui engendrerait une artificialisation des sols en dehors de cas de dérogations circonscrites. Ces projets seront ainsi conduits à s'implanter sur des zones déjà artificialisées, ce qui est un changement majeur pour les entrées de ville et pour la préservation des commerces de proximité.

L'examen du texte à l'Assemblée nationale a permis d'encadrer davantage le développement d'activités logistiques en les inscrivant dans des stratégies territoriales, et en complétant les documents d'aménagement artisanal commercial d'un volet dédié. Enfin, le projet de loi dote les élus locaux de moyens d'intervenir pour favoriser le recyclage des zones d'activités en obsolescence, en leur permettant après inventaire d'ordonner leur remise à niveau.

Le Titre IV du projet de loi « Climat et résilience » est concret, ambitieux et riche.

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