Intervention de Jean-Baptiste Blanc

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 mai 2021 à 16h30
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de Mme Emmanuelle Wargon ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique chargée du logement

Photo de Jean-Baptiste BlancJean-Baptiste Blanc, rapporteur du groupe de travail sur l'objectif de « zéro artificialisation nette » à l'épreuve des territoires, sénateur du Vaucluse :

Madame la ministre, je souhaite évoquer les « injonctions contradictoires » qui illustrent cette mandature. La loi ELAN enjoignait en 2018 à construire davantage et à libérer du foncier, et le projet de loi climat et résilience en 2021 demande de diviser par deux toute construction nouvelle.

Vous connaissez la crise du logement que traverse notre pays et vous avez fixé des objectifs ambitieux de construction de logements. Vous n'ignorez pas non plus les conséquences de la hausse du prix du foncier tant sur l'offre que sur le budget des ménages. Or, ce projet de loi entend fixer, dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), un objectif de réduction de consommation d'espace qui s'imposera aux maires et aux EPCI sur dix ans. La consommation devra donc diminuer de 50 % au moins dans toutes les régions françaises. En tout état de cause, ce sont 14 000 hectares chaque année qui seront retirés du foncier disponible, soit l'équivalent de 140 000 ménages pour qui le terrain ne sera plus constructible chaque année, ou 110 000 logements qui ne seront plus construits chaque année. Ces calculs n'ont pourtant pas été effectués dans le projet de loi. L'étude d'impact économique qui tient en quatorze lignes à l'article 49, sans aucun chiffre, est insuffisante.

Il est erroné de croire que le recyclage foncier, déjà artificialisé, suffira à combler les besoins et assurer le développement. Comment trouver du foncier dans des zones étendues déjà denses, déjà soumises à l'impact cumulé des lois SRU, littoral, montagne, et maintenant tenues de réduire encore leur consommation d'espace ? Si certains territoires au grand passé industriel comptent de nombreuses friches, ce n'est pas le cas de tous. Par ailleurs, le coût de la réhabilitation de ces territoires est souvent rédhibitoire. Le fonds « friches » du Plan de relance permettra de réhabiliter au mieux 150 hectares par an, ce qui est largement insuffisant. Le Gouvernement entend-il pérenniser tout cela, voire l'étendre ?

Les débats à l'Assemblée nationale se sont portés sur la territorialisation des objectifs. Les sénateurs préfèrent la décentralisation des objectifs. Le projet de loi semble oublier que les collectivités ont déjà mené des efforts considérables depuis vingt ans pour moderniser leurs documents d'urbanisme, les verdir, les rendre plus sobres, le tout dans le respect des compétences décentralisées. L'urbanisme est déjà la compétence des communes et des EPCI. Les trois quarts des SCOT ont déjà des objectifs de réduction de consommation d'espace d'au moins 35 %, voire 50 % pour la moitié d'entre eux. Ainsi, le rythme d'artificialisation baisse dès à présent même si l'urbanisme est une politique du temps long et que les territoires sont dans cet effort collectif. L'Assemblée nationale a fait un pas dans ce sens. Nous pensons au Sénat qu'il convient d'agir en responsabilité ascendante plutôt qu'en obligation descendante. Nous estimons ces SRADDET trop contraignants pour tous les échelons inférieurs (SCOT, PLU, PLUi).

Les mesures du projet de loi qui devraient entraîner de considérables transferts financiers vont modifier les bases fiscales des collectivités via la taxe foncière et grever les budgets des communes. La filière de la construction devra multiplier les études préalables et l'impact sera toujours plus marqué pour les ménages : un terrain constructible qui devient non constructible peut perdre une grande partie de sa valeur ; le prix du foncier constructible risque d'exploser. Aucune étude d'impact n'est produite dans le projet de loi. Certains spécialistes du secteur ont évoqué lors de leur audition un possible retour des Gilets jaunes si ces mesures venaient en application : les conséquences peuvent être vertigineuses pour nos territoires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion