Intervention de Emmanuelle Wargon

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 mai 2021 à 16h30
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de Mme Emmanuelle Wargon ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique chargée du logement

Emmanuelle Wargon, ministre :

La question posée par le sénateur Blanc concerne les injonctions contradictoires qui existeraient dans les différentes législations existantes et à venir. Je ne le pense pas. Il y a des solutions aux questions posées. Il est vrai que les politiques du logement et de lutte contre l'artificialisation que je porte posent des ambitions qui doivent être conciliées : une ambition forte de construction de logements, sociaux en particulier, et une ambition de réduction de la consommation des terres naturelles et agricoles et donc de lutte contre l'artificialisation. Les deux ne sont pas incompatibles. Nous devons trouver un modèle de construction durable. Il est difficile aujourd'hui de construire et de rendre les projets de construction acceptables. Nous avons besoin de trouver le bon équilibre entre d'un côté la nature, l'espace, la végétalisation et la prise en compte du cadre de vie et, de l'autre, le besoin de construction. La réponse est dans un ensemble de politiques publiques que sont la durabilité des normes de construction et notre approche sur l'urbanisme et l'aménagement.

Beaucoup de collectivités ont déjà adopté dans leurs documents d'urbanisme des règles de consommation d'espace plus économes. Beaucoup de PLU et de PLUi portent déjà des règles de réduction de l'artificialisation. La contrepartie est de construire avec plus de densité là où c'est possible. Aujourd'hui, là où le PLU ou le PLUi permettent une construction jusqu'à R+5, les constructions se limitent à R+3. C'est la raison de la perte de logements, particulièrement dans le collectif et les zones tendues. En reconstruisant à R+5 de manière plus durable conformément au PLU ou au PLUi, nous pourrons concilier un objectif de réduction de consommation de terres naturelles et un objectif de logements.

La lutte contre l'artificialisation fait aussi référence à la renaturation à l'intérieur des villes et à l'accès à la nature qui est nécessaire pour le cadre de vie. C'est en effet une contrainte ajoutée à une contrainte déjà existante. Mais c'est une contrainte qui s'impose car l'artificialisation est à la fois négative pour la biodiversité et la réduction des gaz à effet de serre.

L'objectif de zéro artificialisation nette n'est pas à atteindre immédiatement, mais d'ici 2050. La première période ne prévoit qu'une baisse de 50 %. Nous sommes en deçà des demandes de la Convention citoyenne.

Sur la territorialisation, les SRADDET tiennent leurs objectifs avec une réduction de l'artificialisation de 50 % d'ici 2030 dans neuf régions sur treize dont l'Occitanie d'ici 2040. Mais je partage le souci de la territorialisation au niveau infrarégional. La réduction de l'artificialisation n'est pas tenue d'être uniformément réduite de 50 % sur chaque commune ou intercommunalité. Les efforts déjà effectués dans certains territoires doivent être pris en compte. L'artificialisation peut répondre à des besoins essentiels, l'activité économique en particulier. Alors que c'est une ressource que nous considérions comme inépuisable, gratuite et sans valeur environnementale, nous devons la traiter comme précieuse et rare dorénavant.

Le fonds « friches » fonctionne parfaitement avec 300 000 euros dédiés et un réabondement envisagé. Il a déjà permis d'identifier 2 000 hectares en six mois qui vont permettre la construction de 20 000 logements supplémentaires. L'accès au logement abordable se fait par la construction neuve, mais également par la mobilisation de logements vacants et la réhabilitation d'anciens immeubles, particulièrement dans les villes de taille moyenne.

Concernant la rénovation, où la volonté de massification du Gouvernement a été soulignée et encouragée, les aides financières sont principalement rassemblées dans « MaPrimeRénov' » qui doit être l'aide de référence pour les ménages.

Dans le domaine du diagnostic qui est la caractéristique de base du logement, nous avons fait un travail partenarial très important pour ajouter les gaz à effet de serre au DPE, et pour l'améliorer et le rendre visible. La nouvelle étiquette énergétique aura une indication sur le coût mensuel ou annuel d'une consommation moyenne. L'audit est le cheminement pour parvenir à la rénovation la plus performante d'un logement.

Sur les concepts, je suis très attachée au concept de la « rénovation performante » que nous avons redéfini. La rénovation « globale » doit être performante et réalisée rapidement. La rénovation « complète » est en effet la moins indispensable.

Concernant notre stratégie, j'ai interrogé mon administration pour savoir si des rénovations performantes nous permettent d'être au rendez-vous de nos objectifs climatiques. La réponse est oui. Une note d'analyse ministérielle a récemment indiqué que si des rénovations performantes sont réalisées (saut de deux classes et niveaux A, B ou C atteints) dans la SNBC, les objectifs seront atteints à l'horizon 2030 et 2050. Cela nécessite impérativement un investissement. J'ai beaucoup plaidé pour une augmentation du budget de la rénovation énergétique des ménages qui sera attribuée aux propriétaires occupants et aux propriétaires bailleurs au 1er juillet 2021. « MaPrimeRénov' » s'ouvre donc naturellement aux propriétaires bailleurs. L'avancée de ce texte est de prévoir une programmation, qui sera renvoyée à la loi de programmation énergie 2023 afin de donner de la visibilité et de l'inscrire dans le temps. Cette politique publique ne peut pas varier avec des aides et des politiques publiques différentes. C'est ce qui a été fait dans le Plan de relance avec « MaPrimeRénov' » boostée pour les exercices 2021, 2022 et les crédits avancés pour 2023.

L'interdiction des locations des « passoires thermiques » en 2025 pour les étiquettes G, en 2028 pour les étiquettes F, et en 2034 pour les étiquettes E, votée par l'Assemblée nationale, a provoqué des inquiétudes assez fortes chez les professionnels de l'immobilier et les propriétaires. Il ne me semble pas nécessaire d'aller au-delà et de s'en tenir à ses objectifs. Ajouter les étiquettes E pour 2034 est déjà un acte fort.

L'autonomie des collectivités locales n'est pas modifiée par rapport à la loi de 2015. Ce service public est organisé par les régions avec les départements et les EPCI. Un programme de contractualisation a été proposé avec des C2E pour financer les guichets, et permettre que les financements soient portés par les collectivités qui le souhaitent et par l'État. La montée en charge est importante aujourd'hui : les conseillers des espaces info-énergie sont beaucoup sollicités et doivent être renforcés. Cela reste à la main des régions qui contractualisent avec les départements, les métropoles ou les EPCI.

Notre volonté sur l'accompagnement prévu par le rapport Sichel est qu'il soit en partie gratuit. Il doit être totalement libre et neutre. Je ne suis pas favorable à conditionner les aides à la rénovation globale. Nous devons pouvoir continuer à aider les Français à rénover leur logement, en les incitant à le faire de façon globale. Mais une rénovation totale est toujours difficilement envisageable en une seule fois.

Le vote de l'Assemblée nationale d'un coefficient de biotope en zone tendue est simplement une possibilité offerte aux collectivités locales dans les PLU de demander de laisser une part d'un terrain en pleine terre.

La modification de la loi SRU est prévue dans le projet de loi présenté par Jacqueline Gourault et sera présentée au Sénat au mois de juillet. Pour l'instant, il ne convient pas d'exempter de la lutte contre l'artificialisation telle ou telle cause, même les plus nobles : le logement, social ou non, l'activité économique ou les projets structurants. Sinon, le principe de base sera amoindri pour des exceptions pourvu qu'elles soient justifiées. En revanche, les trajectoires SRU sont retravaillées pour plus de souplesse afin que les objectifs soient atteignables.

La lutte contre la fraude aux C2E est indispensable. Nous avons prévu de légiférer par ordonnance du fait de la complexité du sujet qui va nécessiter des articles longs. Nous avons renforcé fortement les contrôles dans la période récente avec davantage d'agents dans le pôle national des C2E et une meilleure interconnexion des contrôles spécifiques aux C2E et à ceux de la DGCCRF. Le démarchage téléphonique a été interdit dans la loi ASAP et la réduction des aides à un euro permet de limiter les fraudes.

L'obligation inscrite dans l'article 15 ter d'avoir systématiquement recours à des matériaux « biosourcés » est en effet excessive et nous sommes prêts à retravailler ce sujet. L'article 46 quater permet de limiter l'aide de toute opération d'économie d'énergie produisant une hausse d'émission de gaz à effet de serre. Nous sommes dans une logique cohérente avec nos objectifs climatiques, qui permet de regarder à la fois la consommation et les émissions, et qui vise des opérations industrielles.

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