Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 25 mai 2021 à 14h30
Usages dangereux du protoxyde d'azote — Vote sur l'ensemble

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est en grande partie grâce à Valérie Létard que tout le monde le sait désormais : l’usage détourné du protoxyde d’azote à des fins récréatives est une pratique dangereuse, au succès inquiétant. Elle est d’autant plus dangereuse que ceux qui s’y livrent ignorent sa dangerosité, et son succès est d’autant plus inquiétant qu’il concerne essentiellement les mineurs et les jeunes majeurs.

La proposition de loi tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote, ainsi que les députés l’ont rebaptisée, n’a jamais été si proche de son entrée en vigueur, et je suis convaincue qu’elle permettra de lutter efficacement contre ce fléau.

D’abord, la vente de ce produit sera mieux encadrée, puisqu’elle sera interdite aux mineurs ainsi qu’aux majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac. La vente des ustensiles liés à l’usage récréatif du gaz sera également interdite, et une quantité maximale de vente aux particuliers sera fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de la santé.

Ensuite, la prévention sera renforcée par la mention obligatoire, sur les contenants du gaz, de la dangerosité de son usage détourné, et par le renforcement des modules de prévention aux conduites addictives organisés dans le cadre scolaire.

Enfin, parce qu’il faut enrayer la propagation de ce qui est vu, bien à tort, comme un loisir anodin, la provocation d’un mineur à faire un usage détourné du protoxyde d’azote, et plus largement de tout produit pour en obtenir des effets psychoactifs, sera pénalisée.

Nous pouvons sans doute regretter que l’Assemblée nationale ait renoncé à la mise à contribution des intermédiaires numériques dans la prévention des usages dangereux en supprimant un article jugé ambigu.

Nous pouvons aussi déplorer que le Gouvernement n’ait pas souhaité étendre le délit de provocation aux majeurs.

Nous pourrions enfin désapprouver le fait que l’interdiction de vente n’ait pas été étendue aux stations-services, comme cela avait été proposé en séance publique par les députés, ou que la question de la consommation de protoxyde d’azote au volant n’ait pas été abordée.

À cela s’opposaient des arguments juridiques, pratiques ou politiques, mais, au fond, ne dit-on pas que le mieux est l’ennemi du bien ?

Pour bien faire, il est grand temps que ces premières dispositions s’appliquent. Ce texte a en effet été déposé au Sénat en avril 2019. Nous l’avons adopté à l’unanimité en décembre 2019, tandis que l’Assemblée nationale l’a voté, à l’unanimité encore, en mars 2021, avant qu’il ne nous revienne deux mois plus tard. Il aura ainsi fallu plus de deux ans, mes chers collègues, pour que l’encadrement minimal d’un produit à la dangerosité avérée puisse entrer en vigueur. Il faudra encore un peu de temps avant que la Commission européenne ne donne son autorisation à de telles restrictions d’échange d’un produit de consommation courante.

Cela se comprend, et je ne plaide assurément pas contre le temps de la réflexion parlementaire ; mais peut-être aurions-nous pu tirer plus tôt ou plus vite les conséquences qui s’imposaient de l’observation d’un phénomène de mode que les Britanniques, notamment, connaissent bien depuis de nombreuses années déjà. En attendant, l’usage récréatif de ce gaz est à présent devenu un segment comme un autre de l’économie des stupéfiants, avec ses grossistes avisés, ses intermédiaires spécialisés et son marketing agressif.

Quoi qu’il en soit, ce texte permettra de lui porter les premiers coups. Réjouissons-nous que le Gouvernement se soit rangé à l’analyse clairvoyante de Valérie Létard ; remercions Valérie Six et nos collègues députés de leur remarquable contribution à l’efficacité du dispositif, et saluons le travail des élus locaux, qui restent en première ligne dans le maintien de l’ordre public.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la satisfaction l’emporte donc sur les regrets, mais c’est encore une satisfaction inquiète : alors que nous sortons péniblement d’une situation de crise sanitaire sans précédent, et que les alertes sur la santé mentale des jeunes se multiplient, nous pouvons sans doute les empêcher, dans une certaine mesure, de se détruire en altérant leur santé. Contribuer à leur bonheur reste un défi d’une autre ampleur.

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