Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, bien que centrée sur la prévention des usages dangereux du protoxyde d’azote, cette proposition de loi s’avère en fait générique et pourra s’appliquer à tout mésusage d’un produit de consommation courante pour la recherche d’effets psychoactifs.
Adoptée à l’unanimité par nos deux assemblées en première lecture, elle marque des avancées certaines quant à la prévention de cette conduite addictive qui a tendance à progresser, quelquefois parallèlement à la consommation d’autres produits, en raison de sa facilité d’accès, de son faible coût et de sa prétendue innocuité.
Ce phénomène inquiète les professionnels de santé, les pouvoirs publics et les élus locaux, d’autant qu’il touche un public de plus en plus jeune.
En 2018, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies nous alertait, car la consommation se banalisait, en parfaite méconnaissance des risques associés en matière de santé : effets immédiats, comme des pertes de connaissance, chutes ou asphyxies, et, en cas de consommation récurrente, des complications neurologiques ou des carences en vitamine B12.
Les élus et les associations observent la banalisation de cet usage récréatif, que révèle notamment la présence de déchets de capsules métalliques après des rencontres festives, des festivals et même des soirées d’étudiants en médecine à Lyon, Bordeaux ou Paris.
Il n’est pas rare de voir des « bars à proto », où les jeunes achètent directement des ballons, à côté de débits de boissons.
En février, le centre d’addictovigilance de Lyon et l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes appelaient à une nouvelle campagne de sensibilisation sur les risques encourus par les jeunes consommateurs, ayant constaté « la [récente] recrudescence, au niveau de la métropole lyonnaise, des signalements d’atteinte neurologique, ainsi que la présence visible de bonbonnes dans l’espace public ». Pour le centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues de Lyon, l’usage, installé depuis longtemps, est aujourd’hui plus fréquent. Originellement festif, il est devenu solitaire ou se fait en petit groupe, et les étudiants pris en charge étaient, pour la plupart, déjà consommateurs au lycée, voire au collège.
Cette situation appelait donc une régulation. Tel est l’objet de ce texte.
En encadrant la vente de ce gaz, y compris pour les publics majeurs, cette proposition de loi apporte une réponse aux élus locaux, démunis face à ce problème de santé publique. Il ne sera ainsi plus nécessaire que des maires prennent des arrêtés d’interdiction qui ne relevaient pas de leur compétence et qui, dès lors, ne pouvaient être efficaces.
Néanmoins, précisons que les interdictions ne font pas tout. Le texte, heureusement, ne s’y limite pas.
L’usage de ce produit n’est pas que ponctuel. Ainsi, chez certains s’est installée une véritable dépendance. D’ailleurs, la progression des signalements sanitaires durant la crise du covid-19 sonne comme une alerte sur une conduite devenue addictive pour une partie des usagers.
Pour ceux-là, il est essentiel de traiter la relation qu’ils entretiennent avec le produit, au-delà du produit lui-même, qui peut être remplacé par un substitut.
Notre action doit s’inscrire dans une politique ambitieuse de prévention et de réduction des risques, qui doit notamment prendre en compte les conséquences sur la santé mentale de la crise sanitaire.
Le Portugal, qui a décriminalisé en 2000 la consommation individuelle de toutes les drogues et privilégié l’accompagnement à la sanction, a obtenu des résultats concluants. Cette politique s’avère être un succès.
Les associations de terrain appellent à multiplier les solutions de prévention et d’accompagnement des consommateurs, avec notamment la mise en place de structures spécialisées et un suivi social renforcé. Aussi, nous saluons l’équilibre de ce texte, qui appuie sur la prévention et l’information, via l’étiquetage, et sur des actions de sensibilisation en milieu scolaire sur les risques de ces consommations. Néanmoins, nous resterons attentifs aux moyens accordés à la politique de prévention et de réduction des risques.
Considérant qu’il s’agit d’une réponse nécessaire et équilibrée à un problème de santé publique, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.