Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’adresse un grand merci à Valérie Létard de s’être emparée de ce sujet essentiel. Beaucoup de choses ont déjà été dites et je risque d’être dans la répétition.
Le protoxyde d’azote est, à l’origine, un gaz à usage médical, utilisé pour ses propriétés analgésiques. Il sert également comme propulseur pour les siphons à chantilly. Ce produit bon marché est en vente libre sur internet et dans le commerce.
Cependant, le protoxyde d’azote, ou N2O, est surtout connu de nos jeunes comme le « proto », un gaz hilarant à effet euphorisant. Son usage détourné consiste à inhaler le gaz par le biais d’un ballon, après avoir « craqué » la cartouche pour l’ouvrir.
Malheureusement, cette consommation n’est pas sans risque : l’inhalation du protoxyde d’azote peut provoquer des brûlures, une asphyxie, voire une perte de connaissance, des intoxications, des effets cliniques, principalement neurologiques, allant jusqu’à des atteintes de la moelle épinière, mais aussi cardiaques et psychiatriques.
L’arrêté du 17 août 2001 l’inscrit sur la liste I des substances vénéneuses ; il est ensuite soumis à une réglementation stricte par l’arrêté du 21 décembre 2001.
Pour lutter contre ce fléau, les pouvoirs publics français pointent la nécessité de conduire des actions de sensibilisation. Actuellement, seul le détournement du protoxyde d’azote à usage médical est encadré par la loi. En revanche, celui à usage domestique n’est soumis à aucune restriction. Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à corriger ce vide juridique.
Depuis 2017, de nombreuses petites cartouches grises contenant ce gaz sont retrouvées dans l’espace public, comme le souligne l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies dans son rapport publié en décembre 2018. Ce phénomène traduit une banalisation de sa consommation, qui, selon une étude de la mutuelle SMEREP, serait le troisième produit psychoactif le plus consommé chez les jeunes.
Les collectivités locales s’investissent déjà fortement dans la prévention. Par exemple, dans mon département de l’Eure, le maire de Vernon, François Ouzilleau, a pris en 2020 un arrêté municipal interdisant la vente ou le don de cartouche ou de tout autre récipient contenant du protoxyde d’azote à une personne mineure non accompagnée d’un adulte. Une amende de 68 euros est prévue pour la détention, l’utilisation et le dépôt de cartouche dans l’espace public. Cela faisait plusieurs mois que la police municipale de Vernon, les services de la voirie et de la propreté urbaine constataient l’augmentation du nombre de cartouches au sol dans certains endroits de la ville. Au-delà du risque pour la santé publique, elles constituent également une pollution environnementale critique.
Cette proposition de loi issue du Sénat a été votée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, qui en a adopté les éléments essentiels, notamment l’interdiction de vente aux mineurs de produits contenant du protoxyde d’azote et la pénalisation de l’incitation d’un mineur à en faire un usage détourné.
L’Assemblée nationale a adopté, en commission des affaires sociales, puis en séance, plusieurs amendements tendant à renforcer les mesures présentes dans le texte initial. Je pense à la vente de crackers, à l’étiquetage « danger » sur le produit et aux précisions apportées pour la mise en œuvre du texte à Wallis-et-Futuna. D’autres amendements adoptés avaient pour objet de mobiliser les agents de police municipale pour les actions de prévention.
Depuis juillet 2019, sous l’impulsion conjointe du ministère de la santé et de celui de l’éducation nationale, l’ensemble des collèges et lycées de France met progressivement en place des partenariats avec des consultations jeunes consommateurs, qui offrent aux jeunes et à leur entourage un service d’écoute et d’orientation totalement gratuit et confidentiel.
Une campagne d’information de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) vise pour sa part à doter les acteurs de terrain – associations et collectivités locales – de supports de sensibilisation clairs et adaptés.
La présente proposition de loi a aussi pour objet de renforcer la prévention et la meilleure information des jeunes fréquentant les établissements scolaires sur les risques de l’usage détourné du N2O.
La Mildeca a lancé en juin 2020 une campagne sur les réseaux sociaux. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures supplémentaires le Gouvernement envisage-t-il de prendre sur internet pour informer les jeunes des risques de l’usage détourné du N2O sur leur santé ?
En conclusion, je souligne que le protoxyde d’azote représente, sous des airs légers, un véritable danger pour nos jeunes. Ce texte englobe l’ensemble des aspects d’une prévention efficiente et d’une dissuasion nécessaire pour protéger les mineurs. L’importance de cette proposition de loi est reconnue de tous ; plusieurs sénateurs de mon groupe et moi-même étions d’ailleurs cosignataires de ce texte.
Compte tenu de ces éléments et du souhait partagé d’une mise en œuvre rapide des dispositifs prévus dans cette proposition de loi, le groupe RDPI votera en faveur du texte issu des travaux de la commission, de manière à en assurer l’adoption définitive.