Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je viens à cette tribune soutenir la proposition de loi, que j’ai moi-même déposée, renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention.
Dans les prochaines années, plus de 500 détenus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme islamo-djihadiste sortiront de prison. Face au risque que présente leur sortie de détention, le Parlement, à la suite d’initiatives convergentes du Sénat et de l’Assemblée nationale, a adopté le 27 juillet dernier la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine.
Compte tenu de la particulière dangerosité et du risque élevé de récidive de la part de tels individus une fois leur peine d’emprisonnement accomplie, nous avions jugé nécessaire que des mesures de surveillance adaptées puissent leur être appliquées après leur sortie de détention.
Dans sa décision du 7 août 2020, le Conseil constitutionnel n’a pas remis en cause le principe même d’une mesure de sûreté à l’égard de personnes condamnées pour terrorisme ayant purgé leur peine. Toutefois, en dépit des nombreuses garanties que le législateur avait prévues, le Conseil constitutionnel a considéré que le dispositif retenu portait une atteinte ni adaptée ni proportionnée aux droits et libertés constitutionnellement garantis.
Malgré cette appréciation du juge constitutionnel, demeure l’impérieuse nécessité d’un dispositif permettant d’assurer le suivi de personnes qui, libérées à l’issue de leur peine, peuvent continuer à constituer une grave menace pour la sécurité publique.
Les mesures de police administrative, plus connues sous l’acronyme de Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance), aujourd’hui privilégiées, n’offrent pas, au regard de leur durée, un cadre de surveillance suffisant. Le renforcement des dispositifs de suivi judiciaire apparaît, en conséquence, comme la voie juridiquement la plus adaptée pour répondre à l’enjeu que représente, en termes de sécurité publique, la sortie de détention des condamnés terroristes, tout en offrant des garanties de réinsertion renforcées.
Dans cette perspective, la présente proposition de loi, prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel, reprend le principe du dispositif adopté en juillet 2020 – celui d’un suivi judiciaire prononcé au stade postsentenciel, d’une durée décorrélée des crédits de réduction de peine et d’un prononcé conditionné à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité appréciée en fin de peine –, tout en y apportant les aménagements destinés à le rendre pleinement compatible avec les motifs de cette décision.
En premier lieu, l’article 1er réduit la durée maximale de la mesure de sûreté, en la fixant, pour les personnes condamnées à moins de dix ans d’emprisonnement, à trois ans au lieu de cinq, et, au-delà, à cinq ans au lieu de dix. Serait également maintenue une atténuation en cas de minorité, avec des durées ne pouvant excéder respectivement deux et trois ans. En outre, l’article fixe la durée maximale de la mesure en fonction non pas de la peine encourue, mais du quantum de la peine effectivement prononcée.
En deuxième lieu, la proposition de loi exclut l’application de la mesure de sûreté aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire. Elle limite, par ailleurs, le cumul de la mesure de sûreté avec une peine assortie d’un sursis simple.
En troisième lieu, le texte prévoit que la mesure ne pourra être prononcée que lorsque l’individu concerné aura pu suivre un programme de réinsertion en détention, à l’instar d’autres mesures de surveillance judiciaire existantes.
En quatrième lieu, même si cette précision était sous-entendue dans la rédaction adoptée par le législateur, le texte dispose explicitement que le renouvellement de la mesure ne pourra être prononcé qu’à l’issue d’une évaluation établissant la dangerosité, sur la base d’éléments actuels et circonstanciés.
En cinquième lieu, enfin, la proposition de loi introduit une gradation dans le prononcé des obligations susceptibles d’être imposées à la personne sortant de détention, afin de garantir que ne seront prononcées que des obligations strictement nécessaires et proportionnées à sa situation personnelle.
Ainsi, dans le cadre du dispositif prévu, la juridiction pourra imposer aux personnes concernées le suivi d’un certain nombre d’obligations déjà applicables dans le cadre d’autres mesures de suivi judiciaire et qui relèvent, pour la plupart, d’un suivi social et d’un accompagnement personnalisé à la réinsertion.
En revanche, le prononcé des obligations les plus attentatoires aux libertés individuelles – obligation de pointage, interdiction de paraître dans certains lieux et interdiction de fréquenter certaines personnes – serait réservé aux personnes pour lesquelles les premières obligations se révéleraient insuffisantes, compte tenu de leur situation, de leur personnalité ou de leur niveau de dangerosité.
Cette proposition de loi a pour objectif de réaffirmer et de remettre en place une procédure à l’origine souhaitée par le Sénat et l’Assemblée nationale.
En outre, nous devons tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel – naturellement, nous essayons, par ce texte, de nous caler sur elle.
Par ailleurs, lorsqu’un détenu sort de détention et qu’il a purgé sa peine – car c’est bien de ce cas-là qu’il s’agit –, des mesures administratives telles que les Micas peuvent être appliquées. À ce jour, elles sont limitées dans le temps, à une année. Mais, dès lors que l’on veut contrôler plus longtemps et de façon plus contraignante, nous devons passer par la voie judiciaire : seul le juge peut décider de mesures restrictives de liberté postsentencielles, une fois la peine exécutée. C’est là toute la discussion.
Rien n’empêche que les deux mesures se cumulent pendant une certaine période, raison pour laquelle je propose ce texte. J’espère, mes chers collègues, qu’il recevra votre approbation.