Intervention de Alain Marc

Réunion du 25 mai 2021 à 14h30
Irresponsabilité pénale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain MarcAlain Marc :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme nous tous, j’ai une pensée émue pour Sarah Halimi et les membres de sa famille. Son meurtre est une tragédie. La proposition de loi que nous examinons dépasse le cadre de cette affaire : pourtant, c’est bien ce meurtre qui a mis l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au centre de l’actualité.

Mal comprise, l’irresponsabilité pénale choque parfois. Certains y voient une forme d’immunité, voire une incitation au crime. Or la réalité est bien différente. Il faut admettre que les troubles psychiques, même dangereux, ne se traitent pas avec une sanction pénale. La place de ceux qui en sont atteints est à l’hôpital et non pas en prison.

Cela ne signifie pas pour autant qu’ils doivent être remis en liberté. Quand le meurtrier de Mme Halimi a été déclaré irresponsable, la juridiction a « ordonné son admission en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète ainsi que des mesures de sûreté ».

L’objectif principal des auteurs de cette proposition de loi était de restreindre le champ d’application de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Nos collègues souhaitaient empêcher que puissent être déclarés irresponsables ceux dont le comportement est à l’origine du trouble mental.

Leur initiative s’inscrit dans le sillage d’autres réflexions. Un projet de loi sur la question sera prochainement présenté et une mission flash est en cours sur le sujet à l’Assemblée nationale – les précédents orateurs l’ont déjà rappelé.

Le travail en commission, notamment les auditions menées dans le cadre de l’examen du présent texte, a montré toute la difficulté qu’il y a à tenter de rendre quelqu’un responsable de son irresponsabilité.

Nos collègues n’ont eu d’autre choix que de renoncer à modifier la règle de l’irresponsabilité pénale : aucune rédaction ne permettait d’éviter une atteinte aux principes fondamentaux de notre droit.

À ce titre, je salue la décision de la commission. C’est une décision de sagesse, qui ne laisse pas l’émotion, même légitime, prendre le pas sur l’intérêt général.

Avec sa rédaction, la commission nous propose d’améliorer plusieurs points de procédure du domaine de l’expertise judiciaire. Ces améliorations sont les bienvenues. Celle qui permet d’écarter tout conflit d’intérêts de la part de l’expert nous semble particulièrement pertinente.

En outre, le texte de la commission contient une disposition visant à ce qu’un procès pénal se tienne lorsque l’abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte de son fait fautif. La responsabilité pénale serait déterminée lors de ce procès afin de faire droit au besoin de procès des victimes.

Bien entendu, l’objectif est louable et nous tenons à ce que la place des victimes soit respectée. Toutefois, nous craignons que cette solution n’entraîne encore davantage de frustration : tenir un procès pour finalement déclarer l’auteur irresponsable ne sera pas plus facile pour la partie civile.

Par ailleurs, il semblerait que des doutes persistent quant à la solidité juridique de la rédaction proposée. Cette disposition nous inspire donc quelques réserves.

Enfin, le texte entend préciser pour l’ensemble des infractions que la consommation d’alcool ou de stupéfiants est une circonstance aggravante. Cette précision nous semble fondamentale. Nous nous étonnons d’ailleurs qu’elle ne soit pas systématique : pour certaines infractions, cette circonstance aggravante est déjà explicitement mentionnée, mais la rapporteure a pu constater qu’elle n’était pas prévue pour certains crimes pourtant particulièrement graves, comme la torture et les actes de barbarie.

Il nous paraît indispensable de l’étendre à l’ensemble des crimes et délits. Ainsi, le message sera clair : la consommation d’alcool ou de stupéfiants, loin d’excuser le comportement de l’auteur, renforce la peine qu’il encourt.

Ainsi, ce texte contribue à l’amélioration de notre droit pénal. Si nous ne souscrivons pas à l’ensemble de ses mesures, nous sommes particulièrement favorables à un renforcement des sanctions à l’encontre de ceux qui commettent des infractions sous l’influence de stupéfiants ou d’alcool. Nous soutiendrons donc l’adoption de cette proposition de loi !

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