Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un plaisir de vous accueillir. Ce n'est pas la première fois que nous vous recevons comme ministre depuis 2017, mais c'est la première fois que nous vous recevons comme ministre de l'agriculture ! Vous connaissez déjà bien certains des sénateurs présents parmi nous même si aujourd'hui les enjeux d'aménagement numérique du territoire laisseront la place aux enjeux agricoles. Nous vous recevons aujourd'hui dans le cadre de l'examen prochain par le Sénat du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui comporte désormais une trentaine d'articles entrant dans le champ de compétence de votre ministère.
Comme vous le savez, le Sénat a fait le choix de s'appuyer sur l'expertise des commissions permanentes plutôt que de créer une commission spéciale comme à l'Assemblée nationale : compétente sur la majorité des articles, notre commission est donc saisie au fond de ce texte, avec comme rapporteurs Marta de Cidrac, Pascal Martin et Philippe Tabarot. La commission des affaires économiques recevra une délégation au fond pour traiter plusieurs dizaines d'articles. Les commissions des finances, des lois et de la culture se sont également saisies pour avis.
S'agissant du volet « agricole » du projet de loi ou des éléments ayant une incidence sur ce secteur, notre commission est compétente au fond sur l'article 1er relatif à l'affichage environnemental, les articles 19 à 19 bis C et 19 bis G à 19 bis relatifs à la protection des écosystèmes aquatiques, 56 et suivants relatifs aux aires protégées, 58 A et suivants relatifs au recul du trait de côte, 59 quater, 61, 61 bis relatifs à notre politique alimentaire, 62, 63 relatifs aux émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac du secteur agricole et 63 bis à 64 ter relatifs à la lutte contre la déforestation importée, ainsi que l'article 66 ter.
J'en profite pour vous indiquer que le groupe de travail « Alimentation durable et locale », commun à notre commission et à celle des affaires économiques, rendra ses conclusions demain.
Nous comptons sur les six sénateurs membres de ce groupe de travail et sur nos rapporteurs pour traduire concrètement leurs propositions par des amendements au projet de loi.
Avant de vous laisser la parole pour un propos liminaire, j'ai plusieurs questions à vous poser. Tout d'abord, monsieur le ministre, quelle est la philosophie d'ensemble du volet agricole de ce projet de loi ?
Globalement, ce texte mélange des mesures programmatiques, des prorogations et modifications de mesures à peine ou non entrées en vigueur, des coordinations de mesures anticipées avec d'autres textes qui pourraient être examinés au Parlement dans les prochains mois ou années, quelques mesures d'interdiction et d'effet direct, une demi-douzaine d'habilitations à légiférer par ordonnance, mais aussi désormais une quarantaine de demandes de rapports du Gouvernement au Parlement.
Le volet agricole ne fait pas exception à la règle, avec des mesures prolongeant des dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim », mais aussi des articles à la portée normative discutable alors même qu'ils affichent des objectifs symboliques très forts. Je pense notamment au projet de taxe sur les engrais azotés : on voit bien les objectifs et la trajectoire fixés, mais quel sera l'accompagnement proposé à nos agriculteurs ? Certes, il y a le plan de relance, mais les dispositions de la loi « Climat et résilience » auront des effets bien au-delà de la période actuelle de crise sanitaire et économique et elles supposent un accompagnement dans la durée, faute de quoi nous aurons uniquement dégradé la compétitivité de notre agriculture et ouvert la voie à des importations toujours plus nombreuses qui ne respectent pas nos normes nationales, sur les plans sanitaires, environnementaux et sociaux, ce qui va à rebours de l'objectif de maîtrise de notre empreinte carbone et de la protection de nos concitoyens.
Par ailleurs, avez-vous pu évaluer l'effet réel sur l'environnement et sur nos émissions de gaz à effet de serre (GES) des mesures ajoutées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale sur le volet agricole ? Nous manquons d'évaluations. L'étude d'impact du projet de loi est globalement lacunaire et le suivi des mesures introduites à l'Assemblée n'est pas simple, car les amendements adoptés, que ce soit sur proposition des députés ou du Gouvernement, ne comportaient pas de mention de leur impact climatique, en dépit des recommandations du Haut Conseil pour le climat (HCC). Selon vous, à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, l'ambition climatique du volet agricole a-t-elle été relevée ?
Enfin, quels sujets nouveaux souhaitez-vous travailler avec le Sénat ? Quelles dispositions souhaitez-vous retravailler avec nous ? Des amendements du Gouvernement sur le volet agricole sont-ils en préparation ?